Il va falloir montrer patte blanche. Ou plutôt patte verte. Alors que la Taxonomie européenne flèche les investissements vers les activités contribuant à limiter le réchauffement climatique, cette réglementation européenne impactera concrètement l’activité des promoteurs immobiliers. C’est ce qu’il ressort d’un webinaire organisé sur le sujet par la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), le mardi 21 mars.
Impact sur les taux d’intérêts servis
« La réglementation met en place des obligations de reporting extra-financier (RSE, ndlr) de plus en plus fortes, commence Anne-Marie Ulmer, responsable du marché des professionnels immobilier de BPCE. Si nous ne les respectons pas, nous sommes sanctionnés en mobilisant plus de fonds propres pour prêter de l’argent. Cela nous coûtera donc plus cher de prêter et aura un impact sur le taux d’intérêt. » En d’autres termes, il pourrait augmenter.
L’établissement bancaire, qui a un taux d’actif potentiellement éligible à la taxonomie (mais pas forcément aligné) de 46%, cherche donc à avoir plus d’informations sur les activités qu’il finance (comme les programmes immobiliers). « Nous avons fait suivre des formations à nos chargés d’affaires pour les acculturer et leur donner les moyens de conseiller leurs clients, grâce à un dialogue stratégique plus poussé, poursuit Anne-Marie Ulmer. Nous regarderons les programmes immobiliers différemment. » Les promoteurs vont devoir faire preuve de transparence. BPCE est d’ailleurs en train de mettre en place une grille de notation pour évaluer les programmes.
Certains promoteurs immobiliers, comme Sogeprom, ont déjà pris le virage. Le promoteur immobilier a d’ailleurs annoncé son plan stratégique « 3B » (Biodiversité, Bas Carbone et Bien-vivre). Dans ce cadre, tous les permis de construire déposés en 2023 respecteront le seuil 2025 de la RE 2020 et atteindront l’étiquette « A » du DPE. Des critères, qui devraient permettre d’attirer les investisseurs (lire l’interview de Lois Moulas de l’OID, qui explique pourquoi la Taxonomie avantage le neuf). En complément, « Eco-tation » a été développé. Il s’agit d’un outil de mesure et d’auto-contrôle environnemental sur huit critères (énergie et carbone, certifications et labels, eau et végétalisation, insertion dans son site, etc.) permettant de piloter et d’accompagner le déploiement de la stratégie RSE sur les projets immobiliers. L’outil est renseigné à différentes phases du programme, pour vérifier qu’il ne sort pas des clous : lors du comité d’engagement, au dépôt du permis de construire et à l’acquisition du terrain et de la passation des marchés. Il fournit une note globale, des notes par thématiques et une synthèse des principales qualités.
10 Mds€ de dommages
Les assureurs aussi sont concernés. D’abord, parce qu’ils doivent eux aussi se soumettre à la taxonomie. Ensuite, parce qu’ils investissent dans l’immobilier en acquérant des programmes. Et enfin, parce qu’ils sont impactés par les phénomènes climatiques en couvrant les sinistres. Un bâtiment inondé et c’est la double peine : l’assurance couvre le sinistre et le taux de rendement plonge, puisque l’immeuble est inutilisable. Ils développeront donc leurs outils d’évaluation.
« En 2022, la facture climatique (liée aux sécheresses, inondations, etc. NDLR) s’est élevée à plus de 10Mds€, rappelle Marie-Claude Bassette-Renault, directrice construction de SMA BTP. Entre 2020 et 2050, elle pourrait atteindre les 143Mds€ en cumulé (selon l’exercice prospectif réalisé par la fédération française des assurances publié en 2021, NDLR). Cela concerne les dommages aux biens mais également, les TRC (assurance tout risque chantier, NDLR) que l’on délivre. La Taxonomie devrait nous aider à développer un outil d’évaluation pour accompagner nos clients en développant de nouvelles offres. »
