COMMENTAIRE DU MONITEUR
Le ministère de l'Equipement avait constitué, en mai 1997, un comité de trois juristes chargé, dans le prolongement des réflexions menées en 1996 par les groupes de travail interprofessionnels, «de proposer toute solution permettant de circonscrire l'obligation d'assurance».
Ce comité, composé d'Hugues Périnet-Marquet, professeur à la faculté de droit de Poitiers, de Corinne Saint-Alary-Houin, professeur à l'université des sciences sociales de Toulouse, et de Maître Jean-Pierre Karila, avocat à la Cour d'appel de Paris, a remis son rapport aux pouvoirs publics le 18 décembre 1997.
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE :
ELEMENTS DE PRESENTATION
I. Etat du droit positif
A. Les dispositions législatives
B. Les difficultés d'application des textes
1) Lacunes des textes initiaux
2) Annulation de l'arrêté du 17 novembre 1978
3) Eléments de définition fournis par des textes non obligatoires
4) Développements de l'interprétation jurisprudentielle
a. Avant 1991
b. L'arrêt du 26 février 1991 et les «travaux faisant appel aux techniques de travaux du bâtiment»
c. L'arrêt du 26 mars 1996 et l'extension des techniques de travaux de bâtiments aux locaux autres que d'habitation
II. Positions des organismes professionnels intéressés
A. Positions relatives à la nécessité d'une intervention sur le domaine de l'assuance obligatoire
1) La tendance «non interventionniste»
2) Les tendances «interventionnistes»
B. Les modalités de l'intervention sur le domaine de l'assurance obligatoire
1) La nature de l'intervention
2) La technique d'intervention
a. Les voies de l'intervention
b. La technique rédactionnelle
DEUXIEME PARTIE :
ELEMENTS DE REFLEXION
I. Aspects économiques du problème
A Impact économique pour les maîtres d'ouvrage
B Impact économique pour les constructeurs
C. lmpact économique pour les assureurs
II. Aspects juridiques du problème
A. L'actuel champ d'application de l'assurance construction suscite-t-il des problèmes d'ordre juridique ?
B. Une modification des textes génèrerait-elle une insécurité juridique ?
TROISIEME PARTIE :
ELEMENTS DE PROPOSITIONS
I. Domaine d'une éventuelle clarification du champ de l'assurance construction obligatoire
A Les ouvrages de génie civil
B Les éléments d'équipement professionnel
II. Méthode d'une éventuelle clarification du champ de l'assurance construction obligatoire
III Contenu d'une éventuelle clarification du champ de l'assurance construction obligatoire
A Les modalités d .exclusion des éléments d'équipements professionnels
B Les modalités d'exclusion des ouvrages de génie civil
1) Exclusion par une définition positive
a) Inconvénients des définitions présentées
b) Recherche de définitions nouvelles
2) Exclusion par une définition négative
a) Coïncidence de principe des domaines respectifs de la responsabilité et de l'assurance construction
b) Détermination des ouvrages exclus du champ d'application de l'assurance obligatoire
RECAPITULATIF DES PROPOSITIONS FORMULEES
CONCLUSION
INTRODUCTION
1. Par une lettre du 13 mai 1997, Monsieur Claude Martinand, Directeur des affaires économiques et internationales du Ministère de l'Equipement, du Logement, du Transport et du Tourisme a constitué un comité de 3 juristes, composé du Professeur Hugues Périnet-Marquet, chargé de l'animer, du Professeur Corinne Saint-Alary Houin et de Maître Jean-Pierre Karila. Ce comité, créé en accord avec les Ministères de la Justice, et de l'Economie et des Finances, s'est vu reconnaître, comme mission, de poursuivre la réflexion engagée par les groupes de travail, en 1996, sur le champ d .application de l'assurance construction obligatoire et de proposer toute solution permettant de circonscrire l'obligation d'assurance, cette proposition devant servir de base à la discussion avec les professionnels en vue de la formulation d'une solution.
Les trois membres du comité, ayant accepté la mission qui leur était proposée, ont commencé leurs travaux au début du mois de juillet 1997.
