« En France, tous les 30 km, on franchit un pont en mauvais, voire en très mauvais état ». C’est le calcul choc qu’a effectué Lionel Llobet, le président du STRRES, le Syndicat national des entrepreneurs spécialistes de travaux de réparation et de renforcement des structures, intervenant lors d’une table ronde au Salon des maires et des collectivités locales le 22 novembre.
Un calcul établi en combinant le million de kilomètres du réseau routier français et les 35 000 ponts en mauvais état structurel répertoriés par la mission sénatoriale sur la sécurité des ponts de 2019.
Un inventaire à dresser
Après le choc de l’effondrement du pont Morandi à Gênes en 2018, puis celui de Mirepoix-sur-Tarn en 2019 et celui du rapport sénatorial, 40 millions d’euros issus du Plan de relance ont été débloqués fin 2020 pour lancer le Programme national ponts.
Objectif : aider les petites communes à recenser et évaluer leurs ponts sous la houlette du Cerema, le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement. Une tâche indispensable car, rappelle Cécile Bouvet, responsable d'études en gestion du patrimoine ouvrages d’art au sein de l’organisme public, « il n’existe aucun inventaire des ponts communaux et intercommunaux ». Or la majorité des ponts en mauvais état relèvent de leurs compétences.
Le carnet de santé des ponts
La mise en œuvre concrète du Programme national ponts a démarré en septembre 2021.« Les bureaux d’étude sont allés sur le terrain pour procéder au recensement des ouvrages et à leur évaluation de manière à dresser un véritable carnet de santé des ponts », explique Cécile Bouvet.
Un ouvrage qui s’avère dangereux déclenche ainsi une procédure de mise en sécurité qui peut passer par la pose de garde-corps, une limitation de tonnage ou, dans les cas extrêmes, une fermeture. « Une mesure qui impacte fortement la vie du territoire », souligne Pascale Dumez, présidente de l’association Ingénierie de la maintenance du génie civil (IMGC).
Une véritable stratégie de maintenance
« On a tendance à se focaliser sur le patrimoine bâti et à oublier les ouvrages d’art », estime Sébastien Gouttebel, président des Maires ruraux du Puy-de-Dôme qui regrette que, dans sa région (Aura), « tous les fonds [soient] dirigés vers le bâtiment ». Au-delà de la sécurité, l’enjeu pour les collectivités est également financier : « l’entretien d’un ouvrage d’art coûte 1 mais sa rénovation coûte 10 », rappelle Sébastien Gouttebel. Préserver les budgets territoriaux nécessite donc de s’engager dans « une véritable stratégie de maintenance », selon Pascale Dumez qui veut absolument éviter que l’établissement des carnets de santé ne soit « un coup dans l’eau ».
Une deuxième phase pour 6 000 communes
Sur les 28 000 communes présentant les caractéristiques démographiques et fiscales nécessaires pour être éligibles à ce dispositif, 11 000 se sont portées volontaires pour bénéficier du programme. Et les autres ? « Certaines n’ont tout simplement pas de ponts sur leur territoire tandis que d’autres, bien que concernées, n’ont pas repéré l’information », explique Lionel Llobet.
Dans la matinée, Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu avait annoncé le démarrage d’une deuxième partie du plan qui pourrait concerner 6000 communes. « Avec cette première phase, nous avons franchi la première marche mais ce n’est pas la plus haute, estime Lionel Llobet. C’est le moment d’utiliser tout le poids du corps pour continuer à monter. »