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RE 2020 Tertiaire : ce que prévoit l’administration, ce que demande le secteur

Le projet de décret de la RE 2020 s’appliquant aux immeubles de bureaux et aux bâtiments d’enseignement est en cours de discussion dans le cadre du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique. Le Moniteur fait le point sur les règles du jeu fixées par l’administration. Et les demandes d’amendements des représentants du bâtiment.

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La Défense Paris quartier
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L’été ne sera pas de tout repos pour les professionnels du bâtiment. Ces derniers travailleront sur la Réglementation Environnementale 2020 (RE 2020) dédiée aux bâtiments tertiaires, actuellement en discussion dans le cadre du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE). Seuls les bureaux et les immeubles d’enseignement sont concernés par le projet de décret. Ce n’est pas une surprise car le gouvernement avait en effet annoncé dès novembre 2020, lors de la présentation des enjeux de la RE 2020 au grand public, que « les bâtiments tertiaires plus spécifiques feront l’objet d’un volet ultérieur de la réglementation ».

Réunis le 6 juillet dernier, les membres du CSCEE n’ont pas rendu d’avis sur le texte qui leur a été soumis. Les points de blocages étant trop nombreux, l’avis aurait sans doute été défavorable. Ce que personne – gouvernement et professionnels – ne souhaite alors que la séquence qui s’ouvre est éminemment politique à quelques mois de l’élection présidentielle, puis de la présidence de l’Union Européenne par l’Hexagone. Les membres du CSCEE travailleront donc durant toute la période estivale, pour tenter d’apporter de nouveaux amendements au projet de décret d’ici le 14 septembre, date de la prochaine réunion du CSCEE.

Discussions sur la date d’entrée en vigueur

Premier point de négociation : la date d’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation. Pour un fin connaisseur du dossier, « il semblerait que la ministre déléguée au Logement Emmanuelle Wargon soit très attachée à la date du 1er juillet 2022 ». A ce moment-là, la France présidera l’Union Européenne. L’entrée en vigueur de la RE 2020 pour le tertiaire serait un signal fort donné à l’ensemble des pays membres de l’espace communautaire, qui réfléchiront au déploiement du paquet climat proposé le 14 juillet 2021 par la commission européenne. Il s’agit d’une série de propositions visant à réduire les émissions carbone de l’UE d’ici à 2050, qui inclurait le secteur du Bâtiment dans le marché d’échange carbone. Une mesure qui ne convainc pas l’Elysée.

Interrogé sur la date de publication des textes, le ministère du Logement table « sur la fin de l’année 2021 ou le début de l’année 2022 ». Pas de quoi satisfaire les professionnels, qui militent pour une entrée en vigueur 18 mois après la publication des textes. « Car les projets dont le permis de construire sera déposé à partir du 1er juillet 2022 sont déjà dans les tuyaux, les équilibres économiques sont trouvés, appliquer la RE 2020 à ces opérations engendrerait des surcoûts importants », s’étrangle un expert du bâtiment. Actuellement, le Groupe des Huit (1) , du nom des huit organisations représentant la maîtrise d’ouvrage, la maîtrise d’œuvre et les entreprises au CSCEE qui ont fait bouger les lignes sur la RE 2020 appliquée au résidentiel, n’ont pas encore pu évaluer les surcoûts.

Les façades rideaux oubliées !

S’il y a une erreur à retenir des discussions sur la RE 2020, c’est que les façades rideaux ont été oubliées des toutes premières modélisations effectuées par l’administration ! « La discussion a eu lieu dans le cadre du CSCEE, les propositions ont été retravaillées et les façades rideaux sont désormais bien intégrées. Elles passent les niveaux de la RE2020 à condition d’être très performantes », tente d’apaiser un professionnel. Plus critique, un autre expert déplore que « l’administration se soit penché sur le tertiaire, en se cantonnant aux bâtiments éducatifs. Pour l’instant, la plupart des immeubles avec une façade rideau ne passe pas les objectifs de la RE 2020, notamment dans les petits bâtiments ».

