Rénovation et construction L’hôtellerie joue la carte de l’architecture

Si les stars de l’architecture se frottent volontiers à l’hôtellerie de prestige, les hôtels peu étoilés séduisent plus rarement les architectes. Face à un parc hétérogène et vieillissant, ceux-ci ont pourtant une carte à jouer…

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Plus chics, plus intimes, plus propres et mieux équipés, les hôtels de France font peau neuve. Et il serait temps ! Selon le cabinet d’analyse Coach Omnium, spécialisé sur ce secteur, un quart du parc hôtelier français serait « vieillissant, voire vétuste » et « un bon tiers à bout de souffle ». Pire : seulement « 1/6e de l’offre hôtelière française serait irréprochable en termes de produit », et ce, qu’elle soit classée (18 000 hôtels) ou non. C’est que « l’hôtellerie française a oublié de se moderniser. La clientèle, qu’elle voyage pour affaires ou pour loisirs, se déclare de plus en plus déçue, lassée, voire mécontente de ce qu’elle trouve comme prestations dans les hôtels français, analyse l’étude. Notre offre hôtelière est devenue minimaliste, sans valeur ajoutée, pauvre, lassante ». Du coup, ajoute le cabinet, « les hôtels perdent des parts de marché au profit d’autres formes d’hébergement (chambres d’hôtes, résidences de tourisme, etc.) ».

Un état des lieux qu’approuve Vincent Bastie, architecte spécialisé dans les hôtels, qui compte une trentaine d’établissements atypiques à son actif (Le Murano, Le Petit Moulin décoré par Christian Lacroix, L’Arioso, etc.) : « Paris et les métropoles régionales se doivent de rattraper leur retard par rapport à d’autres capitales comme Londres. Sous peine d’être supplantées par l’hôtellerie low cost ».

Fermeture pour travaux ou pas ? Mais alors que reproche-t-on à ces hôtels ? En vrac, et toujours selon ce même rapport : le bruit et le manque d’isolation acoustique (44,5 %), les odeurs (12,6 %), le manque de propreté (10,1 %), le manque d’espace (7,6 %), et la vétusté du mobilier et des équipements (6,7 %)…

Devant un tel tableau, les architectes ont donc bien une carte à faire valoir. Et si certaines chaînes de prestige s’offrent les signatures de Jean Nouvel, Zaha Hadid, Ron Arad ou Norman Foster (Hôtel Puerta America de Madrid), la tâche ne manque pas pour les autres… Mais attention, précise Vincent Bastie, « l’hôtellerie est une industrie lourde, qui exige des investissements importants de la part de l’exploitant et une technicité sans faille du côté de l’architecte ». L’une des premières difficultés face à l’hôtelier candidat à la rénovation lourde sera de lui faire comprendre qu’une remise aux normes complète s’impose. Laquelle suppose de reprendre l’intégralité des installations techniques. « C’est à ce moment-là qu’on commence à découvrir le résultat de cinquante ans de bricolages accumulés », s’amuse Vincent Bastie… Et sur un sujet sensible comme celui de la sécurité d’un « ERP (établissement recevant du public) de 5e catégorie avec locaux à sommeil », il n’est pas question de mégoter. Deux escaliers encloisonnés au minimum seront à prévoir, sans oublier l’accessibilité aux handicapés, le désenfumage, etc.

L’architecte devra conjuguer avec doigté les exigences de l’administration (architectes de sécurité de la préfecture de Police, architecte des bâtiments de France, etc.) avec les conditions propres à ce type de chantier. « La principale question pour l’exploitant est d’avoir à fermer ou pas son hôtel pour les travaux. Ce qui, de toutes les manières, conduit l’architecte à réaliser un exercice délicat, souligne Vincent Bastie. Soit on ferme et c’est top chrono, de deux mois à un an de chantier, avec une logistique irréprochable, dans les conditions d’exiguïté d’un chantier urbain. Soit on ne ferme pas, et le chantier doit être à ultra-faibles nuisances pour ne pas se mettre à dos le directeur et les clients. Dans tous les cas, on travaille au métronome ! »

Fonctionnel et esthétique. Soit. Mais pour quelles prestations ? Pour Emmanuel Sauvage, le jeune directeur du Marceau-Bastille de Paris (55 chambres), ouvert depuis le début janvier, « les clients ne veulent plus être un simple numéro. Ils veulent voir que la chambre est propre, ne pas attendre devant un ascenseur et évoluer dans un espace chaleureux ». Exit donc la standardisation des années 80 pour des clients qui voulaient savoir par avance où ils mettraient les pieds. « Maintenant c’est la singularité qui est payante », affirme-t-il. Bref, l’hôtel ne doit plus simplement être fonctionnel (c’est bien le moins qu’on puisse en attendre !) il doit aussi être esthétique et séduire par son architecture intérieure.

« La tendance, c’est de faire un hôtel “tendance“, un établissement atypique dont on va parler, avec un éventail de prestations supplémentaires, un bar, une galerie d’art, un espace fitness, une piscine, etc. », résume Vincent Bastie. Et l’accueil de se transformer en lobby (hall amélioré avec bar et réception), le bar de devenir lounge (espace cosy avec musique d’ambiance), etc. Sans oublier les chambres où climatisation, wi-fi, écrans plats, contrôle d’accès voire mini chaîne hi-fi sont désormais impératifs et banals.

Tout ceci ne va pas sans un choix minutieux des équipements. « Ce qui prime est leur facilité d’usage et de maintenance, note Emmanuel Sauvage. Pour le choix des matériaux, je privilégie la solidité et l’hygiène apparente. La peinture est le premier ennemi de l’hôtelier ! Et si parquet et carrelages sont prisés, gare aux problèmes de bruit ». L’architecte devra aussi veiller à la qualité des locaux réservés au personnel (vestiaires, salle de repos, etc.) « ce qui nous permet de recruter plus facilement et de fidéliser un personnel qualifié », note Emmanuel Sauvage.

Rénovation industrialisée. Rénover, soit. Ne reste plus qu’à trouver le bon tempo : « Une rénovation lourde tous les cinquante ans, les sanitaires et la décoration tous les quinze ans, la peinture et la moquette tous les trois ans », préconise Vincent Bastie. Des préoccupations dont l’hôtellerie ultra-économique n’est pas éloignée, tant s’en faut, et qui compte jouer, elle aussi, la carte architecture-design-fashion. Ainsi le groupe Accor a-t-il demandé à l’architecte d’intérieur et designer Matali Crasset, auteur du Hi-Hôtel de Nice (voir « Le Moniteur » n° 5187 du 25 avril 2003, p. 7) de repenser l’intérieur de ses « Formule 1 » (une chaîne lancée en 1985). Trois prototypes différents de chambres sont actuellement testés en situation réelle. Clients, techniciens et gestionnaires sont invités à donner leur avis pour, si l’essai est concluant, adapter les propositions du concepteur en vue de passer à la phase d’industrialisation. Une étape capitale : la chaîne compte en effet 284 hôtels en France, soit 21 075 chambres… Dans un registre diamétralement opposé, l’architecte Edouard François livrera dans le courant de l’année le « Fouquet’s Barrière », un palace quatre étoiles de 81 chambres sur les Champs-Elysées. Le tout pour 40 millions d’euros.

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