Avec sa vue imprenable sur l’Océan Indien, le paysage offert par le chantier de la nouvelle route du littoral, à la Réunion, a des airs de cartes postales. Dauphins, baleines, récifs coralliens… une faune et une flore très riches évoluent en effet au pied du chantier. Revers de la médaille, la préservation de ce cadre idyllique demande un effort de chaque instant, qui plus est lorsque des opérations de génie civil sont organisées en pleine mer.
Chaque matin, un ULM passe au-dessus du chantier pour détecter l’éventuelle présence de mammifères marins à proximité du lieu. « Un jour, nous avons eu des baleines à bosse, suite à quoi le chantier a été arrêté pendant 48 heures », témoigne Yves Capon, responsable d’agence chez Biotop. Sur les 80 millions d’euros alloués pour le chantier, la part de la préservation des milieux physiques et naturels représente 5% du budget de l’opération. Assez pour encourager les initiatives innovantes dans ce domaine. « Jusqu’à présent, on manque de retour de ce type sur les chantiers français. Notre idée, pour cette opération, c’est de compiler des connaissances pour ensuite s’en inspirer pour d’autres projets, nationaux ou internationaux », explique le responsable.
Seuil acoustique de 160 dB
A l’heure actuelle, deux espèces de cétacés évoluent dans les eaux réunionnaises : le grand dauphin de l'indo-pacifique, présent toute l’année, et la baleine à bosse, présente uniquement pendant l’hiver austral. Pour préserver leur milieu naturel, les équipes du chantier respectent des seuils de bruit parmi les plus contraignants au monde. « Notre seuil acoustique, fixé à 160 dB maximum, est inspiré de la réglementation allemande. A titre de comparaison, un bruit de galet sous l’eau est autour de 110 dB, et un petit bateau à moteur génère en moyenne 170 dB », détaille Yves Capon.
Les niveaux de bruit sont suivis en continu et en temps réel par 4 hydrophones fixes implantés à 750 m du chantier et à 20 m de profondeur. Un système de rideaux de bulles sous-marins a également été mis en place pour contenir les bruits du chantier. « Pour simplifier, c’est une sorte de tuyau d’arrosage dans lequel on injecte de l’air comprimé, ce qui a pour effet de « casser » le son », détaille l’expert. L’utilisation de cette technologie permet une réduction des bruits de 10 à 15 dB. Côté méthodes constructives, les entreprises ont eu recours à des explosifs sous-marins non détonants pour les digues et le viaduc, et pendant la saison des baleines, les travaux sous-marins ont été limités. La combinaison de ces initiatives semble avoir été payante : « on se retrouve avec des mammifères marins, alors qu’on s’attendait à une désertion pendant 4-5 ans ».
La faune terrestre aussi concernée
Les travaux maritimes n’impactent pas seulement la faune sous-marine. L’avifaune est elle aussi concernée. En effet, la Réunion abrite six espèces d’oiseaux marins reproducteurs, dont quatre sont protégés par arrêté ministériel. Pour l’éclairage du chantier la nuit, les équipes de chantier travaillent sous des lumières de couleurs jaune-orangées et orientées vers le sol, afin de ne pas attirer et désorienter les oiseaux. En période d’échouage massif, l’éclairage nocturne du chantier est stoppé pendant 50 j cumulés (répartis entre les mois de décembre et avril). « Depuis le début, nous avons constaté moins de 5 échouages par an », se félicite Yves Capon.