A Gagny (Seine-Saint-Denis), les riverains des anciennes Carrières de l'Ouest peuvent respirer : alors que l'Inspection générale des carrières attire l'attention depuis 1999 sur les risques d'effondrement du site, un groupement mené par Spie Batignolles Fondations achève de combler les galeries souterraines. Un chantier record pour l'Ile-de-France avec 300 000 m3 à sécuriser sur un site de 14 ha tout en relief et dont le boisement était à préserver.


Pendant près d'un siècle, jusqu'en 1956, ces carrières ont servi à l'exploitation du gypse sur trois niveaux avant d'être rachetées par une entreprise de démolition pour y stocker des matériaux. Mis en demeure de sécuriser le site en 2013, le propriétaire propose un projet immobilier de 2 000 logements, destiné à financer les travaux. En 2020, sitôt élu, Rolin Cranoly (LR), le nouveau maire de Gagny, rachète le terrain et décide d'en faire un poumon vert au cœur de la ville. Un tiers de l'espace sera ainsi transformé en un parc paysager tandis que le reste, inaccessible au public, deviendra un sanctuaire pour la biodiversité.

Mailler toute la surface des galeries. Mais avant cela, il faut combler les carrières. Le chantier s'installe en avril 2023 et entame immédiatement les premiers forages. Au total, 500 doivent être réalisés sur 30 km linéaires. Le plus profond descend jusqu'à 60 m. « L'idée est de mailler toute la surface des galeries avec des trous de 200 à 300 mm qu'on équipe ensuite de tubes en PVC qui permettront d'injecter un coulis », détaille Quentin Hallouin, directeur du chantier pour Spie Batignolles Fondations. Les équipes évitent d'aller dans les galeries, qui ne sont pas en bon état, et travaillent depuis l'extérieur. La topographie du site ne leur facilite pas la tâche : certaines zones sont inclinées, le boisement rend difficile l'accès des engins au lieu du forage et les plans des carrières manquent de précision. « Or il est essentiel d'injecter aux bons endroits pour combler l'ensemble de la cavité », souligne Quentin Hallouin. Une caméra est glissée à l'intérieur de chaque trou foré pour s'assurer qu'il arrive bien en toit de galerie. L'analyse des diagraphies, qui caractérisent le forage, permet également de vérifier que ce dernier aboutit bien là où il le doit et de repérer un éventuel fontis en cours dans la carrière.

Les galeries sont ensuite remplies à l'aide d'un coulis de béton à base de sablon, de ciment et d'eau. Mais le chantier emploie aussi les marins des tunneliers du Grand Paris Express, dont les lignes 16 et 17 sont en construction à proximité. « Nous pouvons récupérer ce matériau considéré comme un déchet à condition qu'il soit compatible avec le fond géochimique du site », indique Quentin Hallouin. L'analyse des terres excavées n'en laisse passer qu'une petite partie : début février, le chantier de Gagny avait employé 25 000 m3 de marins contre 225 000 m3 de coulis. « Nous en espérions plus », admet son directeur. La mise en œuvre est par ailleurs plus complexe que celle du coulis de béton. « Ce matériau est très hétérogène, parfois argileux, parfois plus sableux. Or les centrales d'injection, les pompes et flexibles ne sont pas dimensionnés pour cela. Nous pourrions vite casser du matériel ou simplement ne pas réussir à réaliser le travail », explique Quentin Hallouin. Le groupement a donc préféré faire creuser une dizaine de puits d'un peu plus de 1 m de diamètre dans lesquels il déverse les marins tunneliers additionnés d'eau jusqu'aux carrières, en recouvrement du coulis gravitaire.


Habitat pour chauves-souris. Combler les galeries prive cependant les chauves-souris d'un habitat rêvé. Deux containers ont donc été mis en place au niveau des entrées en cavage, à flanc de coteau, et aménagés de manière à reproduire un espace adapté, habillé de parpaings creux. Un abri qui semble déjà adopté : le matin de notre visite, un compagnon avait remarqué des chiroptères en sortir.
Informations techniques
Maîtrise d'ouvrage : Ville de Gagny.
Maîtrise d'œuvre : Semofi.
Groupement de travaux : Spie Batignolles Fondations (mandataire), Soletanche Bachy, Sefi-Intrafor (cotraitants).
Durée du chantier : d'avril 2023 à juin 2024.
Budget : 14 M€ HT, pris en charge par l'Etat, la région, la commune et le fonds de prévention des risques naturels majeurs.