Quelle est la raison de votre venue en Asie ?
Olivier Berger : Je viens régulièrement rendre visite à nos clients. Nous avons plusieurs implantations pérennes dans la région – à Hong Kong, en Chine, à Taiwan – et des implantations plus ponctuelles à la faveur des projets que nous réalisons. Il y a énormément d'activité dans la zone et cela nécessite une présence locale forte.
Plus précisément ?
OB : Le marché asiatique, porté par la croissance et le trafic aéroportuaire de la région, est pour nous un territoire de fort développement et de croissance pour les années à venir. Chaque pays est différent avec des aéroports qui sont pour certains très matures et existent depuis plusieurs décennies, tels que Hong Kong ou Singapour, et pour d’autres des créations complètement nouvelles comme en Chine ou dans des pays plus émergents, qui essayent de rattraper leur retard.
De quelle manière conçoit-on un aéroport ?
OB : Si un aéroport reste à la base un endroit où l’on prend l’avion, la façon de le faire peut être différente selon le pays. Notre métier s’exerce donc de façon différente selon le client, ses capacités de financement, ses attentes en termes d’image, d’efficacité et la façon dont il compte exploiter son aéroport. La difficulté est d’arriver à comprendre la réalité locale et de trouver la meilleure solution qui corresponde aux besoins spécifiques des clients.
Mais quelle est la spécificité d’ADPI ?
OB : L’histoire d’ADPI est une sorte de "mix" qui a évolué au fil des années entre sa dominante très architecturale d’origine –
la société a pris ses racines dans les projets portés par Paul Andreu il y a quasiment vingt ans – et la dimension fonctionnelle et industrielle que doit avoir un aéroport. Au fil des années, nous nous sommes aperçus qu’un aéroport n’était pas uniquement un objet architectural et que sa fonctionnalité était un élément déterminant. Même si certains clients souhaitent avoir un objet iconique, ils se rendent assez rapidement compte qu’un aéroport s’apparente finalement beaucoup plus à un objet industriel qu’à un objet décoratif !
Comment travaillez-vous en Chine ?
O.B : Ces dernières années ADPI a été très actif en Chine. Les Chinois, bien que très attirés par l’image, ont finalement compris l’importance de l’aspect industriel d’une telle infrastructure. Nous avons gagné plusieurs concours internationaux pour le nouvel aéroport de Pékin et pour celui de Chengdu en proposant une image assez innovante, très emprunte de la culture locale, mais en intégrant bien la dimension fonctionnelle et industrielle, ce que ne ferait pas forcément une agence d’architecture, même avec un très grand nom français ou anglo-saxon, qui lui va s’attacher exclusivement à l’image. Dans un domaine différent, nos réalisations en cours ou récentes en Asie se situent sur un autre segment historique de l’activité d’ADPI, qui est l’assistance à maîtrise d’ouvrage, soit pour arriver à mettre en forme son concept, soit pour définir le programme le plus pertinent, soit pour comprendre comment traduire des prévisions de trafic en un volume et en une capacité d’aéroport. Ce processus de gestation assez en amont d’un programme aéroportuaire requiert d’avoir la connaissance de toute une série de techniques ou d’expertises qui vont du fonctionnel en passant par des notions de rentabilité, d’opérabilité, de business plan. C’est un peu l’ADN d’ADPI d’avoir cette expérience appuyée par notre appartenance au groupe ADP. Nous conseillons les développeurs d’infrastructures ou les ministères sur des opérations de ce type. Nous travaillons ainsi avec le gouvernement sud-coréen pour définir l’implantation du second aéroport international. C’est un projet important pour ce pays extrêmement mature. À Hong Kong, nous travaillons aussi sur l’extension de l’aéroport existant. Construire un aéroport en partant de zéro est, d’une certaine façon, assez facile. Mais lorsqu’il y a une structure déjà existante, il faut l’intégrer en essayant de l’optimiser et en permettant à l’aéroport de rester en exploitation. Nous avons par ailleurs des projets intéressants dans d’autres pays comme les Philippines, le Vietnam, l’Indonésie ou la Thaïlande qui, pour diverses raisons, sont portés par la croissance et ont besoin de conseils pour rattraper leur retard ou donner un coup de pouce aux infrastructures un peu vieillissantes dont ils disposent.
Des appels d’offres sont en cours dans ces pays ?
OB: Oui. Nos clients sont en Asie majoritairement des clients publics et nous sommes soumis aux codes des marchés publics et à des procédures d’appels d’offres. Ensuite, il y a des situations où le client ayant fait appel à ADPI dans le passé ou avec lequel des contrats sont en cours nous appelle directement dans des conditions un peu plus "conviviales" à participer, mais cela reste assez marginal. Le fait d’avoir laissé une bonne image auprès des instances décisionnelles s’est avéré au fil des années être un choix pertinent, qui nous permet d’être rappelés, y compris avec des générations plus jeunes de décideurs comme au Vietnam.
La sécurité est-elle une nouvelle contrainte forte pour ADPI dans ses futurs projets ?
OB : Il y a, depuis de nombreuses années, un changement assez fort dans la conception des aéroports dicté par les problèmes de sécurité. Nous essayons actuellement de trouver soit des technologies ou des moyens nouveaux, soit de faire en sorte que les infrastructures actuelles s’accommodent le mieux possible de ces nouvelles contraintes. C’est loin d’être facile, parce que souvent les aéroports n’ont pas été conçus pour cela. Notre devoir est de faire avancer la réflexion sur des schémas nouveaux, d’apporter des solutions pour trouver le meilleur compromis entre la sécurité nécessaire et la qualité du service au passager. C’est un enjeu fort dans la compétition à laquelle se livrent les "hubs" aéroportuaires. C’est un vrai sujet, car si nous allions dans la surenchère du contrôle, cela deviendrait infernal pour les usagers !
Et le développement durable ?
OB : Autant la sécurité est un "must", autant les pays ne s’engagent pas avec la même envie ni les mêmes besoins dans le développement durable. Sur nos projets en Chine, nous avons proposé toute une série d’idées innovantes comme la récupération des eaux de pluie sur les toits. Les aéroports sont des surfaces gigantesques pour les capter. Elles peuvent être ensuite traitées et utilisées pour le fonctionnement des aéroports. Entre l’affichage et la réalité, il se passe souvent des années, mais la tendance est généralement au développement des préoccupations environnementales avec des réalités ponctuellement assez différentes !