La loi Climat et résilience votée en 2021 par le parlement a marqué une étape décisive dans la prise de conscience de la maîtrise des dépenses d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du logement. Jugées politiquement moins sensibles que l’écotaxe ou la taxe carbone dans le secteur du transport à l’origine des mouvements des Bonnets rouges et des Gilets jaunes, ce sont les mesures d’incitation à la rénovation énergétique des bâtiments qui ont retenu l’attention du législateur pour atteindre les ambitieux objectifs de neutralité carbone en 2050.
Pour relever ce défi, les regards se sont logiquement tournés vers la copropriété, qui représente 43% du parc total de logements... à telle enseigne, qu’après le vote de la loi, les copropriétaires bailleurs, singulièrement, et les copropriétaires occupants se retrouvent les premiers de cordée pour gravir un Everest : respecter des échéances qui laissent perplexes nombre de professionnels du logement.
On se rappellera la mesure phare de la loi précitée concernant l'immobilier locatif, soit l'impossibilité de mettre en location des passoires thermiques, dès 2023 pour les logements de classe énergétique G très énergivores, 2028 pour les F, 2034 pour les E...
Un peu plus de 6% du parc de logements considéré comme très économe
Dernières illustrations en date des méandres dans lesquels sont plongées les copropriétés : la récente réforme du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) permettant de déterminer la classe énergétique des logements a dû être révisée à la suite d’erreurs dans les méthodes de calcul, disqualifiant des biens à la location. Enfin, la prochaine réforme de l’audit énergétique obligatoire des logements en cas de vente, en vigueur en septembre 2022, suppose au préalable une mise en cohérence attendue tant par les professionnels de la filière que par les propriétaires.
L’inquiétude sur le marché des biens immobiliers se fait déjà sentir : le chemin à parcourir et les financements à obtenir sont immenses. En 2018, au regard des anciennes normes, seuls 2 millions de logements sur les 30 millions que compte le parc total étaient considérés comme très économes ou à basse consommation. Si le changement d’échelle pour « massifier la rénovation énergétique globale de ces logements » est indispensable, les copropriétaires n’ont pour le moment pas les moyens de faire face à leurs obligations.
Une difficile équation budgétaire à résoudre
Si on réduit le champ aux passoires thermiques (soit 5 millions de logements selon la note du Commissariat général du développement durable), le compte n’y est pas. Sur la base d’une rénovation énergétique globale (en moyenne de 30 000€), c'est 150Mds€ à dépenser d'ici 2028, échéance imposée par le législateur. Or, on sait que 2 millions de propriétaires de passoires thermiques sont des ménages à faibles revenus, qui pour la plupart sont dans l’incapacité de payer un reste à charge.
Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que les budgets annuels des principales aides financières aux travaux d’économies d’énergie, MaPrimeRénov’ qui s’élève à 2Mds€ et celui des Certificats d’Économies d’Énergie de plus de 4Mds€ dédié à l’habitat, ne seront pas suffisants. Selon France Stratégie : « Le supplément d’investissement dans la rénovation thermique des logements privés en France nécessaire pour atteindre une trajectoire de réduction compatible avec les objectifs s’élève entre 4,5Mds€ annuels (estimation basse) et 8 Mds€ (estimation haute) sur la période 2019-2028», soit le double (estimation basse) voire le triple (estimation haute) du volume annuel moyen d'incitations financières générées par le dispositif des CEE sur les quatre dernières années.
Que l’ambition ne soit pas la chronique d’un échec annoncé
Dès lors qui paiera ? Le droit trace une voie depuis le vote de la loi Climat et résilience et en appelle à la puissance publique pour trouver des solutions ; « l’atteinte des objectifs de rénovation énergétique doit reposer sur une incitation financière accrue via la mise en œuvre d'un système d'aide accessible à l'ensemble des ménages modulé selon leurs ressources ». Le diagnostic est connu : il faut créer les conditions d'un reste à charge minimal, en particulier pour les bénéficiaires les plus modestes.
La réalité du terrain est autrement plus difficile. Les réseaux bancaires traditionnels montrent peu d’appétence pour le financement de la rénovation énergétique des bâtiments collectifs, jugé peu rentable au regard des contraintes inhérentes au droit de copropriété.
Innover pour ne pas désespérer les assemblées générales de copropriétaires
Il faut par conséquent se montrer innovant dans le cadre d’un accompagnement global du copropriétaire. Celui-ci pourrait être proposé par un réseau d’acteurs, publics ou privés, agréés qui joueraient le rôle d’interlocuteur unique, « de guichets » pour accompagner celui-ci devant la complexité des obligations auxquelles ils doivent faire face.
Concernant le volet budgétaire, ces « opérateurs ensembliers », auraient notamment pour mission de financer l’opération en expérimentant un dispositif innovant de tiers investissement. Il s’agirait de faire porter le financement par l’opérateur, lequel se rembourserait et générerait la marge de son contrat de prestation à partir des économies d’énergie réalisées, dont il se porterait garant via un Contrat de Performance Énergétique (CPE). Alors que les prix de l’énergie explosent, le gain sur la facture énergétique sera d’autant plus important, permettant un remboursement relativement plus rapide et une rentabilité plus assurée.
Tel est le modèle préconisé par France Stratégie pour répondre aux enjeux de la rénovation énergétique globale des passoires thermiques. Un modèle auquel le groupe Hellio croit dès ses débuts, prêt à l’expérimenter sur des habitations réelles.
L’enjeu est de taille car l’alternative est aujourd’hui claire : soit notre pays se donne les moyens d’accompagner la génération de copropriétaires sur laquelle s’est abattue toute une série d’obligations au nom de la nécessaire préservation de notre environnement et de notre maîtrise de la consommation nationale d’énergie; soit les objectifs liés à la lutte contre le réchauffement climatique et de souveraineté énergétique ne pourront être atteints.
(1) Source : cliquez ici.
(2) Fourchette basse pour un logement en copropriété, qui n'inclut pas la hausse des prix des matériaux subie depuis l'an dernier, pour une rénovation complète de base (c'est-à-dire, par un gain de 35 % minimum pour une copropriété, selon la définition du gouvernement, via le dispositif Coup de Pouce, et non selon une définition BBC). Source : cliquez ici.
(3) Source : cliquez ici.