Mi-mai, Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance, Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’Industrie, et Alain Griset, ministre délégué chargé des PME ont demandé aux acheteurs publics de la bienveillance dans les contrats de la commande publique en cours d’exécution afin de faire face au risque de pénurie des matières premières.
Cela se traduisait notamment par la non-application de pénalités lorsque les retards de livraison ou d’exécution sont liés aux envolées des prix des matières premières ou aux pénuries rencontrées par les entreprises pour leurs approvisionnements. Mais aussi, par la possibilité d’accorder des reports de délais et de réfléchir, au cas par cas, aux autres mesures d’exécution qui permettraient d’apporter une réponse à cette situation. Pour compléter ces recommandations, la Direction des affaires juridiques de Bercy vient de mettre en ligne sur son site internet une nouvelle fiche pratique.
Allongement des délais d’exécution des marchés publics
La DAJ précise en premier lieu que les acheteurs publics ont toujours la possibilité d’aménager les délais d’exécution lorsque des circonstances extérieures mettent le titulaire dans l’impossibilité de les respecter. Ces délais peuvent donc être suspendus ou prolongés. Ainsi, « dès lors que le titulaire du contrat apporte la démonstration qu’il n’est pas en mesure de respecter certains délais d’exécution, ou que l’exécution des prestations encadrées par ces délais entraînerait pour lui un surcoût manifestement excessif, il lui est possible de solliciter l’autorité contractante afin d’obtenir la prolongation de ces délais spécifiques ».
Pénalités de retard
Autre source de tension pour les entreprises : les pénalités de retard. La DAJ rappelle que les acheteurs sont toujours libres de ne pas les appliquer sous réserve que cela ne constitue pas une libéralité. Ils peuvent même être tenus d’y renoncer en application des clauses du contrat. Par ailleurs, le juge administratif invite les acheteurs à faire une application raisonnée des pénalités de retard, ce dernier pouvant même moduler leur montant lors d’un contentieux.
A noter également que la non-application des pénalités de retard et le report des délais d’exécution s’imposent à l’acheteur lorsque les circonstances peuvent être qualifiées de cas de force majeure.
La théorie de l’imprévision
En matière de commande publique, le prix contractualisé est intangible, ainsi que les conditions de son évolution prévues à la signature du contrat. Autrement dit, en l’absence de clause de révision de prix ou de réexamen, une modification en cours d’exécution du marché est impossible. Pour faire face à la situation actuelle, la DAJ invite donc les acteurs à se tourner vers la jurisprudence et plus particulièrement sur la théorie de l’imprévision. Pour mémoire, dans une décision de 1916, le Conseil d’Etat indiquait que « dans l’hypothèse où l’augmentation du prix des matières premières ou des composants indispensables à l’exécution des prestations entraînerait un bouleversement temporaire de l’économie du contrat, le titulaire du marché concerné pourrait solliciter une indemnité sur le fondement de la théorie de l’imprévision, à condition de démontrer que cette augmentation était imprévisible, soit dans sa survenance, soit dans son ampleur. »
La DAJ précise dans sa fiche technique que le titulaire qui sollicite une indemnisation doit apporter tous les justificatifs nécessaires, et notamment la preuve que l’achat des matériaux concernés était bien postérieur à la période durant laquelle le prix de ces derniers a augmenté de façon imprévisible. En outre, l’indemnité accordée ne peut couvrir qu'une partie du déficit subi et la mise en œuvre de la théorie de l’imprévision ne peut être que temporaire.
Zoom sur les prochaines consultations
Dans un second temps, la DAJ s’intéresse aux futurs marchés. Elle met notamment l’accent sur les obligations en matière d’actualisation et de révision des prix. L’article R. 2112-13 du Code de la commande publique, tout d’abord, prévoit que les marchés publics doivent être conclus à prix révisables lorsque les prestations sur lesquelles ils portent sont exposées à des aléas majeurs du fait de l’évolution raisonnablement prévisible des conditions économiques pendant la période d’exécution des contrats. La DAJ décrit ensuite le fonctionnement d’une clause de révision.
L’article R. 2112-11, ensuite, impose, s’agissant des marchés conclus à prix ferme, une actualisation du prix si un délai supérieur à trois mois s'écoule entre la date à laquelle le soumissionnaire a fixé son prix dans l'offre et la date de début d'exécution des prestations.
Recommandations de la DAJ
La DAJ met ainsi en garde les acheteurs publics : « Ils doivent impérativement respecter ces obligations pour leurs projets de marchés et veiller à l’établissement de formules de révision ou d’actualisation de prix représentatives des différentes composantes du coût des prestations et de leurs facteurs d’évolution. Si des marchés ont été conclus sans respecter cette obligation et que des difficultés surviennent en cours d’exécution du contrat du fait de fortes fluctuations, l’acheteur est susceptible d’engager sa responsabilité contractuelle ».
Elle indique également que le fait que certains segments d’achat ne soient pas habituellement soumis à de fortes fluctuations des prix ou des coûts ne prémunit pas contre de tels événements. Elle recommande donc « de prévoir des prix révisables pour les marchés répondant à des besoins continus ou réguliers et conclus pour une ou plusieurs années, tels que les accords-cadres à bons de commandes ou à marchés subséquents ».