En février dernier, le chantier Eole a franchi une étape importante avec la fin du creusement du tunnel entre Nanterre et Haussmann-Saint-Lazare. Où en sont les travaux sur ce premier tronçon du prolongement du RER E vers l'ouest ?
Le génie civil du tunnel de 8 km entre les futures gares de Nanterre, dans les Hauts-de-Seine, et d'Haussmann-Saint-Lazare, à Paris, est aujourd'hui entièrement achevé et le tunnelier a été démonté et évacué. Entre Nanterre et Porte-Maillot, les travaux d'équipement de l'ouvrage (voies, caténaire, signalisation ferroviaire) devraient se terminer d'ici à l'été.
Au même moment devrait débuter la pose des voies entre Porte-Maillot et Haussmann-Saint-Lazare. Pour le reste, le génie civil de la gare de La Défense prendra fin en juin mais l'entreprise, Vinci Construction, ne quittera définitivement le site qu'en octobre. A Porte-Maillot, le terrassement des deux niveaux inférieurs dans la partie de la gare à ciel ouvert se poursuit [l'autre partie de la gare située sous l'avenue de la Grande Armée a été creusée en traditionnel, NDLR].
Cette phase-là, y compris la construction du radier, s'achèvera à l'été. Il restera alors à réaliser les quais. La gare Porte-Maillot constitue vraiment la zone la plus complexe du chantier Eole.
Pour quelles raisons ?
L'une des grandes difficultés tient au peu de volume dont nous disposions pour la construire. Il a fallu la glisser au chausse-pied en évitant les impacts sur la ligne 1 du métro. Ensuite, le choix du tracé définitif du tramway T3, différent de celui envisagé initialement, nous a obligés à modifier l'emplacement de l'entrée principale de la gare, à créer de nouvelles circulations intérieures et un nouvel espace de correspondance, l'ensemble représentant presque 10 % de surface supplémentaire. Enfin, nous avons dû engager les travaux de second œuvre avant même l'achèvement du génie civil, qui a pris du retard notamment à cause du Covid-19. Et très prochainement, nous lancerons les lots architecturaux. Il faut gérer toute cette co-activité.
Les contraintes ont-elles été aussi fortes sur le chantier de la gare de La Défense ?
A La Défense, la principale complexité technique a résidé dans la reprise en sous-œuvre du CNIT. Tout en maintenant le bâtiment en exploitation, nous l'avons posé sur des fondations provisoires le temps d'excaver le volume de la gare et de construire l'enceinte. Cela a représenté un défi technique incroyable ! Les travaux se sont bien passés : nous n'avons recensé quasiment aucun impact sur les bâtiments avoisinants. En revanche, nous avons rencontré des difficultés imprévues liées à la qualité très hétérogène des bétons de certains poteaux porteurs des immeubles du CNIT et qui, du fait d'un ferraillage assez aléatoire, étaient très friables.
Chaque pilier concerné est devenu un ouvrage à part entière. Nous avons dû déterminer au cas par cas les solutions à mettre en œuvre pour les consolider et pris pas mal de retard.
A Porte-Maillot, quels aléas techniques avez-vous rencontrés ?
Le principal imprévu est venu du rabattement de la nappe souterraine. Nous avions beau pomper l'eau dans les sables, elle n'arrivait pas ! Finalement, nous avons dû installer des puits filtrants au plus près, et même dans le chantier, pour réussir à faire baisser la nappe phréatique, avec là aussi des conséquences en termes de délai.
Quand les travaux du tronçon Haussmann-Saint-Lazare/ Nanterre doivent-ils se terminer ?
Nous visons la fin de tous les travaux en juin 2023.
Nous débuterons alors la phase d'essais puis la marche à blanc en vue d'une mise en service au second semestre 2023.
Le projet Eole, y compris la seconde phase jusqu'à Mantes-la-Jolie, elle aussi en travaux, pourrait coûter 5,4 Mds€, soit 1,7 Md€ de plus que prévu. La région a d'ailleurs mis en place une mission d'information et d'évaluation sur ce surcoût. Comment l'expliquez-vous ?
J'ai déjà évoqué plusieurs raisons : les aléas techniques, la modification de certains programmes comme le tracé du T3 alors que nous étions en train d'attribuer le marché de génie civil à Bouygues TP. Les travaux d'Eole ont aussi démarré avec deux ans de retard, en 2016, car le financement n'était pas bouclé, avec deux conséquences : le maintien des équipes en place pendant toute cette période et l'occupation du niveau C du CNIT une anné de plus, car la décision avait été prise de le fermer en juillet 2015. Il faut aussi mentionner les provisions pour risques et aléas s'élevant à 7 % du coût global du projet, alors que la Cour des comptes dans son rapport de 2017 sur le Grand Paris Express a indiqué que pour des chantiers de cette ampleur, elles devaient atteindre 30 %.
Aujourd'hui, où en est le dossier ?
Le préfet de région a pris les choses en main. Nous avons présenté l'ensemble des justificatifs à nos financeurs (région Ile-de-France, Ville de Paris, départements des Hauts-de-Seine et des Yvelines et Société du Grand Paris). Tout le monde partage le même objectif : faire en sorte que ce coût additionnel ne bloque pas la poursuite du projet. Les choses avancent. En avril, un premier accord portant sur 650 M€ a été trouvé entre les financeurs, dont 135,5 M€ d'apport du groupe SNCF. Les discussions continuent, nous sommes certes très audités, très contrôlés mais confiants. La perspective de se dire que, dans un peu plus d'un an, on roulera en train dans le tunnel entre Haussmann-Saint-Lazare et Nanterre est plutôt satisfaisante.