Retraites : dans le BTP, le pouvoir d’achat freine le recours à la grève, mais les consciences restent mobilisées

Explosion des prix oblige, la grève contre la réforme des retraites demeure marginale dans le BTP. Pour participer aux manifestations, les salariés mobilisés misent sur la prise de RTT et de jours de congés.

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Manifestation contre la réforme des retraites à Paris, le 7 mars 2023.

Dans les couloirs, sur les chantiers, à la machine à café… « La réforme des retraites et le passage en force du gouvernement avec l’article 49 alinéa 3 de la Constitution s’invitent dans toutes les discussions : jamais, dans le BTP, on ne s’était tant intéressé à ce qui se passe au Parlement ! », relève Samir Baïri, secrétaire national à la CFDT Construction.

« Voir des salariés non syndiqués aller manifester de leur propre initiative, ce n’était jamais arrivé sur d’autres sujets, renchérit Ludovic Durand, délégué syndical central CFDT chez Bouygues Energie & Services. On sent, dans un secteur où la pénibilité n’est pas reconnue en tant que telle dans le cadre de la réforme, que les gens sont touchés, révoltés même. Et compte tenu des conditions d’adoption du texte, ils ne se sont pas sentis entendus. »

Recours aux congés payés et aux RTT

Reste que, lors de la dernière journée de mobilisation intersyndicale du 28 mars, « le recours à la grève dans le BTP a faibli », reconnaît Samir Baïri. Mais, sans surprise, pour des raisons financières. D’où une mobilisation en dents de scie, avec certains salariés qui viennent manifester un jour sur deux. « La plupart du temps, les salariés qui participent aux cortèges n’exercent pas directement leur droit de grève, et profitent des congés payés à solder avant fin mai ou posent une RTT pour la circonstance », ajoute le responsable cédétiste, qui n’a pas eu connaissance de récents blocages de chantier.

« Après un regain lors de la journée de manifestations du 23 mars, la mobilisation s’épuise un peu, confirme Ludovic Durand. Dans les travaux publics, les salariés d’une entreprise sont deux ou trois par chantier : ce n’est pas leur absence qui va réellement freiner les travaux. » Les risques de blocage viennent parfois de l’extérieur. « Pour parer à une éventuelle baisse de production liée au blocage des routes ou à l’arrêt de centrales à béton, l’encadrement anticipe, en décalant ou en avançant les livraisons de matériaux », rapporte Samir Baïri, par ailleurs secrétaire du comité européen d’Eiffage. 

« En tout état de cause, l’exercice du droit de grève n’est pas une tradition dans le BTP, où règne avant tout une culture du travail pénible, avec des salariés qui sont « durs au mal », même si les conditions de travail s’améliorent, rappelle-t-il. Alors les gens râlent mais, tenus par leurs crédits et leurs vacances à payer, ils se lèvent le matin pour aller travailler. On observe d’ailleurs actuellement, dans le cadre des recrutements, davantage d’intérêt pour les sujets liées aux oeuvres sociales du CE ou encore la mutuelle d’entreprise et, en interne, nous recevons des demandes d’aides financières pour des vacances qui, à défaut, risquent de passer à la trappe pour certains salariés. » 

Quant aux taux de grévistes dans les entreprises, « la direction ne communique que peu de chiffres sur le sujet, mais on sait qu’ils sont très peu élevés, indique Samir Baïri pour Eiffage. En partie, donc, car les salariés recourent la plupart du temps à d’autres motifs pour s’absenter, et n’exercent pas leur droit de grève en tant que tel ». Chez Bouygues Energie & Services, « le nombre de salariés déclarés non pas grévistes mais absents (RTT, absence d’une demi-journée non rémunérée, congés payés) a oscillé, lors des premières journées de mobilisations, entre 1,5 et 3 %, et a frôlé les 8 % le 23 mars », chiffre Ludovic Durand, qui invite néanmoins à prendre ces éléments « avec des pincettes ». Contactés par Le Moniteur, Vinci Construction et Bouygues Construction n'ont pas donné suite.

Prochaine étape : la mobilisation du 6 avril. « Les salariés du secteur suivent le sujet avec attention. Même si, les semaines passant, une résignation s’est installée avec l’adoption de la loi,  la colère est toujours là ! », appuie Ludovic Durand.

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