2. Ils décidèrent d'auditionner tous les groupements professionnels ayant participé aux travaux du groupe de travail numéro 3. Furent ainsi entendus, les 8 et 9 juillet 1997 :
- la Fédération Nationale du Bâtiment (FNB) ;
- la Confédération des Artisans et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) ;
- le Syndicat National du Béton Armé et des Techniques Industrialisées (SNBATI) ;
- l'Union Nationale des Constructeurs de Maisons Individuelles (UNCMI) ;
- la Fédération Nationale des Travaux Publics (FNTP) ;
- la Fédération Nationale des Promoteurs Constructeurs (FNPC) ;
- l'Union Nationale des Fédérations d'Organismes H. L. M (UNFOHLM) ;
- la Fédération Nationale des Sociétés d'Economie Mixte (FNSEM) ;
- l'Institut National de la Consommation (INC) ;
- la Confédération Française des Experts Construction (CFEC) ;
- l'Association des Industries de Matériaux et Composants et équipements pour la Construction de Construction (AIMCC) ;
- la Fédération Française des Sociétés d'Assurance (FFSA) ;
- la Société Mutuelle Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP) ;
- la Mutuelle des Architectes Français (MAF) ;
- le Comité professionnel de la Prévention et du Contrôle technique dans I a construction (COPREC)
Les membres du comité eurent également des entretiens, au mois de septembre et au mois d'octobre 1997 avec M. Roger Beauvois, Président de la Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation et Madame Fossereau, Conseiller Doyen de cette même chambre, ainsi qu'avec Monsieur Sargos, Conseiller à la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation.
Des rencontres eurent également lieu avec le Ministère de l'Economie et des Finances (Direction du Trésor, Sous-direction des assurances), le Ministère de la Justice (Direction des affaires civiles, bureau du Droit immobilier), le Ministère de l'Equipement et des transports (DAEI, Sous-direction du Bâtiment et des Travaux Publics).
3. Ces diverses réunions et le travail de réflexion des trois membres du Comité aboutirent à la rédaction du présent rapport. Ce dernier décrit tout d'abord, de la manière la plus objective possible, l'état actuel de la jurisprudence et les positions respectives des organismes concernés dans une première partie intitulée «Eléments de présentation». Il apprécie ensuite, dans une deuxième partie intitulée «Eléments de réflexion», l'impact des solutions actuelles et la pertinence des opinions défendues par les parties en cause. Au vu de ces divers éléments, il tente de suggérer dans une troisième partie intitulée «Eléments de proposition», les clarifications qui lui semblent nécessaires.
PREMIERE PARTIE
ELEMENTS DE PRESENTATION
4. Toute réflexion relative au champ d'application de l'assurance construction doit intégrer deux données : l'état du droit positif et les positions de chacune des parties concernées
I. ETAT DU DROIT POSITIF
5. La loi du 4 janvier 1978 a suscité, en la matière, d'importantes difficultés d'application.
A Les dispositions législatives
6. La loi du 4 janvier 1978 s'est appuyée sur la réflexion menée préalablement et formalisée dans le rapport Spinetta (Proposition pour une réforme de l'assurance construction - la Documentation Française Juillet 1976).
Ce rapport souhaitait voir la réforme appuyée sur un certain nombre de principes :
- L'opposition des ouvrages relevant de la «fonction construction» englobant l'infrastructure, la structure, le clos et le couvert, «aux ouvrages» relevant de la fonction équipement incluant tous les aménagements intérieurs de l'espace délimité par le clos et le couvert,
- l'étroite corrélation entre démarche et fonction, opposant à cet égard «la démarche de la filière entreprise» relevant d'une éthique de métier et propre à la fonction «construction» (infrastructure, structure, clos et couvert) à «la démarche de la filière production industrielle» relevant d'une éthique d'industrie et propre à la fonction «équipement» (page 21 du rapport),
- la limitation du domaine d'application de la garantie décennale aux seuls ouvrages répondant à la fonction construction, les éléments d'équipement intérieur de la construction relevant du droit commun d'une durée «variable suivant la nature des équipements» le minimum envisagé étant de deux ans (4.2.3.2. Démarche Juridique et Démarche Industrielle page 33).
Ainsi, sous le titre «Industrie et Bâtiment» (4.2.3.2. page 33), le rapport énonce notamment «... la situation de l'industriel au regard du bâtiment sera claire :
- ou bien son activité de producteur portera sur des éléments (composants simples ou multifonctionnels), appelés à jouer un rôle dans la fonction «construction» et alors cette activité relèvera de la responsabilité décennale ;
- ou bien cette activité portera sur des éléments intéressant la fonction «équipement» et elle relèvera du droit commun».
