Publiée en août 2015, la loi pour la transition écologique pour la croissance verte (TECV) fixait des objectifs de recyclage pour plusieurs domaines de la vie économique, notamment pour les chantiers de travaux routiers.
L’article 79 stipulait ainsi qu’au plus tard en 2020, l’Etat et les collectivités territoriales devaient s’assurer qu’au moins 70% des déchets produits sur les chantiers de construction ou d’entretien routiers dont ils assumaient la maîtrise d’ouvrage soient réorientés ou réemployés. Elle imposait également à ces derniers de réutiliser au moins 60% de la masse totale des déchets qu’ils produisent et à les réemployer dans une proportion d’au moins 30% pour les couches de roulement des enrobés routiers, voire jusqu’à 20% dans les couches de surface.
Objectif partiellement atteint
Quatre ans après la publication de cette loi, où en est-on de ces objectifs ? Dans son bilan environnemental annuel, la fédération Routes de France estime qu’en moyenne, sur l’ensemble du territoire français, le taux de réintroduction des agrégats d’enrobés était de 17% en 2019, tout type de couche routière confondue. C’est 3% de plus qu’en 2015 (13,9%), mais moins qu’en 2018 (18,1%). « De manière générale, nous observons que la tenue des objectifs ne s’est pas significativement améliorée. Elle a même diminué entre 2018 et 2019 », confirme Brice Delaporte, directeur adjoint aux affaires techniques chez Routes de France.
Dans le domaine de l’exemplarité environnementale, les profils des maîtres d’ouvrages restent finalement très hétérogènes, l’application des textes s’appuyant essentiellement sur la bonne volonté de chaque institution. Précurseur, le département de la Seine-et-Marne (77) a mis en place depuis plusieurs années un outil pour superviser le bilan environnemental des travaux routiers menés à l’échelle de son territoire. Ce suivi strict a permis au département de tenir en grande partie les objectifs fixés par la loi TECV, excepté pour le réemploi des couches de surface, qui se situe autour de 12%. Ce dernier résultat s’explique à la fois par les difficultés rencontrées pour recycler les enrobés, faute de gisements locaux issus du rabotage des anciens chantiers (lire encadré), et par le fait que les guides techniques n’ont pas encore été mis à jour.
Trouver des outils de collecte et d’analyse
Au niveau du département 77, quantifier et vérifier l'atteinte des objectifs n’a pas été une mince affaire : « les règles de calculs pour vérifier que nous tenions les objectifs ont été compliquées à trouver dans les textes de loi. Je n'en ai trouvé qu'une seule, à l'annexe III de la décision n° 2011/753/UE. Cette règle de calcul concerne l'objectif de réemploi, recyclage ou autre forme de valorisation à 70% des matières et déchets produits sur les chantiers routiers. Par ailleurs, dans l'article 79 de la LTECV, le circuit de collecte des données est flou et aucun interlocuteur à qui s'adresser sur ce sujet n'est identifié », témoigne Laura Andrieux, cheffe de l’unité sols technique et chaussées du Cerema, qui a accompagné le réseau Ensemble 77 dans la mise en œuvre de ce suivi environnemental.
Du côté des acteurs routiers, le constat reste similaire à celui effectué par la cheffe d’unité. « L’Etat publie une loi, mais il ne mets pas d’outil à disposition des intervenants pour suivre et assurer la faisabilité de cette dernière. Or, il nous faut des outils de collecte de données et d’analyse si nous voulons recycler davantage », regrette Brice Delaporte. Le constat est là : pour l'heure, aucun rapport officiel n’existe pour quantifier la tenue de ces objectifs, faute de méthode pour l’estimer.
Joint par le Moniteur, le ministère de la Transition écologique n’a pas encore donné suite à nos sollicitations. De son côté, l’Association des départements de France (ADCF) reconnait « ne pas avoir fait d’enquête sur ce sujet ». « En revanche, nous savons que des départements se sont particulièrement investis en lien avec les objectifs de la convention d’engagement volontaire qui fixait des stratégies pour une route durable […] seuls les départements eux-mêmes ont des informations sur ces objectifs », précise l’institution.
Nouveau pacte d'engagement
Initiée en 2009, la convention d’engagement volontaire fixait en effet déjà un but de réemploi ou de valorisation de 100% des matériaux géologiques naturels excavés sur les chantiers. Plusieurs départements se sont depuis lors appuyés sur ces conventions pour fixer leur stratégie de recyclage au niveau national, et ce bien avant la publication de la loi TECV.
A fin 2020, un nouveau texte doit prendre la relève de cette convention. Nommé « le pacte d’engagement des acteurs des infrastructures de la mobilité », il doit offrir aux acteurs davantage de visibilité sur les chiffres de ce recyclage : « l’un de nos buts reste, à moyen terme, que les maîtres d’ouvrages partenaires du pacte d’engagement nous fassent remonter par l’intermédiaire de l’Observatoire national de la route leurs chiffres sur le suivi environnemental de leurs chantiers routiers. Cela permettrait d’avoir une meilleure visibilité de la tenue des objectifs sur le plan national, même si encore une fois cette démarche ne reposera que sur la bonne volonté et sur l’engagement des acteurs. Nous voulons croire que montrer l’exemple pourra inspirer les autres », espère Patrick Porru, responsable des affaires techniques à l’Iddrim.