A l'approche de la RE 2020, les acteurs de la construction s'appliquent à transformer le béton pour en réduire l'empreinte carbone. Une tâche compliquée par un cadre normatif restrictif qui ne permet pas de réduire de plus de 30 % la quantité de clinker, soit le principal composant émissif, dans le ciment. Pour s'affranchir de cette limite, pas d'autre choix que d'entreprendre une démarche de validation technique, voire d'obtenir une dérogation.
Ce sont pourtant bien ces deux voies que Vinci Construction et son directeur général, Jérôme Stubler, ont décidé d'explorer. « Nous voulons ouvrir une voie de développement aux bétons d’ingénierie intégrant une plus grande proportion de laitiers, fines ou cendres volantes afin qu’ils se passent demain de dérogation. C’est à cette condition que pourra se déployer une offre de produit ultra-bas carbone », détaille le dirigeant.
90 keq CO2/m3
Suivant cette logique, l'entreprise a décidé de lancer sa propre gamme de bétons d’ingénierie, en partenariat avec le fournisseur de laitier moulu issu des hauts-fourneaux, Ecocem. Une famille de produits composée de bétons « bas carbone », répondant aux normes en vigueur, mais aussi d'autres « très bas » et « ultra-bas carbone » qui dépassent le seuil de réduction de clinker pour proposer des niveaux d'émissions allant de 150 keq CO2/m3 à 90 keq CO2/m3.
Implanté à Nanterre dans le quartier des Groues, le futur siège du groupe Vinci aura d'ailleurs valeur de démonstrateur pour le béton ultra-bas carbone. Installés en rez-de-chaussée, 6 poteaux l'utilisent pour reprendre les charges de 8 étages. Une première. « En plus de proposer une baisse des émissions pouvant atteindre 64 % par rapport à un béton traditionnel, ce matériau possède d’autres avantages tels qu'une réaction moins exothermique qui réduit le risque de fissuration lié aux dilatations différentielles, mais aussi des propriétés anticorrosion supérieures et une moindre porosité. Leur principale faiblesse portait sur le temps de prise. Or, nous avons développé un liant qui permet de s‘affranchir de cet écueil », poursuit Jérôme Stubler.
« Faire évoluer la norme »
L’objectif de cette gamme est clairement de « faire évoluer la norme », comme le rappelle le P-DG du groupe Vinci, Xavier Huillard. Une démarche qui ne vise pas pour autant à supplanter les bétons traditionnels s’appuyant sur des classifications standards de ciment. « Nous voulons seulement que les deux offres [traditionnelle et très/ultra-bas carbone, NDLR] puissent cohabiter sur le marché afin de fournir une alternative écologique aux matériaux riches en clinker », assure Jérôme Stubler.
La prochaine étape consistera à convaincre les maîtres d’ouvrage. Pour l’heure, ces derniers préfèrent souvent se rassurer avec un béton Portland éprouvé depuis de nombreuses années. « Une pédagogie reste à faire pour expliquer que ces nouveaux bétons ne soulèvent pas de problème de mise en œuvre ou de performance », concède Jérôme Stubler sans percevoir pour autant d’obstacle insurmontable. « Le béton bas carbone est déjà économique. Le très bas et l’ultra bas pas encore, mais nous y travaillons. L’équation économique se réglera pour partie au fil du déploiement sur le marché par économie d’échelle ».
D’ici là, Vinci Construction compte bien mettre en œuvre ses nouveaux bétons sur ses chantiers pour faire la preuve de leur viabilité. Une contribution à un mouvement inéluctable, à en croire son P-DG pour qui « dans dix ans, l’emploi de ce type de bétons ne sera même plus un sujet ».