7. La loi du 4 Janvier 1978 reprend largement ces principes, tant au regard de la responsabilité que de l'assurance construction
- Au regard des responsabilités
Les articles 1792 et 1792-2 du Code Civil édictent une responsabilité de plein droit des constructeurs, le premier à propos des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement le rendent impropre à sa destination, le second à propos de dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un bâtiment, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.
Les éléments d'équipement dissociables au sens de l'article 1792-3 du Code Civil (par opposition à ceux de l'article 1792-2 dudit Code) du bâtiment, relevant normalement de la garantie biennale de bon fonctionnement sont, quant à eux, soumis à la garantie décennale par l'effet de l'article 1792 du Code Civil, s'ils ont pour conséquence de rendre l'ouvrage, dans son ensemble, impropre à sa destination.
Mais la loi ne donne aucune définition des notions d'ouvrage, d'équipement, ou de bâtiment.
- Au regard de l'assurance obligatoire
Dans le cadre de ce qu'il est convenu de dénommer le système d'assurance à «double détente», l'article L 241-I du Code des Assurances impose une couverture d'assurance à toute personne dont la responsabilité peut être engagée «sur le fondement de la présomption de responsabilité établie par les articles 1792 et suivants du Code Civil, à propos de travaux de bâtiment», tandis que l'article L 242-1 dudit Code impose, quant à lui, une obligation d'assurance dont l'objet est de garantir, en dehors de toute recherche de responsabilité, les dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1 du Code Civil, les fabricants et importateurs, ou le contrôleur technique, sur le fondement de l'article 1792 du Code Civil, à la charge cette fois-ci de toute personne physique ou morale qui agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de bâtiment
B Les difficultés d.application des textes
8. Elles résultent des lacunes des textes initiaux, de l'annulation de l'arrêté du 17 novembre 1978 et des vissicitudes de l'interprétation jurisprudentielle
1/ lacunes des textes initiaux
9. La loi ne donne aucune définition de la notion de «travaux de bâtiment». Cette définition était cependant d'autant plus impérieuses qu'il résulte de la combinaison des textes précités que le domaine de la responsabilité décennale et celui de l'assurance obligatoire ne se recoupent pas totalement. Le premier est plus vaste, incluant la construction de tout ouvrage - que celui-ci soit ou non un bâtiment - comme par exemple un court de tennis, un terrain de sport, un ouvrage d'art ou de génie civil. Le domaine de l'assurance obligatoire est limité, pour sa part, aux «travaux de bâtiment».
Les notions de bâtiment et de travaux de bâtiment ont été, certes, évoquées à l'Assemblée Nationale et au Sénat, mais en définitive la tâche de les définir a été laissée au gouvernement, le Conseil d'Etat ayant recommandé, semble-t-il, que tous les aspects techniques de la loi soient développés par voie réglementaire.
Le rapport Spinetta, lui-même, ne donne aucune définition de la notion de bâtiment, qu'il évoque d'ailleurs rarement, utilisant quelquefois le terme «édifice», souvent la locution «domaine bâti» ou encore faisant, à l'occasion, référence à la notion d'abri.
Quant au second rapport Spinetta (rapport au Premier Ministre : la Documentation Française Décembre 1982) dont l'objet est différent, s'il se réfère à la notion d'habitat, et très souvent à celle de bâtiment, il ne donne également aucune indication permettant de définir cette notion ou encore celle de travaux de bâtiment.
2/ Annulation de l'arrêté du 17 novembre 1978
10. C'est dans ces conditions que, dans le cadre de la rédaction des clauses types prévues par l'article L 310. 7 du Code des Assurances, un arrêté ministériel du 17 Novembre 1978 a défini les travaux de bâtiment comme ceux «dont l'objet est de réaliser ou de modifier les constructions élevées sur le sol à l'intérieur desquelles l'homme est appelé à se mouvoir, et qui offrent une protection au moins partielle, contre les agressions des éléments naturels extérieurs «, tandis que les notions d'ouvrage, de parties d'ouvrage ou d'éléments d'équipement, au sens de l'article 1792-4 du Code Civil, ont été définies par ledit arrêté comme étant «les parties de la construction dénommées composants, conçues et fabriquées pour remplir dans un bâtiment un ou plusieurs rôles déterminés avant toute mise en oeuvre».
