La terre crue à la mode béton bas carbone pour des maisons individuelles en bois PEFC. C’est l’ambition de Saint-Gobain sur un chantier expérimental à La Colle-sur-Loup (06) dans le cadre du projet Construire en terre, de Point. P. Trois maisons conformes à la RE2020, classe A, construites avec du béton de terre de remplissage, principalement constitué de déchets. Une recette obtenue après plusieurs tests : 11 % de liant bas carbone laitier de haut fourneau de chez Weber (250 kg/Co2/t) et 3 % de bois mixé avec des granulats Agreslith fins qui proviennent de déchets de bois élagués, brûlés ou enfouis. « Pour la projection, on cherche un matériau ductile. Quand on aura trouvé la bonne recette, on n’aura plus besoin de faire si fin. » Le reste du béton est composé essentiellement de terre de Florac (Lozère) et d’un peu d’eau pour humidifier. Michel Daniel, directeur aménagement et ville durable chez Saint-Gobain Distribution Bâtiment France, précise : « En phase prototype nous gardons la même terre pour des comparatifs de comportement du matériaux en fonction des régions. Nous travaillerons avec une terre locale ensuite, notre projet participe à structurer la filière.» La terre excavée ne manque pas, il entend la récupérer auprès des 4 400 installations de stockage de déchets inertes (ISDI) du groupe SGDB en France. « Utiliser du bois et de la terre réduit le gaspillage et minimise l’impact », avance Fred Dainche, co-fondateur de DB Charpente, entreprise artisanale située à Saint-Laurent-du-Pont (38).
Confort d’été, isolation acoustique et coupe-feu
L’inertie du béton de terre garantit un confort d’été (sans climatisation), améliore l’acoustique en absorbant les vibrations sonores et offre même un effet coupe-feu. « Les occupants pourront choisir de ventiler quelques heures le matin avant la montée des températures, commente Michel Daniel, ou opter pour une surventilation nocturne pilotée par une VMC double flux. »
Ce béton remplit les ossatures bois préfabriquées par DB Charpente, qui a testé le procédé pour la première fois fin 2022 pour une maison à Opio (06). Le prix et la technique restent identiques. Seul le temps de séchage s’allonge légèrement et demande une semaine de repos. De l’épicéa massif a été sélectionné pour l’ossature de ces trois maisons en bois PEFC. Le risque sismique élevé dans la région implique tout de même un mur central en béton armé pour le contreventement. Pierre Locatelli, co-gérant de DB, explique : «Même avec du CLT, nous sommes obligés d’utiliser du béton armé. D’autant que les fondations requièrent une certaine solidité, ce qui empêche le 100 % bois. »

Préfabrication, gain de confort et de gestion
Une maison R+2 de 120 m² (dont 100 m² au sol) nécessite une quarantaine de cadres pour les murs du premier et second niveau, ainsi que les planchers et le solivage bois recoulé par-dessus. Chaque cadre pèse entre 350 et 400 kg. Compter une journée pour couler le béton dans les cadres, puis 5 jours par maison pour le montage. La préfabrication apporte un gain de temps de mise en œuvre en facilitant la pose sur place. Michel Daniel estime ainsi gagner 2 à 3 fois plus de temps qu’avec une maison individuelle traditionnelle. « La préfabrication, à hauteur d’homme, offre plus de confort de travail, garde le chantier plus propre et facilite la gestion des déchets », avanceFred Dainche. Il pense que « l’épuisement des ressources comme l’eau et le sable va forcer le changement pour adopter le béton de terre, surtout pour le circuit court. Les particuliers y gagnent en confort comme en espace intérieur. Avec ces parois fines, on gagne 10 cm par mur, donc une pièce de vie supplémentaire, pour un même coût. » Il croit dans le développement de cette technique, « si les pouvoirs publics se mettent à y croire et que les assurances suivent. » Or, la mairie des Echelles (73) souhaite construire un lotissement de 38 maisons. « On leur a présenté fin 2021 notre idée de béton de terre, raconte-t-il. Ils nous ont accueillis à bras ouverts. Il y a de vraies attentes ! »
