Réforme des marchés publics Fiche pratique n°1 Les nouveaux seuils

La réforme des 17 et 19 décembre 2008 relève, en les simplifiant, les seuils de publicité et de procédure du Code des marchés publics. Le souci de doper la dématérialisation a abouti au maintien du seuil national de 90 000 euros qui devait être supprimé. Quant aux marchés de travaux, ils peuvent désormais être conclus à l’issue d’une procédure adaptée jusqu’à 5 150 000 euros.

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Le seuil de 4 000 euros est-il remplacé par le seuil de 20 000 euros ?

Oui. Le seuil de 4 000 euros, en deçà duquel aucune publicité ni aucune mise en concurrence ne sont nécessaires, est remplacé par un seuil de 20 000 euros. Cela devrait simplifier la pratique quotidienne des acheteurs publics pour tous les achats isolés, ou pour ceux de faible montant qui n’atteignent pas 20 000 euros par catégorie homogène ou par opération.

Il est en effet important de rappeler que le relèvement de ce seuil ne modifie pas les modalités de calcul du montant des achats à comparer aux seuils. Ce montant est, et reste, défini à l’article 27 du Code.

En pratique, cela facilitera la pratique des petites communes, et celles des acheteurs plus importants, pour des achats de très faible montant non répétitifs.

Attention toutefois, les achats inférieurs à 20 000 euros peuvent être dispensés de publicité et de mise en concurrence, mais ce sont quand même des marchés publics. Ils restent soumis au droit commun de la commande publique et en particulier aux principes définis à l’article 1er du Code : liberté d’accès aux marchés publics, égalité de traitement des candidatures, transparence des procédures. De même, ces petits achats sont soumis aux objectifs définis par le Code : bon usage des deniers publics et prise en compte des objectifs du développement durable. Ces deux objectifs valent pour tous les achats des pouvoirs adjudicateurs, quel qu’en soit le montant. Les règles relatives aux avenants, au bouleversement de l’économie du marché ou aux modalités de paiement ont également vocation à s’appliquer.

Et rien n’empêche le juge pénal de constater, le cas échéant, l’octroi d’un avantage injustifié à une entreprise (plus communément appelé « favoritisme »). Ce délit, défini et réprimé à l’, expose son auteur à deux ans d’emprisonnement, à une peine d’amende et à une inéligibilité automatique (art. L. 7 du Code électoral), sauf à obtenir du juge un relèvement de peine.

L’entreprise bénéficiaire encourt les mêmes peines que l’auteur principal au titre du délit de recel, ou au titre de la complicité de favoritisme si elle a commis des actes positifs l’exposant aux mêmes poursuites que l’acheteur. La complicité peut être invoquée, par exemple, lors de l’utilisation injustifiée d’une procédure négociée sans mise en concurrence, d’un commun accord entre l’acheteur et l’entreprise. À ces peines peut s’ajouter pour l’entreprise l’interdiction d’obtenir des marchés publics.

Rappelons que le délit de favoritisme ne suppose pas le versement de sommes occultes en échange d’un marché, auquel cas il y aurait corruption, un délit beaucoup plus grave. Le délit de favoritisme peut donc consister, tout simplement, à favoriser les entreprises de la région parce qu’elles sont implantées localement.

La souplesse apportée par le relèvement du seuil « hors procédure » à 20 000 euros ne doit donc pas faire oublier rigueur et discernement, en deçà et au-delà de ce seuil. Deux qualités indispensables en la matière.

Le seuil de 90 000 euros est-il supprimé ?

Finalement, non. Le seuil de 90 000 euros est un seuil propre au code français, puisque le seuil européen le plus bas est de 133 000 euros. Dans son discours du 4 décembre 2008, prononcé à Douai, Nicolas Sarkozy avait évoqué la suppression de ce seuil, avec l’objectif avoué d’un alignement pur et simple du code français des marchés publics sur les seuils européens. Cette idée, qui revient de temps à autre, trouve son origine dans le rapport du groupe de travail sur la révision générale des politiques publiques (RGPP) dirigé par le sénateur Alain Lambert.

En dépit de la facilité qui consisterait à calquer le code français sur les directives communautaires, cette idée est en fait assez difficile à mettre en œuvre. En effet, lors de l’élaboration de la deuxième vague de directives sur les marchés publics au niveau européen, dans les années 80, la France comportait autant de communes (36 500) que l’ensemble des 14 autres Etats membres réunis. Ainsi, l’ancienne République fédérale d’Allemagne ne comptait alors que 9 000 communes pour une population équivalente à celle de la France. Afin d’éviter ce curieux avantage arithmétique, la France s’est dotée de seuils un peu moins élevés que les seuils européens.

Le seuil de 90 000 euros, qui subsiste à l’issue de la réforme, a désormais une double caractéristique : tout d’abord, son dépassement impose la publication d’un avis d’appel public à la concurrence (AAPC) dans un ou plusieurs supports déterminés à l’aide d’un formulaire ; ce sont les mêmes formalités qu’auparavant.

