Submersion marine : un quai militaire vise un peu plus haut

Rénové en site occupé, un ouvrage de 300 m de long gagne 70 cm, s'habille de béton préfabriqué et se comble… de vase.

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Afin de maintenir le quai en fonctionnement, les travaux s'organisent par tranches. Ils consistent à encoffrer l'existant avec des blocs de béton préfabriqués.

S'adapter, ce n'est pas toujours résister, rappelle Anne-Marie Le Mogne, adjointe au chef de la division maritime, portuaire et industrielle du ministère des Armées, et référente adaptation au changement climatique. « La résilience nous permet d'anticiper, de planifier, parfois de résister, mais surtout, de rétablir la situation le plus rapidement possible », poursuit-elle. C'est pourquoi le service des infrastructures de la Défense (SID) Atlantique, compétent sur les ouvrages de l'ouest de la Bretagne, veille à ce que chaque rénovation serve aussi à mettre à niveau les équipements face à l'élévation anticipée de la mer.

Une logique qui concerne une partie des quais du port militaire de Brest (Finistère). Conçus comme des ponts, avec des tabliers reposant sur des piles, les plus anciens nécessitent d'importantes rénovations. Leurs poutres de soutènement en béton précontraint commencent à devenir obsolètes. Pour y remédier, trois tranches de travaux étaient prévues - deux sont achevées -, qui concernaient en particulier le quai dit « oblique », un ouvrage de 300 m de long à rehausser de 70 cm, suivant les calculs du Cerema.

L'opération se déroule en site occupé, avec obligation de maintenir des conditions opérationnelles car ce quai sert à l'accostage, aux chargement et déchargement de matériel, mais aussi lors des travaux de réparation des navires. « Tenir compte de ces contraintes a nécessité de revoir notre méthodologie de travaux, avec une préparation rigoureuse et le recours massif à la préfabrication », résume Cyrille de Chantérac, directeur des travaux chez Eiffage Génie civil, à la tête d'une équipe de 25 compagnons.

Coffrage sous-marin

L'entreprise a choisi d'encoffrer l'ouvrage existant. Pour cela, il a fallu réaliser sous l'eau un coffrage reposant sur 165 pieux métalliques de 1 m de diamètre et 13,5 m de long dont 9,5 m enfoncés dans le sol. Puis 534 blocs de béton préfabriqués sont venus s'appuyer sur ces pieux, avant de recevoir 160 coques préfabriquées (8 x 2 m) en béton en forme de « L ». Comme 75 % des éléments sont immergés, dix scaphandriers devaient aider au bon empilement des blocs.

Une fois le coffrage réalisé, l'espace situé entre les piles a été comblé par deux types de béton. D'abord, un remplissage non ferraillé reprend une partie des efforts et rigidifie l'ensemble. Puis un ciment sans clinker d'Hoffmann Green est utilisé, incorporant un remplissage spécifique avec 4 000 m3 de sédiments issus des dragages dans le port.

« Pour les récupérer, nous avons déplacé la vase sur un terrain où elle a été criblée finement afin d'extraire les macrodéchets. Puis, grâce à un procédé novateur mis au point avec le Lerm (groupe Setec) après un an d'études, nous disposions d'un “béton de vase” à la formulation sur mesure qui limite la quantité de ciment », détaille Cyrille de Chantérac. Résultat : l'impact carbone de ce béton ne représente que 76 kg éq. CO2 /m3 , soit près de quatre fois moins qu'un béton classique. L'économie carbone pour ce projet est de 1 200 t éq. CO2.

Précaution supplémentaire, cette fois pour ne pas déranger la faune et la flore : Roland Boutin, directeur du SID Atlantique, a fait encadrer étroitement le dragage et limité la dispersion des sédiments grâce à l'installation de barrages antimatière en suspension. Des sondes en entrée de rade vérifiaient en permanence la salinité, le pH, la température et la turbidité, qui ne devaient pas dépasser certains seuils. Dès 2027, le quai « oblique » sera paré pour affronter les cent prochaines années.

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Au total, 165 pieux métalliques sont mis en place.

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Dix scaphandriers aident au bon empilement des blocs sous l'eau.

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La vase récupérée dans le port est criblée pour créer un « béton de vase » qui servira de remplissage.

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Des éléments préfabriqués en « L » habillent la partie haute du quai.

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Détails de l'encoffrage de l'ancien quai, dont les espaces entre les piles sont remplis de béton.

Informations techniques

Maîtrise d'ouvrage : SID Atlantique (ex-Esid de Brest). AMO : Artelia, Cerema.

Maîtrise d'œuvre : Setec International, Setec Terrasol, Setec TPI, I Comme.

Entreprises : Eiffage Génie civil (mandataire du groupement de conception-réalisation) avec Eiffage ETMF et Marc SA.

Contrôleur technique : Socotec.

Calendrier : études de conception de 2019 à 2021, tranche 1 de 2021 à 2023, tranches 2 et 3 concernant le quai « oblique » de 2023 à 2027.

Budget global : 60 M€ TTC.

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