Mais le Conseil d'Etat annula, le 30 Décembre 1979, l'article A 241-2 du Code des Assurances dans sa rédaction issue de l'arrêté précité du 17 Novembre 1978 pour excès de pouvoir.
3/ Eléments de définition fournis par des textes non obligatoires
11. Le COPAL (dans divers avis), le Ministère de l'Environnement et du Cadre de Vie (dans deux circulaires nos 79-38 du 5 Avril 1979 et nos 81-04 du 21 Janvier 1981) et des réponses ministérielles fournirent des éléments de définition des notions en cause, notamment de celle de travaux de bâtiment
12 - l'avis du COPAL publié dans le «Moniteur des Travaux Publics» du 21 février 1986, propose «d'éliminer tout ce qui ne présente pas un caractère de permanence, ainsi que tout ouvrage d'art ou de génie civil» et encore, nonobstant l'annulation de l'arrêté du 17 Novembre 1978, «tout ce qui n'est pas un corps creux à l'intérieur duquel l'homme est appelé à se mouvoir» et d'adopter des critères positifs «ceux correspondants à la fonction construction, c'est-à-dire des ouvrages, soit de fondation, soit d'ossature, soit de clos, soit de couvert», quatre éléments étant en définitive retenus :
a) l'idée d'abri, de protection contre les agressions des éléments naturels extérieurs ;
b) l'idée de construction élevée sur le sol, ou le sous-sol ;
c) l'idée d'espace vital permettant à l'homme d'utiliser cet abri ;
d) l'idée de liaison permanente avec des éléments d'équipement connexes
et ce sans considération de «la manière avec laquelle il (ouvrage) est construit» (structure gonflable par exemple).
Pour ce qui est des installations sportives, le COPAL, dans cet avis, propose que les ouvrages relevant du domaine de «l'infrastructure», comme les constructions sportives de type stade et autres réalisations en plein air, soient exclus du domaine de l'assurance, tandis que les équipements et locaux annexes entreraient dans le domaine du bâtiment ; pour les courts de tennis, seuls les tennis couverts seraient qualifiés de bâtiment, tandis que ceux de plein air, ouvrages de génie civil, ne relèveraient pas de l'obligation d'assurance.
13 - La circulaire ministérielle du 5 avril 1979 vint tenter de préciser le champ d'application de l'assurance obligatoire en établissant une liste d'ouvrages en étant exclus
14 - Enfin, plusieurs réponses ministérielles ont été apportées en la matière.
Une réponse ministérielle faite à Monsieur Millon (JO débat A.N. 25 août 1979 p 6827) précise «les unités de stockage qui ressortissent au domaine de l'industrie sont, d'une manière générale, dispensées des obligations d'assurance, sauf dans le cas où, ne pouvant être physiquement dissociées d'une unité de production appartenant, elle même, au domaine du bâtiment, elles doivent être regardées comme accessoire du bâtiment et assujetties, en tant que telles, à l'obligation d'assurance». Une réponse ministérielle, faite à Monsieur Jourdan et publiée au (JO débat A.N. du 4 janvier 1982 p 44), précise, quant à elle, que les constructions sportives de type stade et autres réalisations en plein air, font parties de l'infrastructure, ce qui exclut les équipements, locaux annexes, tribunes couvertes, vestiaires, douches etc... qui entrent dans le domaine du bâtiment. S'agissant des courts de tennis, il faut distinguer selon les cas, les courts couverts qui, en tant que bâtiment sont assujettis à la garantie décennale et pour lesquelles l'obligation est faite au constructeur de contracter une assurance destinée à couvrir les désordres susceptibles d'affecter les édifices pendant 10 ans à compter de la réception des travaux ; Les courts de plein air qui sont des ouvrages de génie civil pour lesquels l'obligation d'assurance ne s'applique pas, bien que les articles 1792 et suivants du code civil aient établi, sans discussion, que les dommages les concernant engagent la responsabilité décennale des constructeurs. Toutefois le champ d'application de l'assurance obligatoire est étendu aux travaux de génie civil lorsqu'ils sont l'accessoire indispensable de travaux de bâtiment.
