Ravagée par les flammes le 15 avril 2019, la cathédrale Notre-Dame de Paris rouvrira ses portes au public le 8 décembre, au terme d'un imposant chantier. Pour éviter un nouveau drame, le dispositif de sécurité incendie envisagé pour sa restauration se devait d'être exemplaire. C'est à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) qu'il incombait d'en vérifier l'efficacité. L'organisme a été retenu dans le cadre d'une consultation menée par l'établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris (RNDP), qui travaille directement avec les architectes en chef des monuments historiques. « Le principal défi était de trouver les moyens de tester les solutions techniques pour lutter contre un incendie au cœur de la charpente », rappelle Alexandre Pernin, directeur adjoint des opérations de RNDP.
« Nous devions adapter les dispositifs de sécurité à la configuration et à l'architecture particulières de la charpente en bois, qui mesure 100 m de long, en étudiant les nombreux paramètres dont dépend la propagation du feu », précise Benjamin Truchot, chargé de mission « approche intégrée de l'observation à la simulation » à la direction incendie-dispersion-explosion de l'Ineris. La nature de la source des flammes, l'agencement du bois et sa qualité, les conditions de ventilation, la météorologie et la force des vents ou encore l'évacuation naturelle des fumées constituaient autant de facteurs à prendre en compte.
Lors de sa mission, qui a duré dix-huit mois, l'Institut a mené simultanément tests numériques et essais physiques. Les premiers ont impliqué de paramétrer le logiciel Fire Dynamics Simulator (FDS) pour étudier la propagation des flammes ainsi que les mesures de sécurité destinées à les contrer. « Généralement, les combles d'un bâtiment doivent être ventilés. Ici, ce n'est pas le cas car la modélisation montre qu'évacuer ainsi les fumées favoriserait la propagation des flammes », explique Rémi Fromont, architecte en chef des monuments historiques.
Complexité des échanges thermiques. Des mesures passives comme le compartimentage ont donc été prévues. « L'intégration de travées coupe-feu dans la structure sert à limiter la propagation des flammes et à modifier l'écoulement des fumées. Ce dispositif s'accompagne d'une augmentation de la section des voliges supportant le plomb, ce qui réduit la vitesse de combustion du bois », explique Benjamin Truchot.
Ces essais virtuels ont aussi été l'occasion de reproduire la complexité des échanges thermiques entre les flammes et les matériaux. « Afin d'analyser la décomposition du bois sous l'effet de la chaleur, nous devons reproduire à la fois les échanges convectifs, c'est-à-dire la présence de gaz chauds à proximité du matériau, et le rayonnement. Cela implique de faire fonctionner ensemble plusieurs codes informatiques complexes », détaille le chargé de mission.
Un système d'extinction par brouillard d'eau a pu lui aussi être testé numériquement. Guillaume Leroy, ingénieur de l'unité dispersion, incendie, expérimentation et modélisation (Diem) à l'Ineris, rappelle à ce sujet que « l'interaction entre les flammes et les gouttelettes issues du brouillard relève encore de la recherche ». C'est pourquoi, afin de valider les hypothèses, l'Ineris s'est associé au Lemta, un laboratoire de recherche spécialisé dans la modélisation des incendies.
Tests à grande échelle. Dans le même temps, l'Ineris a mené plusieurs types d'essais physiques. « Les premiers, en laboratoire, ont servi à qualifier différents échantillons de bois. Nous avons ensuite travaillé à partir de maquettes simplifiées avec une charpente en pin pour caler nos simulations numériques », se remémore Jean-Pierre Bertrand, technicien de l'unité Diem de l'Ineris.
Ultime étape de validation, une partie de la charpente en chêne a été reproduite à l'échelle 4/10 et installée dans la chambre de 1 000 m3 de l'Ineris. Une expérimentation de cette ampleur, où même la présence du plomb a été reproduite, était possible grâce au volume disponible puisque la plateforme peut accueillir un brasier d'une puissance de 15 MW avec un débit d'extraction des fumées de 100 000 m3 /h. Le site de Verneuil-en-Halatte (Oise) a aussi permis de tester les effets du brouillard d'eau. « Il s'agit d'une installation coûteuse, où l'erreur n'était pas envisageable. Le feu devait se propager comme nous l'avions prévu et l'extinction automatique être déclenchée au bon moment. Et nous avons réussi », se félicite Jean-Pierre Bertrand.
Ces dispositifs, travées coupe-feu et brouillard d'eau, constituent désormais la réponse principale à tous les types de départs de feu au sein de la charpente de la cathédrale. A la veille de la réouverture du monument, ils sont désormais en place.


