Quelle modernité ! Dans les six séquences de l’exposition végétale « Des arbres et des hommes » inaugurée le 25 juin au jardin d’inspiration médiévale de l’abbaye de Royaumont (Val-d'Oise), les humains du XXIème siècle retrouvent les attirances de leurs ancêtres du Moyen-Age : « L’arbre urbain, le verger, la lisière, le sous-bois, la production de matériaux de construction et d’outils… Et enfin l’imaginaire, dans son côté obscur incarné par les brigands, ou sous les traits merveilleux de la fée Mélusine », énumère Olivier Damée, l’un des deux concepteurs du « jardin des Neuf carrés » avec Edith Vallet.
Le choix de l’ancrage
Depuis le chantier parisien de la Bibliothèque François Mitterrand, l’ancrage de mottes de plusieurs quintaux n’a plus de secrets pour ce paysagiste concepteur : « Plutôt que le tutorage recommandé dans les guides techniques, je préfère le serrage et l’accrochage de la motte, protégée par un géotextile compatible avec l’extension des radicelles », expose Olivier Damée. Cette solution facilitera la nouvelle transplantation programmée en 2025, pour enrichir le patrimoine arboré du parc de l’abbaye.
Pour trouver les arbres, le maître d’œuvre n’a presque pas eu besoin de sortir du Val-d’Oise : la pépinière de Laurent Chatelain a pu répondre à la quasi-totalité de la demande. Seul manquait le châtaignier, très difficile à trouver cette année, et finalement fourni par la pépinière Bertrand Métier, depuis la Somme.
Poésie et botanique
Outre sa forme végétale, cette essence joue un rôle clé dans les neuf carrés délimités par les plessages fabriqués avec ses branches. La pression mécanique et l’humidité contraignent à rénover ces aménagements tous les trois à cinq ans, pour préserver le dessin du jardin lui-même inscrit dans un carré de 20 m de côté.
Après s'être imprégné de l'ambiance du jardin, le visiteur peut reconnaître les espèces d'arbres, grâce à l'étiquetage des jeunes plants alignés sur une poutre géante.
Pour reconnaître les espèces après s’être imprégné de l’ambiance des neuf carrés, il faut s’approcher de la poutre cyclopéenne qui trace la limite du jardin, à l’opposé du monument : les jeunes plants alignés, empotés et étiquetés répondent au besoin de connaissance botanique, pour mieux distinguer la vocation poétique du jardin d’inspiration médiévale.
80 000 tuiles du marais
Créée en 2004 pour 700 000 euros avec une évocation de l’œuvre de l’artiste mystique rhénane Hildegarde de Bingen (1098 – 1179), l’œuvre paysagère renouvelle son expression une fois tous les trois ans, grâce au mécénat de la fondation Yves Rocher.
L’éclat des façades extérieures et des toitures des bâtiments qui environnent le jardin donne son caractère d’exception au septième épisode : le réfectoire des moines et le chauffoir bénéficient du chantier conduit entre 2019 et 2021 par l’Architecte en chef des monuments historiques François Chatillon, pour une dépense de 1,6 millions d’euros HT.
En levant les yeux au-dessus des arbres, le visiteur s’émerveillera du travail de l’entreprise lorraine Coanus, qui a posé 80 000 tuiles dites du Marais, caractérisées par la diversité de leur teinte et de leur forme. Il quittera le jardin pour emprunter l’allée rénovée le long du canal. L’échafaudage parapluie a également abrité les entreprises ATB (charpente), et Varnerot (pierre de taille).
Olivier Damée, concepteurs du « jardin des Neuf carrés » avec Edith Vallet.
Remise à niveau
« Après ces chantiers qui ont coïncidé avec les deux confinements et avec des épisodes de sécheresse, le jardin-potager et le jardin des Neuf carrés avaient souffert. Depuis, la fondation Yves Rocher a accepté de financer une remise à niveau. Notre nouvelle équipe de jardiniers fantastiques nous donne bon espoir de pérenniser le label Jardin remarquable en passe de renégociation avec l’Etat », confie Francis Maréchal, directeur de la fondation de l’abbaye de Royaumont, propriétaire du site.