4/ Développements de l'interprétation jurisprudentielle
15. La jurisprudence a été marquée par deux décisions importantes en 1991 et 1996
a) Avant 1991
16. La jurisprudence antérieure à 1991,ne respecta pas toujours les termes des divers éléments d' interprétation vus plus haut. Elle soumit à assurance obligatoire, en s'appuyant parfois sur les termes plus ou moins clairs des contrats d'assurance, la construction d'un certain nombre d'ouvrages ne constituant pas des bâtiments :
- Silo à grains : Cass 1re civ. 19 déc 1989 RGAT 1990 p 160 obs Bigot. Resp Civ et Ass 1990 Com 95 obs Groutel, RD Imm 1990 p 223 obs Dubois ;
- court de tennis Cass 1re civ. 14 juin 1989 RGAT 1990 585 ; 2 mai 1990 Resp Civ et assurance 1990 n°307, RGAT 1990 585 obs D'Hauteville, RD Imm 1990 514 obs Dubois ;
- piscine Cass 1re civ. 14 juin 1989 RGAT 1989 870 obs Bigot, RD Imm 1989 p 482 obs Dubois ; contra, CA Aix 22 juin 1982 Gaz Pal 1983-1 som 13, RD Imm 1983 252 obs Durry ;
- pieux soutenant une station d'épuration : Cass Civ 1 31 mai 1989 mêmes références que l'arrêt du 14 juin cité supra ;
- revêtement d'une route et de trottoirs : CAParis 14 déc 1990, RD Imm 1991 80 obs Leguay. Contra, toutefois, pour l'exclusion de travaux de VRD du champ de l'assurance obligatoire : CA Paris 23 oct 1992 RGAT 1992 866 obs Bigot.
17. - Plusieurs décisions du bureau central de tarification ont également été rendues sur le champ d'application de l'assurance obligatoire (Cf Code de l'assurance Construction, Edition de l'Assurance Française, p 131 et suivant). Parmi ces dernières, on retiendra que des abris démontables installés sur les quais de la SNCF n'ont pas été considérés comme des travaux de bâtiment (décision du 30 juin 1981) et qu'il en a été de même d'un élément d'équipement industriel (décision du 23 décembre 1987 qui précise que considérant qu'il résulte de l'instruction que si, d'une part, le Vivitron 35 MV est un élément lourd contribuant à la fonction de recherche et que par ses caractéristiques d'installation il constitue un immeuble par destination, d'autre part, que sa dépose pour démontage ou son remplacement ne pourrait s'effectuer sans détérioration, ou enlèvement de matière du bâtiment qui l'abrite, cet équipement ne participe pas à l'une ou l'autre des fonctions de viabilité, de fondation d'ossature de clos et de couverts de ce bâtiment, n'entre dès lors pas dans le champ d'application de l'article 1792-2 du code civil.
b) L'arrêt du 26 Février 1991 et les «travaux faisant appel aux techniques de travaux de bâtiment».
18. Dans un arrêt du 26 Février 1991 (RGAT 1991, p. 402, note critique J.
Bigot, Bull. civ. I nos 75), la première Chambre Civile de la Cour de cassation, l'assurance étant du domaine de sa compétence, a défini les travaux de bâtiment comme des «travaux faisant appel aux techniques de travaux de bâtiment». La troisième Chambre Civile - qui n'estime pas, eu égard à son domaine de compétence - devoir ou pouvoir adopter une position différente de celle de la première Chambre Civile, a suivi et entériné cette jurisprudence (Cass 3e civ. 16 juin 1993 JCP 1993 IV nos 2095 p 254, D 1993 IR 167, Caz Pal 1994 1 pan 2).
C'est ainsi qu'ont été considérés comme des travaux de bâtiment, au motif qu'ils avaient fait appel à des techniques de travaux de bâtiment, ceux relatifs à :
- un mur de soutènement (Cass. Ière Civ., 26 Février 1991, RGAT 1991, p.
402, note critique J. Bigot, Bull. civ. I nos 75 ; Cass. Ière Civ. 31 Mars 1993, RGAT 1993, p. 609 note A. d'Hauteville, Bull. civ. I nos 153 ; Cass. 3e Civ. 16 juin 1993, Bull. civ. III nos 85 ; Cass. civ. Ière 15 Décembre 1993, RGAT 1994 p. 568 note JP Karila), ou encore d'un «mur de soutien» (CA Dijon 19 Novembre 1996, RGDA 1997, p. 781, note A d'Hauteville), et ce, alors même que dans certains cas, les murs de soutènement considérés étaient éloignés du bâtiment et non destinés à «soutenir» celui-ci ou à assurer la stabilité de ses fondations;
- une piscine découverte (CA Dijon 9 Septembre 1993. RD Imm. 1994, p. 471, obs. P. Dubois ;
- une station de métro (Cass. Ière Civ. 9 Avril 1991, RGAT 1991, p. 608, note critique J. Bigot) ;
- une dalle en béton armé destinée à supporter ultérieurement le montage d'une piscine extérieure préfabriquée (Cass. Ière civ. 30 Janvier 1996, Resp.
