Le toit de l'opéra Bastille prochainement transformé en parcelle maraîchère de plus de 5 000 m2 offrira-t-il des salades ou des tomates haut de gamme estampillées « Opéra de Paris » ? C'est l'un des 46 sites, avec diverses médiathèques ou gymnases, retenus par la ville de Paris dans le cadre de l'appel à projets Parisculteurs, dont les lauréats ont été rendus public début novembre. Pendant longtemps, la végétalisation des bâtiments a pu prêter à sourire, les guirlandes vertes accrochées aux balcons sur les rendus de concours apparaissant comme des gadgets pour a madouer les jurys. Il semble pourtant que désormais, en matière d'agriculture urbaine, on soit entré dans une nouvelle étape, celle qui consiste à passer du jardin-potager à l'exploitation agricole professionnelle
(lire notre dossier p.55). La ville de Détroit aux États-Unis, frappée par la désindustrialisation et la grande pauvreté au début des années 2000, a lancé le phénomène. La municipalité a incité les habitants à investir les friches pour les cultiver, en lieu et place de l'industrie automobile défaillante. Plus de 15 000 habitants, reconvertis en agriculteurs, exploitent aujourd'hui des centaines d'hectares en pleine terre. Les produits maraîchers et fruitiers ont remplacé les chaînes de montage. Depuis 2010, ce sont les toitures d'immeubles industriels que l'agriculture investit, avec de véritables fermes urbaines recourant aux techniques de culture hors-sol pour une production intensive. Les plus célèbres sont la Lufa Farm à Montréal, sur 3 000 m2 , et la Brooklyn Grange à New York, sur 4 000 m , qui chacune produit près d'une tonne de légumes par jour. Cette forme d'agriculture hors-sol intéresse les villes européennes denses, en toiture, sur les murs, voire dans des fermes verticales superposant concombres et aubergines sur plusieurs niveaux de planchers. Ces programmes encore émergents vont, n'en doutons pas, se multiplier dans les prochaines années. Après la saturation pendant deux siècles de ses espaces par l'habitat, l'industrie et le tertiaire, la ville peut redevenir une terre nourricière.
