Voilà un dossier toujours aussi brûlant et flou. En témoigne le rapport d'évaluation qui se fait toujours attendre, plus d'un an après une première mouture non rendue publique mais très critique. Dès lors, difficile de dresser un bilan de l'article 64 de la loi Elan qui, en novembre 2018, a réduit l'exigence d'accessibilité à 20 % des logements dans les constructions neuves, les 80 % restants devant être simplement évolutifs. « Sur la base des déclarations de promoteurs, la réglementation est respectée », assure Didier Bellier-Ganière, délégué général de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). Tout juste reconnaît-il « quelques surcoûts, mais compliqués à déterminer ». Prévues par la loi Elan ou prises dans son sillage, trois mesures visaient, elles, à faciliter le logement des personnes en situation de handicap.
Le « zéro ressaut », point de blocage. Objet d'une longue bataille, la douche zéro ressaut, obligatoire depuis 2021, ne convainc toujours pas côté construction. « Difficile à réaliser, cet équipement est source de dégâts des eaux, affirme Didier Bellier-Ganière. Et le surcoût est de l'ordre de 3 000 euros. » Il s'agit pourtant d'une des seules avancées, selon les associations représentatives des personnes handicapées. « Nous n'avions aucun doute sur le fait que cela ne posait aucune difficulté et ne provoquait pas plus de dégâts des eaux. L'expérience prouve que nous étions dans le vrai. Il existe même un guide à destination des constructeurs », défend Pascal Bureau, représentant du conseil d'administration de APF France Handicap.
Autre changement obtenu par les associations : l'obligation de prévoir des ascenseurs dès le R + 3 (au lieu du R + 4). Difficile là encore d'en mesurer les effets. Si la Fédération des ascenseurs a recensé un volume de ventes en baisse entre 2021 et 2023, les crises sanitaires et immobilières sont passées par là. La nouvelle contrainte a-t-elle été contournée par le développement de constructions en R + 2, avec duplex ? « Ce ne sont pas les ascenseurs qui déterminent la hauteur des immeubles, mais les règles de densité prévues dans les plans locaux d'urbanisme », avance Didier Bellier-Ganière.
Mystère également concernant les « travaux simples », prévus par la loi Elan et destinés à « garantir l'accessibilité ultérieure de l'unité de vie ». « Non seulement, chaque année, nous perdons des habitations accessibles, mais organiser une évolution dans un logement neuf est très complexe, parfois irréalisable et cher », dénonce Pascal Bureau. Et Vincent Assante, président de l'Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteurs (ANPIHM), de renchérir : « Parler de “travaux simples” alors qu'il s'agit de casser des cloisons, de faire appel à plusieurs corps de métier, de piloter le chantier, c'est une escroquerie sémantique. » Des collectivités avaient affiché leur volonté de maintenir un objectif d'accessibilité universelle de 100 % pour les constructions neuves dans leurs parcs HLM et privé. « A travers les financements que nous apportons aux logements sociaux et les agréments que nous demandons, nous nous sommes assurés de la mise en œuvre de cette orientation, y compris lors des réhabilitations, affirme Nicolas Glière, directeur habitat au sein du département urbanisme et habitat de Nantes Métropole. Pour financer les surcoûts, nous accordons une aide de 3 000 euros pour l'accessibilité des logements neufs et fléchés dans la loi d'adaptation de la société au vieillissement [en vigueur depuis 2016, NDLR]. » Mais l'objectif semble difficilement atteignable dans le parc privé, une simple incitation ayant peu de poids dans un contexte de crise immobilière.
Des collectivités ont affiché leur volonté de maintenir un objectif d'accessibilité universelle de 100 %.
Positions irréconciliables. Autre point noir : la répartition des 20 % d'accessibilité dans les logements lors de la construction d'un immeuble, au gré du maître d'ouvrage. Or la taille des biens concernés et leur emplacement ne correspondent pas forcément aux besoins et envies des personnes en situation de handicap. Par ailleurs, comment s'assurer que ces lots leur sont in fine vendus ou loués ? « Les appartements sont réservés au fur et à mesure que les clients viennent les voir, donc aussi à des personnes valides », constate Vincent Assante. « Souvent, les logements accessibles sont acquis par des bailleurs sociaux, ce qui est une bonne chose, mais pas forcément par des personnes handicapées, en raison d'un niveau de vie insuffisant », abonde Didier Bellier-Ganière.
Autant de points qui expliquent, en 2025, des positions toujours irréconciliables sur le sujet. Les associations dénoncent une régression et demandent un retour au 100 % accessible, à l'instar d'une récente proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale par La France Insoumise. Le secteur du bâtiment, lui, s'y oppose et veut même aller plus loin. « Il faudrait raisonner en “logement 100 % évolutif”, qui permet une plus grande liberté de choix et une adaptation au handicap de la personne », soutient Didier Bellier-Ganière. Le gouvernement, timide sur le dossier, a simplement promis la création cette année d'un label pour repérer le niveau d'accessibilité du parc privé, lors du dernier Comité interministériel du handicap. La FFB, qui estime le surcoût global de l'accessibilité compris entre 2 à 5 %, n'a pas donné suite à nos sollicitations.