Le 29 septembre dernier, l’association des acteurs de la filière du gaz - Coénove - annonçait avoir saisi le Conseil d’Etat et déposé une requête s’attaquant aux dispositions portées par la RE 2020 en matière de recours au gaz. Si la démarche est louable car le biogaz s’inscrit parfaitement dans la philosophie de la RE 2020, cela fait peser le risque d’un nouveau report de la mise en application de cette nouvelle réglementation environnementale très attendue par toute la filière de la construction. Cela témoigne également d’un échec en matière de concertation de l’ensemble des parties prenantes, échec qui risque de porter préjudice à l’ensemble des professionnels concernés.
Le biogaz, une filière déterminante
Fruit de la volonté du gouvernement de diminuer l'empreinte carbone des bâtiments et d’en améliorer la performance thermique, la Réglementation Environnementale 2020, qui devait initialement entrer en vigueur au 1er janvier 2020, devrait finalement entrer en application le 1er janvier 2022. Les multiples reports et modifications de cette nouvelle réglementation témoignent du caractère crucial qu’elle revêt pour l’ensemble des parties prenantes de la filière du bâtiment et de la construction qui n’ont cessé d’en redéfinir les contours à l’aune des enjeux du moment : canicules, confinement, dégradation de la qualité de l’air, etc.
Ce nouveau rebondissement que constitue la saisine du Conseil d’Etat par Coénove met en exergue l’échec de la mise en place d’une réelle concertation entre l’ensemble des parties prenantes et met une nouvelle fois en péril la mise en application de cette nouvelle réglementation qu’il est désormais plus qu’urgent de faire aboutir. Comment une filière aussi déterminante que celle du biogaz a-t-elle pu être négligée alors même que les enjeux énergétiques sont au cœur du dispositif et des ambitions portées par le gouvernement ?
Il convient d’en tirer les leçons pour l’avenir et de faire en sorte que les dispositifs de concertation soient désormais renforcés au service de l’efficacité de la transformation d’un secteur – celui du bâtiment et de la construction – qui cristallise nombre d’enjeux stratégiques sur le plan économique, environnemental et sociétal.
Une urgence : accélérer la transition écologique de la construction
Car s’il est compréhensible et même louable que les acteurs du gaz aient saisi le Conseil d’Etat, dernier recours pour tenter d’être entendus, il ne faudrait pas que cela retarde encore davantage l’entrée en vigueur de cette réglementation qui ne cesse d’être repoussée. Diminuer l’impact environnemental du bâtiment neuf, améliorer sa performance énergétique et protéger les occupants des changements climatiques en cours : autant d’ambitions portées par la RE2020 qui ne peuvent plus attendre que les multiples recours aboutissent et que les décisions soient rendues.
Par ailleurs, il faut noter que si certains renâclent encore, d’autres acteurs très engagés vont déjà bien plus loin dans la prise en compte des critères environnementaux que ce qui est prévu dans le cadre de cette nouvelle réglementation, si nous repoussons encore son entrée en vigueur le risque est grand de générer un système à deux vitesses qui créerait un fossé entre les acteurs en pointe sur le sujet et ceux qui n’ont pas les moyens ou les ambitions d’accélérer la transition. Cette RE2020 doit être vu comme un levier à l’innovation et à la R&D pour accélérer le processus de transition.
Pour une mise en application pragmatique de la RE2020
Comment dès lors satisfaire les parties prenantes qui ont le sentiment de ne pas avoir été suffisamment écoutées tout en garantissant la fin du report de l’entrée en vigueur de la RE2020 ? Tout simplement en adoptant une posture « souple » et non dogmatique qui consisterait à accepter que cette nouvelle règle n’est certainement pas parfaite en l’état et qu’elle devra évoluer avec son temps tout en intégrant progressivement les innovations et la dégradation de la situation environnementale. Certaines concertations ont échoué au moment de la conception, tâchons d’apprendre de nos erreurs et de nous donner les moyens de réussir la mise en application. Peut-être tout simplement en appliquant la loi ESSOC, qui rappelons-le, prévoit de ne refuser aucune solution, de quelque filière que ce soit, dès lors que cette solution aurait fait la preuve d’une performance équivalente ou supérieure à celle décrite dans la réglementation.
Enfin, l’arbre ne doit pas cacher la forêt, la RE2020 n’est qu’une étape dans la transition écologique du secteur du bâtiment. Pour que celle-ci soit complète, de nombreux chantiers nous attendent, par exemple, le label RE2020, l’intégration de la biodiversité, la normalisation européenne du calcul de l’ACV dynamique, la vérification des résultats après chantier, ou encore la rénovation des bâtiments existants.