« Jusqu’à quand va-t-on continuer à dire aux investisseurs qu’il n’y a pas de problèmes quand le plan de travaux de son actif dépend d’une réglementation que l’on ne comprend pas ? » Le 14 février dernier, dans le cadre d’un débat organisé par la start-up Sitowie, Xavier Lépine, président de l’IEIF et ancien patron de La Française, a lâché une bombe. Il faut dire que l’enquête menée par la jeune pousse et dévoilée le matin même est impressionnante.
92% des professionnels de l’immobilier sondés (lire encadré) pensent que les actions en matière de RSE ont un impact sur la valorisation des actifs immobiliers. Et 84%, sur sa rentabilité. Des actions menées au regard de la réglementation en la matière, qui foisonnent ces derniers temps. Au Décret Tertiaire et à la Loi Climat et Résilience, il faut rajouter la Taxinomie Européenne (qui classe les activités économiques favorables à l’environnement pour orienter les flux financiers) et la directive CSRD (qui obligera les entreprises à publier leur reporting extra-financier, en fonction de leur taille). Or, les sondés l’avouent : en matière de règlementation européenne, ils ont des marges de progression. 49% estiment ne pas être informés en matière de Taxinomie. Le chiffre grimpe à 76% quand il s’agit de la directive CSRD, certes publiée le 16 décembre dernier, bien après la Taxinomie qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2022.
Jusqu’à 20% de perte de valeur
Si les propos de Xavier Lépine résonnent, c’est parce que près de la moitié des sondés (44,7%) estiment qu’un actif « non vert » perdra entre 10 et 20% de sa valeur. Et pourtant, les acteurs de la place semblent démunis. Si près de 65% des professionnels interrogés affichent bien une feuille de route « qui les aident à piloter efficacement » leur activité, la plupart n’ont pas les outils adéquats pour être réellement efficace.
Plus de 43% des sondés n’ont pas d’indicateurs de performance, ni de grille d’analyse (près de 39%). Autre difficulté : près de 49% n’ont pas les ressources humaines adéquates ni de données « objectives, accessibles et facilement accessibles ». Et enfin, 42% n’ont pas les moyens (financiers) de leurs ambitions. « L’étude révèle que la machine est difficile à mettre en ordre de marche, parce que les entreprises ne savent pas comment avancer, avec quels moyens techniques, ni quelles ressources humaines, indique Pauline Koch, présidente et fondatrice de Sitowie. Mais tous n’est pas noir : dans certaines entreprises, la direction de la RSE a un droit de véto en matière d’investissement. Cela démontre bien que les mentalités sont en train de changer. »
Autre donnée inquiétante : l’indice de confiance des acteurs sur leur capacité à réussir leur transition verte aux échéances fixées par la réglementation européenne. Cette note n’est que de 5,9 sur 10. « Le marché pourrait s’organiser en faisant émerger de nouveaux métiers, imagine Pauline Koch. Des acteurs pourraient par exemple se spécialiser dans l’acquisition d’actifs décotés à remettre aux normes. Ce scenario, un peu spéculatif, se base sur une tendance : d’un côté, des actifs verts qui bénéficient d’une prime sur le marché, de l’autre, des actifs qui risquent d’être extrêmement dépréciés. »