Dans un entretien exclusif accordé au Moniteur, le ministre de la Culture et de la Communication, Jean-Jacques Aillagon, dévoile ses objectifs en matière de décentralisation, sa vision du métier d’architecte et la stratégie immobilière de son ministère...
Quelles sont les lignes directrices qui régissent désormais la politique immobilière votre ministère?
Lorsque j’ai été nommé ministre de la Culture et de la communication, j’ai rapidement constaté qu’on a pris un plaisir excessif dans notre pays à vouloir sans cesse créer des lieux institutionnels et cela, au détriment des institutions existantes. De même l’Etat a parfois longuement hésité sur certains projets jusqu’à compromettre la cohérence du programme et la stabilité de l’équipe en place. L’action de notre ministère vise donc tout d’abord à stabiliser ces choix. Après avoir suspendu les opérations en cours pendant quelques mois, afin de tout remettre à plat, j’ai maintenant décidé du sort de la plupart d’entre elles.
J’ai souhaité aussi mettre fin au "surengagement" de l’Etat sur la métropole parisienne. L’Etat ne doit pas être un opérateur direct du territoire parisien, sauf pour des missions qu’il n’appartient qu’à lui seul d’honorer. Je veillerai aussi, à l’avenir, que chaque bâtiment soit occupé par un seul utilisateur. On se rend compte, en effet, que ce qui est commun n’intéresse plus personne. C’est le cas actuellement pour les palais de Chaillot et de Tokyo. La Cité de l’architecture et du patrimoine sera le seul utilisateur de l’aile Paris, au palais de Chaillot, et la Cinémathèque française ira au 51 rue de Bercy.
En matière de décentralisation, qu’allez vous indiquer au premier ministre pour le patrimoine?
Dans le domaine de la culture, nous sommes déjà dans une situation de très large coopération entre l’Etat et les collectivités locales, et cela sans qu’il y ait eu décentralisation. Aujourd’hui, il est rare que l’Etat exerce directement des actions sur le territoire excepté dans un domaine, celui du patrimoine. J’ai donc confié à Jean-Pierre Bady, ancien directeur du patrimoine, une mission d’expertise sur la redéfinition des relations entre l’Etat et les collectivités locales. Il me rendra ses conclusions à la mi-novembre. On peut, en effet, se demander si, dans certains cas, un bâtiment de l’Etat ne peut pas être transféré en propriété ou en gestion à une collectivité locale.
Faut-il augmenter les domaines d’intervention de l’architecte en abaissant notamment le fameux seuil de 170 m2 de recours obligatoire aux architectes?
C’est une question très délicate. J’ai pu me rendre compte, dès mon arrivée ici, des passions qu’elle suscite… Elle oppose architectes et entrepreneurs. J’ai recommandé, d’ailleurs récemment, aux organisations professionnelles et syndicales du monde de l’architecture de mieux faire connaître leurs positions, parce que les entrepreneurs la font connaître de façon très volontaire. Je suis navré de voir que dans notre pays, de grande tradition architecturale, l’architecte soit un praticien si mal installé dans le paysage social et dans le mental culturel de notre citoyen. Il ne suffit pas de régler la question du seuil, même si elle est évidemment très importante, pour obtenir de la qualité architecturale.
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Propos recueillis par Dominique Errard, Bertrand Fabre, Frédéric Lenne et Cyrille Véran.
Retrouvez l'intégralité de cet entretien dans Le Moniteur n° 5162 daté du 1er novembre 2002.