« Jusqu’à présent nous n’avions pas besoin de préserver l’eau car cette ressource était abondante, mais ce n’est plus le cas », pose d’emblée Béatrice Arbelot, directrice exécutive Villes et territoires chez Artelia. En effet, après une sécheresse historique qui n’a pas permis la recharge des nappes phréatiques depuis l’été dernier, la situation de la France est contrastée : « Toute une zone depuis la Charente-Maritime jusqu’au sud-est connait une forte tension sur l’eau », constate la directrice. Certains élus vont jusqu’à mettre en pause les autorisations de permis de construire par crainte de ne pas pouvoir alimenter les nouveaux bâtiments en eau potable.
Dans ce contexte pourtant anticipé par les experts du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (Giec) la question de la réutilisation des eaux se pose de façon prégnante. « Si le stockage des eaux pluviales est devenue une pratique courante, ce n’est pas le cas pour la réutilisation des eaux grises [celles issues des lavabos et des douches, NDLR] », déplore Hassan Laoutak, chef de service en plomberie et fluides médicaux chez Ingérop.
Absence réglementaire
Pourquoi ne pas réutiliser les eaux traitées ? « Tout simplement parce que la réglementation ne l’autorise pas à quelques exceptions près », constate Virginie Degien-Hassenfratz, directrice d’affaires plomberie chez Ingérop. Cette absence réglementaire oblige les prescripteurs à faire valider leurs projets de « reuse » par l’Agence régionale de santé (ARS), puis par la préfecture. Les maîtres d’ouvrages qui s’engagent dans ce type de démarches prennent donc le risque de ne pas le voir aboutir. »
Traitement de l'eau
Pour autant, les solutions techniques existent. Ingérop travaille par exemple avec deux industriels spécialisés dans la récupération des eaux pluviales pour les revaloriser dans les chasses d’eau ou pour l’arrosage des espaces verts. Les installations font transiter l’eau par des cuves où les bactéries présentes la « nettoient » avant qu’un système d’ultrafiltration permette de la rendre « quasiment potable », assure Hassan Laoutak. Il est aussi possible d’ajouter un filtre à membranes ou à UV ou encore un traitement final au chlore… Les industriels ont également développé des systèmes de trop-plein afin d’éviter tout mélange entre l’eau potable et l’eau retraitée.
Israël réutilise 90 % de ses eaux grises
« L’enjeu n’est pas technique, reprend Béatrice Arbelot, car Israël réutilise 90 % de ses eaux grises, l’Espagne 14 % et l’Italie 8 %. Si en France, ce taux ne dépasse pas le 1 % pour de l’irrigation et de l’arrosage, c’est parce que nous n’avons pas encore connu la même situation de stress hydrique que ces pays plus exposés. Mais aussi parce qu’il n’y a pas de volonté d’agir en ce sens. » D’ailleurs, chez Ingérop, les experts espèrent que le Plan Eau qui doit être annoncé d’ici la fin mars ira dans ce sens et que les eaux usées retraitées bénéficieront bientôt des mêmes prérogatives que les eaux pluviales, ce qui simplifiera leur réemploi.
Réduire les consommations
« En attendant ces textes, nous cherchons à réduire les consommations d’eau, grâce à des disjoncteurs qui coupent automatiquement en cas de fuite, à des compteurs intelligents qui reconnaissent des débits anormaux la prescription de robinets particulièrement économes », note Virginie Degien Hassenfratz. Une première étape qui ne doit pas empêcher d’aller rapidement au-delà.