civ. et assur. 1996, comm. nos 154 ; RGDA 1996 p. 392 note A d'Hauteville) ;
- un tennis découvert (Cass. Ière civ. 9 Mai 1994, RGAT 1994, p. 1192, note JP Karila ; CA Dijon 9 sept 1993 RD Imm 1994 471 obs Dubois ; CA Aix 13 fév 1996 Jurisdata nos 040583) ;
- un tennis 23 juin 1992, RGAT 1992 574 obs Bigot, Resp Civ et Ass 1992 n°430, RD Imm 1993 106 obs Dubois ; 9 mai 1994 Bull I nos 167 p 123, RD Imm 1994 470 obs Dubois, RCTAT 1994 1192 obs Karila ;
- un silo à grains : Cass 1ere civ 20 déc 1993 RD Imm 1994 272 obs Dubois
c) L'arrêt du 26 mars 1996 et l'extension des techniques de travaux de bâtiments aux locaux autres que d'habitation
19. La première chambre civile a poursuivi son interprétation dynamique en considérant qu'aucune distinction ne devait être faite, au regard de l'assurance obligatoire, selon que les techniques de travaux de bâtiments mises en oeuvre concernent un local d'habitation ou un local industriel et commercial (Cass 1ere civ 26 mars 1996 Bull III nos 149 p 104 RD Imm 1996 380 obs Malinvaud et Boubli, 242 obs Leguay ; RD Imm 1997 96 obs Leguay, Resp civ et ass 1996 chr 26 obs Groutel, RCDA 1997 190 note Karila).
Cette jurisprudence aboutit à ce que des éléments d'équipement d'un ouvrage réalisé selon des techniques de travaux de bâtiment soient soumis à l'obligation d'assurance, même si lesdits éléments d'équipement ont une vocation purement industrielle (l'arrêt concernait un dispositif de désilage d'un silo).
La troisième chambre a marqué une certaine réticence en ne prenant pas parti sur ce point (cf Cass 3e civ, 6 nov 1996 RD Imm 1996 84, 1997 99 obs Leguay, RGDA 1997 502 note Karila).
20. En revanche les juges du fond font entrer, sans hésitation, dans le champ d'application de l'assurance construction obligatoire, des ouvrages industriels comme :
- une station d'épuration (TGI Lille, 2e ch. 26 Juin 1996, HLM Nord Artois et Sté Bâtir c/Sté Sodete et autres),
- une prise d'eau, à la sortie d'un bassin en tête de canalisations appelé exutoire, au prétexte qu'elle forme, avec les stations de pompage et les bassins, un ensemble constituant des travaux de technique de bâtiment (CA Rouen 13 Février 1997, RGDA 1997, p. 525, note H. Périnet-Marquet),
- le socle du transformateur d'une centrale électrique (CA Toulouse, 2 juin 1997 Jurisdata nos 0426 18)
La jurisprudence, extensive, ne parait donc pas encore définitivement fixée sur ce point, ce qui suscite des réactions diverses de la part des professionnels concernés
II. POSITIONS DES ORGANISMES PROFESSIONNELS INTERESSES
21. Les auditions qui se sont déroulées au cours des mois de juillet et de septembre, ainsi que les positions prises par écrit par les professionnels concernés, démontrent l'existence d'un consensus pour ne remettre en cause ni la responsabilité des constructeurs ni le principe de l'assurance obligatoire en matière de construction découlant de la loi du 4 janvier 1978.
Les promoteurs disent d'ailleurs (V. Position commune de la F.N.P.C., F.N.S.E.M., U.N.C.M.I. et U.N.F.O.H.L.M.).
