Cheminées à 100 m de haut, cuves de 52 m de diamètre, bâtiments rouillés à perte de vue… Le chantier de déconstruction de la raffinerie du port de Dunkerque (Nord) immerge instantanément ses visiteurs dans une ambiance de fin du monde. Sur les 90 ha du site où Colas fabriquait jusqu'en 2016 son bitume, les restes de l'usine et des nombreux édifices adjacents, soigneusement découpés et évacués, disparaissent à vitesse accélérée.
Entre l'amiante disséminé un peu partout, la présence de 300 km de tuyauterie, des sols pollués aux hydrocarbures où subsistent des débris de la Seconde Guerre mondiale susceptibles d'exploser ainsi que des dizaines de milliers de données complexes et hétérogènes, à analyser, dont 60 000 plans parfois anciens, Colas ne pouvait rien laisser au hasard. D'où le recours au building information modeling (BIM). Cette démarche collaborative a servi à modéliser les bâtiments à déconstruire, mais surtout à cartographier et à quantifier les polluants présents. Une approche inédite, lauréate du BIM d'or 2018, qui débouche sur un dimensionnement au plus juste des opérations et facilite, dans le même temps, les échanges avec l'administration compétente. « Sur ce chantier, nous sommes avant tout le maître d'ouvrage, mais nous apportons également notre sa-voir-faire d'entrepreneur au travers de mesures pragmatiques en matière de sécurité, de traçabilité des déchets et de préparation du chantier », détaille Henri Molleron, directeur environnement chez Colas. Les travaux préparatoires portant sur les infrastructures du site, les opérations d'encadrement et d'études, les analyses d'échantillons, le curage et le nettoyage des lignes, des bacs et des bassins ont englouti à eux seuls 44 % des 41 M€ HT engagés depuis 2017.
Parmi les opérations qui restent à mener, le désamiantage-démantèlement, prévu pour le dernier trimestre de cette année, sera largement à la charge des entreprises locales, comme le précise le directeur environnement : « Seuls 16 % du budget de cette première phase de travaux ont été confiés à des entités du groupe. Une part qui augmentera avec l'étape suivante de dépollution des sols et de travaux techniques de finition, dont le montant n'est pas encore chiffré. » A ce jour, 71 sociétés extérieures au groupe Colas ont déjà été impliquées et un tiers d'entre elles sont issues du territoire dunkerquois.
9 500 t de déchets de curage et 500 t d'amiante ont été évacuées
Dépollution in situ. Restait à se doter des moyens matériels pour mener ce chantier à bien. Afin d'optimiser la gestion des déchets, une plate-forme surdimensionnée d'une capacité de stockage de 10 000 t nécessitant l'imperméabilisation d'une surface supérieure à un hectare a été mise en place. Une station de prétraitement des effluents, disposant de 350 m de stockage tampon, complète le dispositif. Pour l'heure, 9 500 t de déchets de curage et 500 t d'amiante ont été évacuées, et 150 t sont encore à traiter. Concernant les sols, Colas a choisi de tester le traitement in situ par extraction sous-vide couplée à une oxydation catalytique (combustion à très haute température) des polluants. La filiale du groupe Bouygues adonc installé la plus grosse unité pilote de dépollution in situ de France. L'objectif : rendre dès 2021 une partie des terrains au port en vue de sa réindustrialisation.
