Avec trois sites technologiques dangereux et une exposition aux séismes (faible à moyenne) au regard de la réglementation française, l’agglomération mulhousienne offre un cas d’école pour poser les jalons d’une approche multirisque de la protection du patrimoine bâti. Auteur d’une thèse de doctorat en géographie et sciences de la terre et de l’univers soutenue à la fin 2006 à l’université Louis-Pasteur de Strasbourg, Elise Beck s’en est saisi (1).
Son étude croisée des risques sismique et technologique pose les fondations d’un système d’information géographique présenté comme un outil d’aide à la décision proposé aux urbanistes et aux aménageurs. Ce travail contribue à une évolution résumée par le codirecteur de sa thèse et physicien du globe Michel Granet : « Aujourd’hui monorisques dans plupart des cas, les plans de prévention vont évoluer : l’approche multirisque va devenir la règle. »
Un travail de fourmi. Le travail de fourmi réalisé par Elise Beck démontre l’ampleur de la tâche. Pour mesurer l’effet de site, qui amplifie ou atténue les dégâts d’un séisme en fonction de la nature du sol, une campagne de mesures combinant deux méthodes sur 565 points a permis de délimiter quatre zones, numérotées de 1 à 4 selon l’importance de l’amplification. Ce travail a précédé la simulation des effets prévisibles d’un séisme comparable à celui qui a ravagé Bâle le 18 octobre 1356, un des plus importants du dernier millénaire en Europe de l’Ouest. Elise Beck caractérise ces effets en fonction de la densité démographique, de la hauteur des bâtiments et de leur rôle dans la gestion d’une crise, mettant en évidence la vulnérabilité des deux hôpitaux mulhousiens : ces établissements se situent en zone 3 du point de vue de l’effet de site, et des ponts les séparent de la plus grande partie des habitants.
Les sites technologiques dangereux se trouvent également en zone 3 d’amplification du risque sismique : une situation particulièrement préoccupante pour Rhodia, où seul un bâtiment sur trois respecte les normes parasismiques. A côté de cette usine, la gare de triage de Dornach inspire d’autres inquiétudes liées à sa fonction dans le transport de matières dangereuses : « En cas d’accident impliquant un wagon de chlore, la caserne de pompiers, la mairie et de nombreux établissements recevant du public se trouveraient dans la zone de diffusion des effets toxiques, ce qui risquerait de générer des dysfonctionnements dans la gestion de la crise », souligne la géographe. Ce constat pose un défi aux bâtisseurs : comment protéger les bâtiments contre le risque toxique ?
Consciente de l’immense champ d’investigation ouvert par sa thèse, Elise Beck propose deux pistes susceptibles de compléter son travail : l’analyse d’autres risques susceptibles d’interagir entre eux dans la même agglomération – inondations, transport de matières dangereuses, ruptures de barrage – et la transposition de sa méthode dans d’autres sites urbains combinant des risques naturels et technologiques.
