Après quelques tergiversations sur les réseaux sociaux sur le champ d’application du décret n° 2020-893 du 22 juillet 2020 (1), vient le temps des réactions. Pour rappel, ce texte relève, pendant un an, à 70.000 € HT le seuil de dispense de procédure pour la passation des marchés publics de travaux. Grâce à cette mesure, le Gouvernement souhaite permettre « aux acheteurs de contracter directement, et donc rapidement avec des entreprises, et d’accélérer ainsi la reprise économique dans ce secteur qui mobilise une main-d’œuvre nombreuse. »
Une mesure qui va dans le bon sens
De prime abord, les fédérations professionnelles du secteur accueillent positivement ce relèvement de seuil. Pour Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment, cette mesure est « un bon début pour accélérer la reprise effective de l’activité ». Ce dernier espère notamment que « cela permettra de pallier les trous dans les carnets de commandes des entreprises suite à la chute du nombre d’appels d’offres pendant quasiment deux mois ».
Camille Roux, directrice des affaires juridiques de la Fédération nationale des travaux publics va dans le même sens. Elle rappelle qu’il s’agit d’une mesure conjoncturelle qui n’est applicable que jusqu’au 10 juillet 2021, mais ajoute qu’« elle aura certainement pour effet, et nous l’espérons, des conséquences positives ». Christophe Longepierre, délégué général de Syntec-Ingénierie, se dit convaincu par « ce relèvement de seuil qui concerne principalement les petits projets, ceux qui irriguent les territoires et font vivre l'emploi local ».
Un dispositif qui manque néanmoins d’ambition
L’enthousiasme des fédérations reste néanmoins mesuré. « Tout ce qui peut améliorer la vie économique de nos entreprises est essentiel à nos yeux, explique Camille Roux. Il est cependant décevant que les pouvoirs publics n’aient pas l’ambition de relever davantage ce seuil, afin de créer un vrai levier de relance de la commande publique surtout pour les marchés de travaux ». En outre, ajoute-t-elle, « ce seuil de 70 000 € n’étant applicable qu’aux lots de travaux dont le « montant cumulé n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots », l’intérêt de la disposition s’en trouve hélas affaibli ».
Et complexe
Sur ce point technique, Christophe Longepierre ne cache pas son incompréhension. « Une fois de plus, on voit bien qu'il y a une forme de subtilité qui a été introduite dans le dispositif qui risque de compliquer sa lecture. En outre, son application va nécessiter, comme trop souvent dans la commande publique, la mise en jeu de praticiens rompus à l’exercice, alors que l’objectif initial est une mise en place facile et rapide ». Olivier Salleron considère lui que cette limite n’a pas de sens. « On nous propose des choses positives, mais derrière, on rajoute des freins. Cela montre une certaine frilosité, or aujourd’hui, celle-ci n’est pas de mise. Ce que l’on souhaite, c’est relancer des marchés publics rapidement ».
L’ingénierie et la maîtrise d’œuvre oubliées
L’ensemble de la profession attend donc davantage de nouvelles du Gouvernement dans le cadre du plan de relance. « S’il devait se limiter à une telle disposition, alors cela ne serait qu’une simple mesurette », commente Camille Roux. Christophe Longepierre espère de son côté que ce relèvement de seuil sera étendu aux prestations intellectuelles et à la maîtrise d’œuvre : « C'est quelque chose que nous regrettons profondément. D’autant plus que les arguments mis en avant par Bercy pour justifier cette mesure, c'est-à-dire la préservation de l'emploi, l'accélération de la passation des marchés publics et la mise en place de la transition énergétique, sont des points sur lesquels l’ingénierie intervient également ».
Enfin, Olivier Salleron imagine un seuil encore plus haut pour les travaux spécifiques tels que la rénovation énergétique et thermique. « C'est une préoccupation de premier plan, pourquoi ne pourrait-il pas y avoir un coup de pouce supplémentaire ? Cela serait quelque chose de relativement facile à mettre en place. »
(1) Sur son site Internet, la Direction des affaires juridiques de Bercy indique que « si l’article 3 du décret précise expressément que ce texte est applicable dans les collectivités d’outre-mer soumises au principe de « spécialité législative », en vertu duquel les lois et règlements n'y sont applicables que sur mention expresse du texte en cause, ce relèvement temporaire des seuils concerne bien évidemment tous les acheteurs, qu’ils soient situés en métropole ou dans les collectivités d’outre-mer. »