Ali se souvient de ses cinq années d’études universitaires à Madagascar, de ses années d’enseignant en physique-chimie aux Comores : « Je voulais faire de la chimie pharmacocinétique (étudier le devenir d’une substance après son administration dans l’organisme, ndlr) ou cosmétique. Avec la cosmétique, j’avais le projet de transformer des plantes locales. » Trop d’arriérés d’un salaire très modeste l’ont poussé sur les routes de l’exil avec une idée : enseigner ailleurs.
En septembre?2018, il se retrouve en France et s’inscrit en parcours Didactique des Sciences expérimentales en chimie à Paris VII, mais est contraint d’abandonner pour des raisons économiques : « Je devais subvenir aux besoins de ma famille restée sur place et j’avais un loyer à payer », explique-t-il. Par le bouche à oreille, il trouve, en 2020, du travail au sein de l’entreprise La Fenêtrière, implantée à Champigny (Val-de-Marne). Un univers radicalement différent : « Tout était nouveau, mais j’étais curieux, ça ne demandait qu’un peu de calcul logique et je maîtrisais la langue », explique Ali, qui débute comme aide-menuisier et dit « avoir été accompagné collectivement ». Il commence par souder du PVC mais, rapidement, intervient sur le montage, la coupe ou le vitrage. Catherine Guerniou, PDG de La Fenêtrière et responsable environnement à la FFB, l’a accueilli mais aussi soutenu face à l’adversité : « On ne quitte jamais son pays par plaisir, lance-telle. Pendant huit mois, Ali avait une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) au-dessus de sa tête. On ne se lève pas de la même manière tous les matins avec cette menace. En décembre?2021, je l’ai accompagné au tribunal parce que si, en tant qu’employeur, je paie des charges, lui aussi contribue à la solidarité nationale. Ce fut une épreuve pour Ali, pour l’équipe, pour nous tous. S’il fallait le refaire, je n’hésiterai pas. »
L’entreprise a mis en place une Action de formation en situation de travail et Ali a appris les techniques « maison ». En 2022, l’aide-menuisier est devenu menuisier et se dit satisfait de sa polyvalence. Lui, pour qui l’activité de menuiserie a constitué une planche de salut, comprend mal le peu d’attrait du secteur auprès des jeunes, qui « ne perçoivent que le côté physique et pas celui du savoir-faire ». Même si, de temps à autre, à 36 ans, l’idée de finaliser un jour sa soutenance universitaire lui traverse l’esprit, désormais, Ali, délégué du personnel et membre titulaire au CSE, « aime la menuiserie ». Une richesse pour la filière.