Sous la tutelle de Spie-Batignolles qui a finalisé l’acquisition le 31 octobre, la feuille de route de l’entreprise de paysage Vallois prédit un chiffre d’affaires de 65 millions d’euros dans deux ans, au lieu de 30 millions en 2019. Mais ce bond ne constituerait qu’une hypothèse basse : « Ils peuvent aller plus loin, estime Jean-Charles Robin, président du groupe de BTP basé à Neuilly-sur-Seine.
Culte de l’indépendance
Avant la cession, Patrice Lemens, qui avait lui-même racheté l’entreprise à la Compagnie générale d’espaces verts en 1994, travaillait sur un plan de développement d’une dizaine de nouvelles agences, chacune d’elles trouvant son équilibre avec un chiffre d’affaire de deux à trois millions d’euros. Spie-Batignolles prévoit d’ajouter de nouvelles acquisitions pour compléter le maillage national de son activité paysagère, actuellement mise en œuvre par les sept agences de Vallois.
Cette perspective de croissance illustre un enjeu vital pour l’ensemble du groupe de BTP, qui prévoit de réaliser un chiffre d’affaires de 3 milliards d’euros en 2022, terme de son actuel plan stratégique, au lieu de 2,1 en 2019. « A trois milliards, la tension sur la dette se vit différemment, pour les salariés et managers actionnaires », commente Jean-Charles Robin, soucieux d’entretenir la flamme de l’indépendance qui caractérise Spie-Batignolles depuis 1996, date de la reprise de la majorité du capital par les cadres.
Déclenché par l’arrivée de nouveaux fonds, le tour de table acté en janvier dernier a renforcé cette spécificité : les managers actionnaires sont passés de 100 à 300 personnes, tandis que 4600 salariés, sur un total de 7500, souscrivent au plan d’épargne groupe. Ces deux populations se partagent 70 % du capital.
Proximité au cœur
Aux yeux des fonds financiers qui se partagent le reste, la robustesse du modèle repose sur des cycles décalés entre le bâtiment, qui pèse 42 % du chiffre d’affaires, et les autres métiers du groupe : « Désensibilisons le modèle », insiste Jean-Charles Robin.
Mais la « brique métier » du paysage ne contribuera pas seulement à la croissance de l’activité et au confortement de l’indépendance : elle enrichira les projets de proximité, « cœur du réacteur » de Spie-Batignolles selon son directeur général Patrick Zulian. Tout en cultivant l’excellence dans chacune des spécialités du groupe, Jean-Charles Robin parie sur la « transversalité inter-silos » pour proposer aux clients des offres globales qui associent les travaux neufs et la maintenance.
Compétences complémentaires
« Que chaque lieu parle de tous nos métiers », résume le président, fier des 197 implantations françaises de Spie-Batignolles. Vallois se prêtera d’autant plus naturellement à l’exercice que la relation de proximité avec des clients fidèles fait partie de ses atouts, comme l’ont rappelé plusieurs maîtres d’ouvrages invités à son soixantième anniversaire, le 14 juin dernier à Mirville (Seine-Maritime), berceau de l’entreprise.

Le quai de Southhampton, au Havre, a offert l'une de ses références récentes à Vallois, sous la maîtrise d'oeuvre de Michel Desvigne et Inessa Hansch.
De la maçonnerie paysagère à l’implantation de grands arbres en ville en passant par le mobilier urbain, Vallois cultive les savoir-faire associés à toutes les composantes des travaux paysagers, tout comme sa nouvelle maison-mère dans l’univers du BTP.
Au cours des trois années à venir, la prise de la greffe paysagère reposera sur le conseil de surveillance de Vallois. Cette instance comprend le terrassier Valerian, l’entreprise routière Malet, la direction de la construction et la direction du développement. Durant cette phase transitoire, les cadres dirigeants de la nouvelle filiale de Vallois, toujours dirigée par Patrice Lemens, se partagent 30 % du capital.
Des TP à l’immobilier
Rattaché au pôle TP, Vallois entend aussi profiter des développements en cours de Spie-Batignolles Immobilier. Longtemps circonscrite à l’Ile-de-France et au monde des bureaux et du commerce, la promotion immobilière intègre désormais le logement et l’hôtellerie. Elle se déconcentre à partir des métropoles de Lille, Lyon, Bordeaux et Nantes.
Face au péril de l’uberisation qui réduirait les secteurs de la construction et de l’aménagement au rang de sous-traitants, les dirigeants de Vallois et de Spie-Batignolles se sont découvert des valeurs humanistes communes : « Le mot clé du BTP, c’est l’aventure », se plaît à répéter Jean-Charles Robin. Le 14 juin dernier aux 60 ans de Vallois, Patrice Lemens avait exprimé son attachement à ses équipes en citant le philosophe Paul Ricoeur : « On ne peut réussir tout seul. C’est une équipe qui réussit ».