Les câbles de signaux cachent bien leur jeu. Sous des dehors anodins, ils recèlent une technologie de pointe. Organisation spatiale des paires torsadées, nature des isolants, état de surface des conducteurs, optimisation du pas des torsades, blindage… Tout est pensé pour qu’ils aient les meilleures caractéristiques possibles en termes de pertes, de diaphonie ou encore de vitesse de propagation du signal. Tant et si bien qu’au lieu des 10 Mbit/s du début des années 80, les débits affichés par les réseaux d’entreprises atteignent parfois 10 Gbit/s aujourd’hui, soit mille fois plus. Une course sans cesse aiguillonnée par le phénomène dit de convergence IP (Internet Protocol) qui tend à faire d’Internet, et donc d’Ethernet, son véhicule « local », le réceptacle de tous les flux, qu’il s’agisse de données informatiques, de téléphonie ou bien de vidéo.
Pour les installateurs de câbles, cette évolution n’est pas sans conséquence. Au plan commercial tout d’abord. « Sur 400 millions d’euros environ pour le marché français des systèmes de câblages, près d’un tiers concerne le renouvellement, soit environ 1,5 million de prises VDI (voix, données, images) chaque année », estime Damir Delic, directeur des services réseaux et infrastructures de Spie Communications. Ce sont les câbles des années 90 que l’on remplace actuellement. Au lieu des matériels de catégorie 5 et 5e (100 MHz de bande passante) installés à l’époque, les entreprises font poser des systèmes de catégorie 6 (250 MHz) ou 6a (500 MHz), voire de catégorie 7 (600 MHz). En attendant la 7a (1 GHz), encore à l’étude…
L’électricien généraliste perd du terrain
A chaque changement de génération, le prix à payer est un peu plus élevé, de l’ordre de 15 %. Normal. Toujours plus performants, les câbles se font aussi plus délicats à mettre en œuvre en termes d’études, de manipulations, de précision des raccordements ou encore de tests finaux. Du coup, les câbles, et plus globalement les infrastructures de communications, redeviennent une affaire de spécialistes. Les courants faibles ont progressivement glissé de la sphère des services informatiques (DSI) à celle des services généraux au moment où les systèmes propriétaires (IBM, Digital…) ont cédé la place à des standards. Ils se mettent maintenant à faire le chemin inverse. « Ce changement d’interlocuteurs s’accompagne d’une hausse sensible des budgets », note Benoît Bornet, directeur commercial d’Exprimm’IT (filiale d’ETDE, groupe Bouygues) pour les régions Rhône-Alpes et Auvergne. Alors que l’objectif des services généraux se limite grosso modo à ce que tout fonctionne et que les collaborateurs ne se plaignent pas, les DSI souhaitent généralement investir à plus long terme et se montrent plus exigeants au plan technique. En conséquence de quoi, sur les chantiers, les électriciens généralistes perdent eux-mêmes du terrain face aux installateurs réputés pointus, souvent des filiales de grands groupes de BTP.
Orienter vers une solution pérenne à cinq, voire dix ans
« Le fait de nous être adressés à Exprimm’IT, un spécialiste, nous a permis d’anticiper IPV6, la future norme d’adressage Internet, témoigne Stéphane Mathouillet, responsable des systèmes d’information d’Artemis International. Un électricien n’y aurait pas forcément pensé ». L’éditeur de progiciels a profité du déménagement de son siège européen pour se doter des dernières technologies en vogue, comme la téléphonie sur Internet (ToIP), la téléalimentation électrique sur les câbles normalement réservés aux données (PoE pour « Power over Ethernet ») ou encore WiFi, en complément de l’Ethernet filaire. En l’occurrence, le choix du fournisseur s’est basé sur la globalité de la prestation, de l’étude et du choix des matériels jusqu’à la maintenance, en passant par l’installation et le support technique. « Ce qui compte aujourd’hui, ce n’est plus tant d’être capable de poser des câbles au kilomètre que d’apporter de la valeur au projet », ajoute Benoît Bornet. Autrement dit, orienter son client vers une solution pérenne à cinq, voire dix ans. « Pour une téléphonie sur IP de bonne qualité, il faut au minimum un câblage de catégorie 5, conseille Jean-Denis Garo, chef du département marketing d’Aastra Matra. Mais pour la vidéo, il faut envisager la catégorie 6. Dans les faits, les installations existantes de câblages sont souvent hétérogènes. C’est l’un des problèmes. »
Câbler toute l’entreprise en fibre optique ?
Pour anticiper les évolutions techniques, l’une des solutions pourrait être de câbler toute l’entreprise en fibre optique, c’est-à-dire jusqu’au poste de travail et pas seulement depuis les salles cœurs de réseaux jusqu’aux répartiteurs, comme c’est le cas aujourd’hui. « Nous l’avons envisagé pour le nouveau siège d’Icade, reconnaît Olivier Ferraz, ingénieur commercial chez Spie Communications, mais les cartes réseaux optiques valent vraiment trop cher ! » Autre solution : choisir dès à présent un câblage de catégorie 7. Mauvaise pioche là encore. Selon les installateurs du moins, qui mettent en avant la carence en équipements actifs dotés des prises nouvelle génération de type GG 45 (Nexans) ou Tera (Siemon), notamment. « La question qui se pose aujourd’hui ne concerne pas le potentiel d’amélioration des câbles, qui est évident, elle est de savoir combien de temps encore va durer la prise RJ45 », résume Damir Delic. En somme, sur ce point, il est urgent d’attendre.
