L'Ara Pacis, dernier-né des musées de Rome, a ouvert vendredi, dévoilant après sept ans de travaux le nouvel écrin moderne de verre conçu par l'architecte américain Richard Meier pour protéger un petit autel antique érigé par l'empereur Auguste.
Ce projet, qui a nécessité sept ans de travaux , a suscité des critiques sans fin parmi ceux qui rêvent d'une ville fermée à l'architecture contemporaine.
La gare de Rome-Termini, érigée en 1939, était jusqu'à présent la seule grande construction moderne présente dans le centre historique de la capitale italienne. Désormais, il y aura l'Ara Pacis. Certes contemporain, ce bâtiment imaginé par l'architecte américain Richard Meier arrive à se fondre dans le paysage urbain très préservé de Rome grâce à sa longue et étroite silhouette ponctuée de panneaux vitrés et de blocs bruts de travertin, la roche calcaire beige clair typique de la région.
C'est au cœur de ce précieux coffret que repose l'Ara Pacis Augustae, (Autel de la Paix Augustéenne), un petit enclos sacrificiel à ciel ouvert de dix mètres sur onze, en marbre blanc, orné de sculptures représentant notamment l'empereur Octave Auguste et la famille impériale accomplissant des rites religieux.
L'Ara Pacis Augustae a été bâti entre 13 et 19 av JC pour célébrer la paix établie par cet empereur après ses victoires en Gaule et en Espagne.
En 1938, Mussolini avait fait reconstruire sur les berges du Tibre cet édifice bâti à l'origine sur le Champ de Mars, l'entourant d'une première construction de béton et de verre pour le protéger des intempéries. Dans la nouvelle Ara Pacis, un système prévu par Richard Meier maintiendra la température entre 20 et 22 degrés centigrades et un taux d'humidité constant pour protéger l'autel de la pollution et des vibrations.
"Ce lieu est le symbole d'une Rome moderne et antique", a résumé depuis le haut des marches de l'autel baigné de lumière Walter Veltroni, le maire de Rome, qui a fait coïncider l'inauguration de l'Ara Pacis avec l'anniversaire de la fondation de Rome, le 21 avril de l'an 753 av JC.
"Quand on fait des choses nouvelles, il est normal que cela suscite des discussions", a-t-il souligné, rappelant les critiques suscitées à Paris par la construction "de la pyramide du Louvre ou des Halles".
Les toutes premières polémiques sont nées en Italie dès 1996 lors de l'attribution du projet à l'équipe de Richard Meier, et elles ne se sont en réalité jamais taries.
"Le débat et la discussion sont sains. Je suis heureux de susciter la critique car elle a du bon, elle permet aux gens de prendre conscience de l'importance de l'architecture dans une ville, et elle permet surtout de donner vie à l'architecture", a commenté Richard Meier.
"Les grandes villes ne doivent pas faire que de la pure conservation du passé, mais elles doivent aussi avoir la capacité de créer du nouveau", a renchéri le maire de Rome.
Gianni Alemanno, membre du parti de droite conservatrice Alliance Nationale et candidat à la mairie de Rome pour les élections municipales du 28 mai, a ravivé ces derniers jours la polémique sur l'Ara Pacis.
"Si nous gagnons le 28 mai, nous démonterons l'œuvre de Meier et nous la reconstruirons en banlieue", a-t-il affirmé, évoquant "une balafre dans le cœur de la cité, un acte d'arrogance intellectuelle envers les citoyens".
Plus qu'un musée, l'Ara Pacis est aussi un complexe qui ouvrira prochainement en son sein un auditorium, une librairie, des salles d'exposition et une terrasse sur le Tibre.
Walter Veltroni a réaffirmé vendredi sa promesse de construire un tunnel le long de l'Ara Pacis pour y dévier les voitures et donc dégager une partie des quais pour installer la terrasse attenante au musée.
Katia Dolmadjian (AFP)
