« On se rend compte que les délais de paiement des collectivités augmentent. » C’est le constat d’Oriane Viguier, présidente de Legros TP (Rhône), en droite ligne des alertes de la FNTP et de la FFB sur la question. La cheffe d’entreprise point du doigt Chorus Pro, la plateforme des administrations censée « réduire les délais de paiement », lit-on sur celle-ci.
« Si ce logiciel a facilité beaucoup de choses, il a cependant un dysfonctionnement majeur. La maîtrise d’œuvre et le maître d’ouvrage peuvent être en désaccord sur une facture et peuvent réinitialiser le processus de facturation. De fait, ces allers-retours rallongent les délais de paiement. »
C’est ce que la FNTP appelle les délais cachés. Ceux-ci passent sous les radars et fausseraient les indicateurs sur les délais de paiement.
Chorus Pro, un mal pour un bien ?
Même constat chez Dubrac TP (Seine-Saint-Denis) : « Je vois deux problèmes à ce logiciel, observe Francis Dubrac, président. Tout d’abord, le maître d’œuvre et le maître d’ouvrage peuvent corriger la facture et donc repousser le délai de paiement. Puis, il arrive que le maître d’œuvre tarde à transférer la facture au maître d’ouvrage, et donc ce dernier paye après le délai de paiement légal. »
Le dirigeant explique toutefois que « globalement, les délais de paiement se sont améliorés avec Chorus Pro, et notre trésorerie a augmenté grâce à ça. La date de facturation est inscrite noir sur blanc, et cela pousse les comptables des collectivités à payer dans les temps. »
Une typologie par montant
De fait, les chefs d’entreprise interrogés ne désignent pas spécifiquement une typologie de collectivité. Les retards de paiement ou dysfonctionnements seraient le fait aussi d’organisations réputées mauvais payeurs, comme l’armée ou les hôpitaux.
Pascal Le Bris, directeur du développement de la SNTPP (Val-de-Marne), dresse plutôt une typologie par montant de l’appel à projet : « 70% de notre chiffre d’affaires (CA) correspond à des marchés qui sont réglés dans les 45 jours ; 20% nous sont réglés en plus de six mois, et enfin, pour les 10% restants, cela dépasse un an. A partir de 300 000€, le délai de paiement dépasse six mois, c’est systématique. »
Un état de fait pour le dirigeant qui n’est pas sans conséquence. « Notre PME fait 50M€ de CA, cela correspond donc à une somme de 5M€. Lorsqu’il vous manque 5M€ en décembre, il faut avoir les reins solides pour passer l’année », conclut-il.
Ces mésaventures de trésorerie déstabilisent l’entreprise d’Oriane Viguier : « Pour la première fois depuis cet été, notre trésorerie est mise à mal à cause de retards importants sur de gros dossiers, comme sur le tramway de Lyon, géré par Sytral. Nous avons eu un retard de trois mois pour une facture de 400 000€, sachant que nous faisons 7M€ de CA. » Avec de tels sommes qui tardent à être payées, les entreprises de travaux publics à la trésorerie solide partent avantagées.