Ensuite, son franchissement imposera, à partir de 2010, la mise en ligne de l’AAPC, ainsi que du dossier de consultation des entreprises (DCE) sur un « profil d’acheteur », en sus des obligations actuelles. Bercy définit le profil d’acheteur comme étant la plate-forme de dématérialisation du pouvoir adjudicateur.

Y a-t-il d’autres seuils supprimés ?

Oui. La possibilité de recourir à la procédure adaptée pour les lots inférieurs à 80 000 euros dans le cas des marchés de travaux d’un montant inférieur à 5 150 000 euros est supprimée (art. 27 III). Idem pour le recours à la procédure adaptée pour les lots inférieurs à 1 000 000 euros, lorsque l’opération est supérieure à 5 150 000 euros.

Les supports de publication des avis sont-ils modifiés ?

Non. À partir de 20 000 euros et jusqu’à 90 000 euros, l’acheteur a l’obligation de publier un avis et d’organiser une mise en concurrence, mais il lui appartient d’organiser sa procédure de manière à ce qu’elle soit adaptée à l’objet du marché, à ses caractéristiques et à son montant. En d’autres termes, il n’y a pas de forme imposée dans cette tranche.

À partir de 90 000 euros, l’acheteur doit respecter un formalisme assez précis. Il doit publier un avis dans un journal local d’annonces légales (JAL) ou au « Bulletin officiel des annonces de marchés publics » (BOAMP) et dans la presse spécialisée dès que c’est « nécessaire ».

A partir du 1er janvier 2010 et au-dessus de 90 000 euros, il devra également mettre en ligne cet avis sur un « profil d’acheteur », c’est-à-dire sur sa plate-forme de dématérialisation. Mais cette formalité nouvelle ne peut être considérée comme une modalité de publicité au sens du Code. Il s’agit plutôt d’une information complémentaire, donnée à ceux qui accèdent à la plate-forme de dématérialisation de l’acheteur pour soumissionner.

En tout état de cause, le droit communautaire impose, même en dessous des seuils européens, le respect d’un « degré de publicité adéquat ».

À partir des seuils européens {5 150 000 euros pour les travaux et 206 000 euros pour les fournitures et services (133 000 euros pour l’Etat)}, ce sont d’autres règles plus formelles encore qui s’appliquent. A partir de ces seuils, le pouvoir adjudicateur a l’obligation d’utiliser les formulaires d’avis de marché communautaires, de publier au JOUE, au BOAMP et dans la presse spécialisée si nécessaire, ainsi que sur son profil d’acheteur à partir de 2010.

Enfin, la publication d’un avis d’attribution n’est plus obligatoire pour les travaux des pouvoirs adjudicateurs (art. 85) et des entités adjudicatrices (art. 172) compris entre 206 000 euros et 5 150 000 euros. Toutefois, la décision du Conseil d’État du 16 juillet 2007, « Soc. Tropic travaux signalisation », impose « l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation ». Si un tel avis est publié, le recours « Tropic » est fermé au bout de deux mois. Sinon, le risque contentieux sera maximal…

Que dit la jurisprudence en matière de publicité adaptée ?

Le juge a été amené à préciser à plusieurs reprises les dispositions relatives au choix du support de publicité s’agissant des procédures inférieures aux seuils européens.

D’abord, il juge que la publication dans un journal régional à forte audience, et sur le site Internet du pouvoir adjudicateur, est insuffisante pour un marché de 35 000 euros en raison de l’objet du marché. Celui-ci concernait en effet un projet prestigieux et, surtout, les entreprises susceptibles d’être candidates étaient situées pour la plupart en dehors de la région (CE 7 oct. 2005, « Région Nord- Pas-de-Calais »).

Ensuite, il considère que la publication dans deux journaux locaux d’annonces légales est insuffisante à elle seule pour un marché de travaux de trois millions d’euros (TA Montpellier, 14 mars 2006, « Soc. Azur BTP »). Là encore, la diffusion était trop restreinte géographiquement.

Enfin, il juge que le choix des supports doit être adapté à la nature de la concurrence entre les opérateurs, et en particulier à l’intensité de la concurrence sur le marché pertinent. Ainsi en a décidé le tribunal administratif de Mamoudzou dans une ordonnance du 2 mai 2006, « Soc. Réunion Villes propres ».

En définitive, la régularité de la publicité repose de plus en plus sur deux éléments indissociables : la légalité de la publicité et son efficacité. L’efficacité se mesure par la capacité de la publicité à atteindre la cible choisie, et non pas par une audience forte non ciblée, ou ciblée uniquement sur une base géographique.

Pour les marchés publics, l’efficacité de la publicité, c’est sa capacité à atteindre les entreprises susceptibles d’être candidates, quel que soit le lieu où elles se situent.

TABLEAU : les seuils de publicité et de procédure (voir pdf)

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