Mi-octobre à Epernon (Eure-et-Loir), une paroi en béton de chanvre a été soumise à l’épreuve des flammes. Le Centre d’essais au feu (CEF) du Cerib a conduit un essai sur un Local expérimental pour incendie réel à deux niveaux (Lepir 2), nécessaire à l’appréciation de la solution constructive selon l’Instruction technique (IT) 249.
« Cet essai s’inscrit dans la continuité du programme d'essais de résistance au feu du système constructif commencé en 2018, avec le soutien financier du programme Pacte pour un budget total de 300 000 euros », commence Philippe Munoz, chargé de mission pour l’association Construire en chanvre.
L’objectif est ainsi d’étendre les règles professionnelles de la construction en chanvre, qui se limitent pour l’instant au R+2+combles et aux bâtiments de 5e catégorie pour les Etablissements recevant du public (ERP).
« La filière a déjà réalisé des constructions plus importantes, sur lesquelles nous n’avons pas de signaux négatifs, mais elles ont nécessité des Appréciations techniques d’expérimentations (Atex) ou des astuces réglementaires », poursuit-il.
Aujourd’hui, l’ambition est bien de dépasser ces limites, en particulier dans le cadre des ouvrages à réaliser pour les Jeux olympiques de 2024 à Paris.
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Définir la mise en œuvre la plus défavorable
L’essai Lepir 2 vise à vérifier la non propagation par la façade d’un incendie se déclarant à un étage donné jusqu’aux deux niveaux au-dessus, grâce à l’étude de la propagation verticale et latérale des flammes durant les 30 premières minutes et le passage des flammes et gaz chauds (T > 180°C) à la jonction façade/plancher entre les deux niveaux.
« En amont de cet essai, nous avons mené une importante campagne de tests préliminaires sur différentes mises en œuvre de béton de chanvre afin de déterminer le cas le plus défavorable. Cela rend l’essai recevable pour toutes les mises en œuvre », indique Christophe Tessier, directeur du CEF au Cerib.
Résultat de ce comparatif : lors de l’essai, la maquette était constituée d’une façade en béton de chanvre de 30 cm d'épaisseur, sur 5,75 m de largeur et 6,55 m de hauteur (deux étages), mis en œuvre par projection sur une ossature bois noyée (145 x 45 mm d'épaisseur) et une finition avec un enduit chaux-sable de 2 cm.
Le plancher situé entre les deux étages était en CLT (bois massif). Les doubles vitrages et menuiseries PVC étaient munis d’un tableau de bois de 4 cm d’épaisseur en douglas massif de classe 3.
La paroi a été soumise à un feu violent représentatif d’un feu pleinement développé dans un bâtiment. Il s’est fait au moyen de deux bûchers contenant 600 kg de bois, moyennant une vitesse de vent inférieur à 3 m/s, sans pluie.
Pas de dégradation de l’enduit après une heure
Une heure après le déclenchement de l’incendie, les premières observations permettent déjà d’avancer quelques hypothèses.
Christophe Tessier note que « l’enduit semble plutôt performant, sans dégradation particulière, l’amorce du R+2 restant intègre ».
Il poursuit : « nous n’avons pas non plus noté d’augmentation significative de la température à la jonction façade/plancher. Par contre, du fait de la présence d’un plancher combustible, la durée de sollicitations aux flammes et leur hauteur a été augmentée ».
Conformément aux derniers textes en vigueur en matière de risque incendie des façades, les observations et mesures ont continué pendant les 24h suivant l’essai.
Autant d’observations qui restent à confirmer dans les semaines à venir, avant de délivrer le rapport d’essai accompagné d’une appréciation de laboratoire.
« Pour cet essai, nous avons engagé 160 mesures afin d’étendre le domaine d’application », explique Christophe Tessier.
Déjà, des travaux complémentaires démarrent pour étudier les degrés de stabilité au feu sur des solutions porteuses. Les premiers résultats devraient être disponibles d’ici la fin 2020.
Un comportement au feu en partie éprouvé
« Cet essai Lepir 2 complète les références déjà acquises », indique Philippe Munoz. Déjà, la réaction au feu du matériau a été éprouvée par bon nombres d’industriels engagés depuis des années dans le béton de chanvre. « Nous avons aussi prouvé en juillet dernier qu’un mur non porteur en béton de chanvre peut résister quatre heures à 1 200 °C, d'où un classement EI 240 (Étanchéité Isolement) pour ce matériau », se félicite le chargé de mission. L'appréciation de laboratoire et son procès-verbal de classement sont d’ailleurs disponibles sur le site internet de Construire en chanvre.