Ter, paysagistes sans frontières

Grand Prix de l'urbanisme -

Les trois fondateurs de l'agence repoussent les limites de leur pratique à travers le monde.

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De gauche à droite, Henri Bava, Olivier Philippe et Michel Hössler, le trio fondateur de l’Agence Ter.

Différents, mais en accord. Henri Bava, Michel Hössler et Olivier Philippe, les trois lauréats du Grand Prix de l'urbanisme 2018, qui devait être remis le 11 décembre, viennent d'ho-rizons variés mais se sont retrouvés sur une aventure commune, le métier de paysagiste. Ils dirigent des projets chacun de leur côté et n'ont pas toujours travaillé sur les mêmes continents, mais ils partagent la même « maison mère », l'Agence Ter qu'ils ont créée en 1986 à Paris. Et à entendre leur jeune consœur de l'agence d'Ici là paysages, Claire Trapenard, qui a débuté à leurs côtés, « s'ils n'ont pas la même manière de travailler, pas les mêmes modes de communication du projet, ils sont parfaitement complémentaires ». Indissociables, en quelque sorte.

Aux membres du jury réuni il y a quelques mois par le ministère de la Cohésion des territoires pour attribuer le Grand Prix, il est en tout cas apparu comme une évidence que tailler dans l'équipe et ne couronner qu'un seul des trois fondateurs de l'agence était impossible. Alors, cette récompense qui, depuis 1989, distingue traditionnellement une pratique individuelle, revient donc pour la première fois à un collectif. Une association qui, depuis trois décennies, appuie sa pratique sur une philosophie et des engagements communs. Et sur la volonté certaine de faire sortir le paysage de son pré carré pour investir le champ urbain.

« Transformation du territoire ». Les trois hommes à l'origine de Ter ont au moins en commun d'avoir d'abord hésité sur leur orientation professionnelle. Né en 1954, Olivier Philippe balançait entre art et horticulture. Henri Bava et Michel Hössler, respectivement nés en 1957 et 1958, avaient débuté par des études de biologie. Tous ont finalement opté pour la fabrique du paysage, alors même qu'en cette fin des années 1980, le métier était encore en cours d'invention sous la houlette de personnalités comme Michel Corajoud, aujourd'hui disparu, ou de l'un de ses principaux disciples, Alexandre Chemetoff. C'est d'ailleurs en étudiant auprès du premier ou en faisant leurs armes chez le second que les trois jeunes gens ont fait connaissance.

Diplômés de l'Ecole du paysage de Versailles en 1984, sous la direction de Michel Corajoud, Henri Bava et Michel Hössler racontent comment ce dernier a joué pour eux le rôle de « déclencheur ». « A Versailles, nous étions en face de gens engagés qui ne nous parlaient pas de jardins mais de projets de transformation du territoire », poursuit Henri Bava. Quant à Olivier Philippe, il se souvient de ses débuts à l'agence d'Alexandre Chemetoff comme d'une « expérience extraordinaire, non pas tant par ce qui était produit mais par la manière très ouverte dont le paysage était appréhendé. Il n'y avait aucune séparation ni entre les métiers, ni entre les échelles. » Ouvrant grand les bras, Olivier Philippe ajoute : « C'était… sans limites. »

Très grande échelle. Un autre événement devait apporter la preuve, par le contre-exemple cette fois, de cette abolition des frontières entre les disciplines. En 1982, le concours pour la création d'un grand parc à la Villette, à Paris, avait mis en ébullition l'univers du paysage. « Et à la fin, un architecte, Bernard Tschumi, avait gagné, rappelle Henri Bava. Ce résultat a été une leçon pour tout le monde. » Lui et ses comparses, qui partageaient désormais un local spartiate et de premiers concours, en avaient déduit que le projet devait s'élargir à d'autres réflexions et que leur position de paysagiste leur ouvrait un périmètre d'intervention très large. Quand il serait aisé d'opposer les faiseurs de parcs et les fabricants de villes, le trio de Ter nourrit la conviction que sa discipline est une bonne clé pour s'emparer d'un site, l'analyser et en élaborer la stratégie urbaine.

Les interventions d'Olivier Philippe, Henri Bava et Michel Hössler n'ont pas non plus tellement de limites dans leur étendue. Créateurs de jardins, concepteurs de quartiers, les associés sont aussi de ceux que la très grande échelle n'effraie pas. Là où d'autres ne verraient que des territoires si grands qu'ils en deviennent abstraits, eux parviennent à en décrypter les lignes de force.

Part d'intuition. Celles-ci peuvent sauter aux yeux, comme le cours d'un fleuve. Elles sont parfois infiniment plus subtiles. Ainsi, au début des années 2000, chargée d'imaginer ce qui pouvait créer un lien sur un site de 300 km² à la jonction de l'Allemagne, de la Belgique et des Pays-Bas, l'Agence Ter est parvenue à fédérer trois cultures et trois administrations autour d'un projet commun qui s'appuyait sur une ligne invisible, celle d'un filon de charbon souterrain. Le choix était osé sans doute mais dans toutes leurs interventions, les associés revendiquent une part d'intuition. S'ils partagent une méthode, ils savent « qu'il n'y a pas de recette », souligne Michel Hössler.

Sans frontières, les trois paysagistes le sont enfin au sens le plus évident du terme. En leur attribuant le Grand Prix de l'urbanisme, le jury a ainsi tenu à saluer leur capacité à mener des opérations à peu près partout dans le monde. Au gré des projets, l'agence a ainsi créé des antennes en Guyane, en Allemagne, en Espagne. C'est après tout inscrit dans son identité : Ter comme trois associés, comme territoire… mais aussi comme la terre, tout entière.

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