Trente ans après l'ouverture du Centre Pompidou qui a marqué leurs débuts d'architectes, l'Italien Renzo Piano et le Britannique Richard Rogers se sont retrouvés sur les lieux fin janvier pour évoquer quelques souvenirs de cette épopée constructive.
Concours
Renzo Piano : "On a fait le concours de 1971 pour le plaisir, et parce que le président du jury était l'ingénieur Jean Prouvé. Nous étions de jeunes garçons d'une trentaine d'années, avec des rêves de constructeurs. Désobéissants, têtus voire pervers, nous voulions changer la ville."
Richard Rogers : "Nous étions au bon endroit et au bon moment pour remporter ce concours. Après, la difficulté était de passer de la conception à l'accomplissement de notre dessin."
Pompidou
Renzo Piano : "Le jour de notre rencontre avec Georges Pompidou, au cours duquel nous portions certainement notre première cravate, le président était suspicieux. Il nous a dit vouloir un bâtiment qui dure des siècles, alors que nous n'avions construit que des édifices dont l'existence n'excédait pas six mois !"
Presse
Renzo Piano : "Lors de la première conférence de presse, j'ai fait un discours de dix minutes, calme et poli, qui se concluait par un remerciement au public pour sa gentillesse. Or, à l'époque, je parlais trop peu le français pour comprendre les mots que le public criait : 'voyous', 'partez', 'hors d’ici', 'vous n’avez pas honte')."
Richard Rogers : "Avec le public, c'était comme une bataille… mais nous avons gagné !"
Usine
Renzo Piano : "Qualifier Beaubourg d''usine' était un compliment, 'usine à gaz' un peu moins… Ce 'triomphe de la technologie' était de l'ironie. Nous ne voulions pas bâtir un monument intimidant en pierre, mais faire étinceler la culture. Le problème par la suite était que les maîtres d'ouvrage demandaient, ou craignaient, d'avoir uniquement des tubes ! Je me rappelle l'étonnement de certaines personnalités découvrant, lors de l'inauguration, que l'édifice resterait comme ça !"
Richard Rogers : "Je pense que le bâtiment fera une très belle ruine dans quelques milliers d'années ! Plus sérieusement, Beaubourg était un lieu déprécié et nous en avons fait un espace social. Notre rêve utopique de changer la ville est ici devenu réalité."
Fierté
Renzo Piano : "Je suis fier du Centre Pompidou. Et aujourd'hui je peux le dire sans recevoir de tomates au visage."
Richard Rogers : "Un jour pluvieux à Beaubourg, une dame m'a proposé de m'abriter sous son parapluie. Lorsque que je lui ai dit que j'étais l'architecte du Centre Pompidou, elle m'a frappé avec !"
Attachement
Renzo Piano : "Contrairement à Richard qui habite à Londres, je suis encore dans les poutres du Centre Pompidou, comme Quasimodo dans les tours de Notre-Dame de Paris. Car je vis et travaille à côté de ce monstre gentil qui sort des toits alentours. Un dimanche par mois, je déjeune en famille sur la terrasse. C'est un peu comme chez nous !"
Milena Chessa
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