La préfabrication d’éléments structuraux en béton a toujours bénéficié des innovations en matière de « chimie » du matériau. Et les pistes explorées concernent autant le produit final que sa fabrication. Les adjuvants ont eu des résultats spectaculaires. Des bétons plus fluides s’adaptent à des formes complexes, des montées en résistance mieux maîtrisées, plus rapides, en maîtrisant la microfissuration… L’arrivée des bétons autoplaçants (nom de code: BAP) a changé le paysage de la préfabrication. Les industriels ont vite mis à profit ces produits, aidés par leurs fournisseurs.
Au stade de la fabrication, les BAP permettent de meilleures conditions de travail. N’exigeant pas de vibrations pour leur mise en œuvre, ils sont coulés sans bruit. Moins de pénibilité pour les hommes, moins d’usure pour le matériel. Quant aux produits finis, ils peuvent naître de moules plus complexes. Les BAP, fluides et sans ségrégation, s’adaptent à des densités importantes d’armature et permettent un fin travail des parements. Le recours à des matrices élastomères, allié à un choix judicieux de granulats et un savant dosage de pigments, autorise la reproduction de motifs ou de textures existants.
Maints murs de soutènement, piles de pont et autres entrées de tunnel font appel à des plaques matricées dont l’aspect est inspiré de la géologie locale. Les parements d’éléments préfabriqués, non contents d’être esthétiques, se veulent autonettoyants voire dépollueurs. Grâce à l’effet photocatalytique que lui confère le dioxyde de titane (« Le Moniteur » n°5332 du 3 février 2006, p. 82-84), le béton est armé pour résister à l’encrassement. Mieux, en capturant les oxydes d’azote (NOx), il piègent la pollution atmosphérique. Cette propriété, bien éprouvée au Japon, commence à se démocratiser en France, sur des murs anti-bruits...
Terminons avec les BFUP, bétons fibrés à ultra-hautes performances. Si quelques chantiers ont montré que le coulage in situ était possible, la préfabrication – où les conditions de mise en œuvre et de prise sont maîtrisées – reste leur domaine de prédilection.
S’affranchir d’armaturespassives. Renforcés de fibres métalliques, ces bétons bénéficient de résistances élevées, tant en compression qu’en traction. Il est possible de s’affranchir d’armatures passives. Cette suppression de la cage d’armature et des impératifs de forme et d’enrobage élargit le champ d’investigation des architectes. Dernier-né des BFUP, le béton composite Vicat (BCV) vient d’être utilisé pour le pont de la Chabotte sur l’A51. Le coulage du BCV ne supporte pas l’improvisation. Pour chaque voussoir, la prise est étroitement suivie, notamment par maturométrie, tant pour les résistances que pour l’homogénéité de la teinte du béton.
A en juger par le projet de tour Hypergreen de l’architecte Jacques Ferrier avec Lafarge, les BFUP n’ont pas fini d’étonner. Ce projet utilise le Ductal pour une résille périphérique en façade à partir d’éléments préfabriqués et post-contraints sur site. Elle doit s’opposer aux actions horizontales dynamiques que sont le vent et le séisme. La post-contrainte permet de créer une structure continue à partir d’éléments préfabriqués. Comme les voussoirs du pont de la Chabotte.
