Avec 23 000 stationnements vélo installés depuis 2020 dans 1075 gares au lieu des 65 000 annoncés par la loi d’orientation des mobilités (Lom), les militants de l’intermodalité train vélo pourraient faire la moue. Il n’en est rien !
« Il y a du jeu dans la roue, mais ça vient », tempère Camille Thomé, directrice de l’association d’élus Vélo & Territoires, avant de rappeler : « On part de très loin, avec les moins de 3 % de part modale du vélo en France. Mais entre 2018 et 2022, la pratique a bondi de plus de 40 % ».
En ordre de bataille
Le bilan des stationnements vélo cache des réalités très hétérogènes, avec des taux d’équipements situés entre 20 et 80 % des objectifs de la loi, selon les régions. Vélo & Territoires détaille les freins : « Volonté des métropoles, exigences des architectes des bâtiments de France, disponibilités foncières, synchronisation avec les projets des villes », énumère Camille Thomé.
Mais les acteurs du système train vélo se réjouissent de la coordination sans précédent qui découle de la Lom de décembre 2019 et de son ambition de mettre fin aux zones blanches du transport décarboné : « Enfin, tous ceux qui sont concernés se trouvent autour de la table, dans tous les territoires », se réjouit Claire Heidsieck, animatrice du groupe de travail Vélo né en 2022 au sein de régions de France, et directrice des nouvelles mobilités dans le grand Est.
Des moyens nouveaux
Cheffes de file dans leur périmètre, les régions coordonnent les nouvelles autorités organisatrices de la mobilité issues de la Lom, avec des moyens nouveaux : « Pour la première fois, les contrats de plan Etat-Région ont isolé un volet consacré au vélo », rappelle Claire Heidsieck. Les 27 lauréats de l’appel à territoires sélectionnés par l’Etat fin 2023 renforcent le mouvement qui pousse le vélo au-delà des métropoles, grâce à un accompagnement pluriannuel.
De ses récents déplacements dans la France des villes moyennes et des villages, le président de la Fédération des usagers de la bicyclette Olivier Schneider a retenu l’exemple de Treillères (Loire-Atlantique) : pour faire passer une voie cyclable dédiée, la communauté de communes d’Erdre et Gesvres a racheté une maison avant de transformer une pièce de rez-de-chaussée en tunnel à vélo. « Avant, les habitants prenaient la voiture pour acheter la baguette. Maintenant, ils se rendent à vélo à la gare de Sucé-sur-Erdre pour rejoindre Nantes », témoigne Olivier Schneider.
Le booster des RER métropolitains
De nombreuses communes rurales pourraient s’inspirer de cet exemple, en particulier dans le Grand Est, dont 55 % de la population habitent à moins de 5 km d’une gare. Pour rendre possible le basculement, les 125 M€ du plan régional vélo jouent sur tous les registres, depuis les infrastructures jusqu’à l’éducation des enfants en passant par la formation. 25 élus ruraux de la région ont récemment découvert l'intermodalité au Bénélux : 52 % des passagers des trains hollandais se rendent à la gare à vélo.
Inscrit au même titre que la desserte routière dans la loi sur les services express régionaux métropolitain (Serm) du 27 décembre dernier, l’accès cyclable aux pôles d’échanges multimodaux intensifiera la dynamique. « Les quelque 500 nouveaux arrêts des RER métropolitains bénéficieront d’une faible contrainte foncière, ce qui facilitera les aménagements intermodaux », se réjouit Morgane Castagné, directrice marketing de Gare & Connexions.
Des gares équipées
La même entité du groupe SNCF annonce la mise en service récente de 22 « places de la gare ». Ce dispositif apporte aux petites villes les services vélo demandés par les praticiens de l’intermodalité au quotidien : cafés-vélos, ateliers de réparation et d’entretien. Neuf nouvelles gares en disposeront en 2024. Ces projets complètent des chantiers spectaculaires des métropoles, comme Horizon 24 à Paris Gare du nord : « 1000 places vélo programmées sur une gare routière », annonce Morgane Castagné.
Réunis le 30 janvier par Transports développement intermodalité environnement (TDIE), les acteurs du système train vélo progressent grâce à la co-construction avec les usagers. « La maîtrise d’usage joue un rôle fondamental, pour ne pas se tromper de solution », insiste Philippe Duron, co-président du think-tank spécialisé dans les transports.
Mental de vainqueur
Signe des temps, un record historique d’affluence a marqué le petit-déjeuner débat du 30 janvier, avec 216 participants au siège de la Fédération nationale des Travaux publics. Avant l’ouverture des débats par les présidents de la fédération des usagers de la bicyclette et de la fédération nationale des usagers des transports - Olivier Schneider et Bruno Gazeau - le modérateur Gilles Dansart, fondateur du média en ligne Mobilettre, a donné la mesure du mental de vainqueur qui anime les cyclistes : « Le vélo entre dans le temple du BTP, profitons-en » !