Exceptionnel tant par son envergure que par sa technicité, le chantier de l'aqueduc Vilaine-Atlantique (AVA) assure désormais l'interconnexion entre l'Ille-et-Vilaine et le Morbihan, soit un parcours de 100 km entre Rennes et Férel réalisé au moyen d'épaisses canalisations dont le diamètre varie entre 60 et 80 cm. Il aura fallu dix ans pour finaliser la troisième et dernière tranche (59 km en Ille-et-Vilaine entre Rennes et Bains-sur-Oust) de cette infrastructure de secours mutuel en eau potable, dont la mise en service est prévue pour début 2024. Dimensionnée pour fonctionner à double sens, avec un débit de 25 000 m3 /j en période de pénurie d'eau, elle pourra couvrir les besoins de 200 000 habitants.
Pour pouvoir la mettre en place, il a d'abord été nécessaire de déterminer son tracé en tenant compte de trois grands objectifs : maximiser le fonctionnement gravitaire, limiter les impacts environnementaux comme techniques et optimiser le linéaire afin de maîtriser les coûts. « Pour que ce réseau puisse fonctionner gravitairement autant que possible, nous avons choisi des canalisations de grand diamètre. Cela réduit les frottements qui ralentissent l'écoulement de l'eau tout en améliorant la desserte hydraulique. Car c'est bien sous sa propre charge que l'eau doit circuler », décrit Jean-Michel Letournel, chargé de mission chez Suez Consulting, l'un des deux maîtres d'œuvre. Deux stations de pompage prennent le relais du fonctionnement non gravitaire sur une partie du réseau. Situés en Ille-et-Vilaine, à Goven et Sixt-sur-Aff, deux réservoirs de stockage de 5 000 m3 chacun compléteront le dispositif.

Forage jusqu'à 6 m de profondeur. Une fois le parcours défini, les travaux pouvaient commencer avec leur lot de défis, dont la première partie du tracé, soit 8 km à partir de Rennes, ne manque pas. De fait, la zone est jalonnée d'infrastructures sensibles (rocade, voie ferrée), ce qui a rendu incontournable le forage par micro tunneliers jusqu'à six mètres de profondeur. Des points singuliers, comme le passage sous les voies départementales ou les cours d'eau, imposaient un forage à cinq mètres et le passage d'un fourreau d'un mètre de diamètre afin de protéger la canalisation. Dans les points hauts du parcours (buttes, monticules), d'autres excavations en profondeur étaient également nécessaires, ainsi que la mise en place d'une soixantaine de « ventouses ». Placées dans des regards tous les 1 500 m environ, elles servent à chasser l'air qui peut bloquer la circulation de l'eau lorsque l'altimétrie du terrain s'élève.

Partout ailleurs, la pose de la canalisation a été réalisée principalement en tranchée ouverte de 1,70 m de profondeur pour 1,20 m de large, avec deux modes opératoires : la tranchée traditionnelle à la pelle ou, plus spectaculaire, l'ouverture à la trancheuse. « Acheminée depuis le sud de la France, cette machine de 115 t a été mobilisée par les entreprises Sogea et Cise TP sur des parcours de 8 et 16 km, détaille Jean-Michel Letournel. Cet engin exceptionnel accélère la cadence de pose qui passe de 250 à 420 m linéaires quotidiens. » Pour qu'elle puisse travailler, il est nécessaire de commencer par décaper 30 cm de terre végétale. Une fois cette piste de 15 m de large créée - réduite à 6 m en zone humide -, la trancheuse réalise la fouille au moyen de sa chenille armée de picots en carbure de tungstène qui abrase la roche et la terre. Dans son sillage, une cabine blindée coulisse en fond de fouille. Elle abrite un ouvrier, qui peut ainsi, en toute sécurité, préparer les tuyaux que des camions munis de pinces déposent au fond de la fouille. Chacun mesure 7 m de long et pèse 1,3 t. L'opérateur assure le nettoyage des collerettes, leur graissage et la pose du joint. La pince vient à son aide pour réaliser la connexion finale.
Une caméra tous les 200 m. La conformité de l'altimétrie est mesurée à chaque liaison. Sécurité supplémentaire, tous les 200 m, une caméra vérifie les joints et les fissures éventuelles. Ce type d'inspection a permis d'identifier un joint défectueux, ce qui a entraîné la dépose d'un tronçon de 70 m. En matière de canalisations aussi, mieux vaut prévenir que guérir.
