Tout part d'un constat : la prééminence de la sous-traitance dans le BTP. « Bien entendu, ce mode de production n'est pas en soi délictueux, mais il ouvre la porte à des dérives et des renvois de responsabilité en chaîne. Les phénomènes de fausse sous-traitance, de recours indirect au travail dissimulé en sont une illustration frappante », explique le groupe de travail.
La direction régionale du travail d'Ile-de-France a voulu apporter aux inspecteurs du travail deux outils opérationnels de lutte : l'un juridique, sous la forme d'une note technique sur la sous-traitance et le travail illégal ; l'autre économique, mis au point par le cabinet Eurostaf. « L'objectif, précisait Claude-Emmanuel Triomphe, animateur du groupe de travail, n'est pas de transformer les inspecteurs du travail en économistes, mais de leur fournir un outil, facile d'accès et d'utilisation, qui peut les alerter ».
Développé sous le logiciel Excel, l'outil utilise Batiprix (publication du Groupe Moniteur) qui recense plusieurs milliers d'éléments d'opérations dans la construction. « L'utilisation de Batiprix, explique Ludovic Mons, du cabinet Eurostaf, permet de déceler des situations aberrantes en termes de prix et de délais ». Si les prix obtenus sont nettement inférieurs à ceux pratiqués (avec un écart supérieur à 25-30 %), cela constitue indéniablement un indice de travail illégal. Mais attention, alerte Claude-Emmanuel Triomphe, « cet outil n'est qu'un signal d'alarme. Déceler un prix aberrant ne caractérise pas en soi le délit et le travail d'enquête reste à faire ». Pour mener à bien ce contrôle, Eurostaf indique une procédure à suivre (voir encadré). « A l'issue de cette procédure, précise Eurostaf, l'inspecteur du travail dispose d'une estimation basse, en termes de prix et de délais, qui lui sert de référence plancher ».
L'outil est aujourd'hui en phase de test en Ile-de-France. « L'approche n'est pas toujours facile. Vous devrez vous familiariser avec Batiprix », explique un inspecteur du travail à ses collègues. Autre écueil rencontré : obtenir des entreprises les éléments nécessaires à leurs calculs. « Avec cet outil, rappelle Claude-Emmanuel Triomphe, il ne faut pas se tromper de cible. L'objet n'est pas d'incriminer l'entreprise sous-traitante, mais de remonter la chaîne des responsabilités pour incriminer le donneur d'ordres ».
Comment utiliser l'outil
Eurostaf recommande aux inspecteurs du travail de procéder de la façon suivante pour déceler les prix aberrants, source de travail illégal :
identifier l'opération et la nature réelle des prestations confiées au sous-traitant ;
repérer dans Batiprix les opérations les plus proches possibles et les moins coûteuses (pour obtenir une fourchette baisse de prix) ;
multiplier le temps moyen et le prix de vente par les surfaces à traiter ;
additionner les temps moyens et les prix de vente obtenus pour chaque opération ;
comparer avec les prix prévus au contrat de l'entreprise.