Pour respecter les objectifs Bbio, les immeubles dotés d’une façade rideau devront embarquer des brise-soleil orientables. Problème : ils plombent le poids carbone de l’immeuble. « Ajouter ces éléments en façade représente 150 kg Co2 eq./m² », calcule à la louche un expert. Pour sauver les façades rideaux, le Groupe des Huit propose d’augmenter le niveau de CO2 de l’Indice Carbone Construction (IC Construction) pour tous les immeubles de bureaux. Actuellement, le texte le fixe à 950 kg eq. CO2 dès 2022, contre 940 dans la toute première version du texte. Insuffisant pour le Groupe des Huit, qui souhaite le voir progresser de 90 kg. Et de moduler le poids carbone des brises-soleil de 100% quelle que soit la zone climatique. En complément, le Groupe des Huit propose de réduire l’indicateur Bbio des bureaux à -10% par rapport à la RT2012, contre les -20% proposés par l’administration. « On ne dégradera pas trop fortement cet indicateur », prévient une source proche du dossier, (lire l’encadré pour en savoir plus sur le Bbio dans l’enseignement).

Test de perméabilité à l’air obligatoire

En l’état, le projet de décret prévoit de rendre obligatoire un test perméabilité à l’air pour les immeubles de moins de 3 000 m². Ces derniers devront atteindre un seuil réglementaire de 1,7 m³/(h.m²). Une surprise, puisque cet élément n’avait pas été évoqué durant la concertation. Rappelons que la RT 2012 prévoit bien ce niveau pour le tertiaire, sans imposer d’exigence de résultat. Cette valeur est prise par défaut dans les calculs thermiques.

La RE 2020 changerait ainsi la donne. Mais le Groupe des Huit s’y oppose et réclame le retrait de cette obligation pour tous les immeubles (bureaux et enseignements compris). Un défenseur de la mesure s’en étonne, « puisque ces tests permettent de vérifier que les règles de l’art ont bien été respectées ».

Des filières énergétiques exclues ?

Les discussions sur la RE 2020 se suivent et semblent parfois se ressembler. Alors que sur la partie résidentielle, les discussions s’étaient crispées autour de l’exclusion du gaz à cause de l’indicateur carbone énergie (IC Energie) trop ambitieux, le groupe des huit propose à nouveau de le relever pour le tertiaire. « Afin de permettre au biogaz d’être utilisé, et de favoriser les initiatives locales visant à valoriser les déchets d’autres industries et développer l’économie circulaire », explique un de ses membres.

Quand l’administration fixe à un seuil de 200 kg CO2 eq./m² dès 2022 et jusqu’en 2028 - sans créer de pente d’apprentissage donc - les représentants de la maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre et des entreprise militent pour un seuil à 280 kg en 2022. « L’administration pourrait décider de ne pas rouvrir la discussion close par la RE 2020 sur le Résidentiel », prévient un professionnel, qui oublie un peu rapidement que le gouvernement à ouvert la porte à la mise en place d'un régime spécifique visant à déployer des réseaux de chaleur. Mais un autre argument pourrait convaincre l’administration d’assouplir l’IC Energie. « Avec la pandémie, de très nombreux utilisateurs de bureaux demandent à surdimensionner les capacités de renouvellement d’air, ce qui consomme beaucoup d’énergie. Il s’agit là d’une exigence portée par des contraintes sanitaires », oppose un expert souhaitant garder l’anonymat.

Même demande pour les bâtiments d’enseignement qui ne sont pas raccordés à un réseau de chaleur urbain. Alors que l’administration prévoit un seuil à 240 kg CO2 eq./m² en 2022 et 140kg CO2 eq./m² en 2025, le groupe des Huit veut assouplir le premier palier de 2022 de 20% et adoucir la pente en fixant un seuil à 200 kg en 2025.

Le poids carbone des panneaux photovoltaïque capés dans certains cas

La loi Energie Climat impose aux immeubles de plus de 1 000 m² d’avoir une installation photovoltaïque en toiture. Une obligation lourde en carbone, qui sera donc capée : au-delà de 20 kg CO2 eq./m², le poids carbone ne sera pas pris en compte dans la comptabilité.

(1) Union sociale pour l’habitat (USH), Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), Union nationale des économistes de la construction (Untec), Union nationale des syndicats français d'architectes (Unsfa), Fédération française du bâtiment (FFB), Pôle Habitat de la FFB, les Scop du BTP et la Fédération des sociétés immobilières et foncières (FSIF).

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