Cependant, cette satisfaction à l'égard du système mis en place connaît un triple tempérament :
Certains, et notamment, les maîtres d'ouvrage et les entrepreneurs, dénoncent la progression constante des primes et des franchises qui provoque une augmentation du coût de la construction et réaffirment «qu'eu égard aux très importants réajustements tarifaires déjà mis en oeuvre par les assureurs, que les aménagements éventuels du régime de l'assurance construction, tout en contribuant à renforcer autant que possible son efficacité, soient conçus de manière à procurer des contreparties directes et certaines aux maîtres d'ouvrage» (position commune des promoteurs, précitée, p. 2)
D'autres s'inquiètent de la tendance de certaines sociétés d'assurance à se retirer du marché. L'U.N.C.M.I., particulièrement, regrette «une quasi-disparition des assureurs acceptant de couvrir le risque technique en maisons individuelles».
Enfin, les entrepreneurs estiment que cette assurance obligatoire a un retentissement négatif sur la qualité des travaux car elle inciterait certaines entreprises à ne pas faire un travail de qualité, dès l'origine, sachant que de toute manière, dans le délai de la décennale, les imperfections de l'immeuble seront reprises. L'assurance-construction favoriserait donc une certaine déloyauté et un «abatardissement de la concurrence», analyse qui n'est pas partagée par les promoteurs pour lesquels, l'assurance-construction n'aurait pas d' «effets pervers» sur la réalisation des ouvrages
Sous ces réserves générales, les opinions relatives au domaine de l'assurance obligatoire sont assez diversifiées tant sur la nécessité d'une intervention de nature à préciser le champ d'application de l'assurance obligatoire que sur les modalités de cette intervention.
A. Positions relatives à la nécessité d'une intervention sur le domaine de l'assurance obligatoire
22. Il résulte des auditions auxquelles les rapporteurs ont procédé auprès des différents professionnels intéressés par l'assurance obligatoire en matière de construction que deux tendances générales se dégagent au regard du champ d'application de cette assurance : une tendance que l'on pourrait qualifier de «non-interventionniste» et, au contraire, un mouvement «interventionniste».
1/ La tendance «non interventionniste».
23. Selon un premier groupe de professionnels, essentiellement représenté par les promoteurs et, dans une moindre mesure, par les architectes, il conviendrait de laisser la jurisprudence faire son oeuvre et il serait inutile de légiférer dans ce domaine ou même d'intervenir, ne serait-ce que de manière ponctuelle. Mieux vaudrait laisser les choses en l'état et permettre à la jurisprudence de poursuivre son oeuvre d'interprétation.
a) Les promoteurs se déclarent, en effet, très satisfaits de la position de la Cour de cassation qui, selon eux, (v. position commur.) de la FNPC, de la FNSEM, de l'UNCMI et de l'UNFOHLM sur l'assurance construction, p. 2). Le périmètre de l'assurance construction «est stabilisé» et il n'est donc pas souhaitable que soit repensée l'assurance construction et diminuées les garanties (audition de la FNSEM).
Ils considèrent, et notamment, l'UNFOHLM, que cette question de l'étendue de l'assurance demeure une question secondaire quantitativement et que le petit nombre de difficultés concrètes ne justifie pas une intervention législative ou réglementaire. Cet organisme se dit, d'ailleurs, peu concerné par une telle réforme car les H. L. M. travaillent dans le bâtiment et la jurisprudence de la Cour de cassation «ne les gêne pas» (Audition UNFOHLM)
Bien au contraire, les promoteurs «estiment que la stabilité juridique désormais acquise au profit de tous, doit être préservée et jugent dangereuse toute réforme qui aurait pour effet de réduire la protection instaurée, tant au profit des victimes qu'à celui des différents intervenants à l'acte de construire, et/ou d'ouvrir la voie à une longue période d'incertitude juridique» (p.1 de la position commune).
b) Quant aux architectes, considérant que «définir, c'est restreindre», ils craignent qu'une définition plus étroite soit invoquée par les assureurs pour justifier «des refus de garantie, dont les conséquences financières seraient finalement reportées en particulier sur les architectes et sur les consommateurs»... et «face à ces incertitudes et inconvénients, pensent qu'une attitude plus souple est préférable et qu'il est plus sage de s'en remettre à l'interprétation des juges de la Cour de cassation (lettre 9/07/1997 p.1)».
c) Dans le même ordre d'idées, les contrôleurs techniques préféreraient un maintien du statu quo afin de ne pas supporter la charge de l'insolvabilité d'autres intervenants qui ne sont pas assurés et insolvables car ils craignent que la restriction du champ obligatoire de la responsabilité décennale ne les expose à de nouvelles condamnations solidaires (audition des représentants de la COPREC).
24. Cette attitude «non interventionniste» s'appuie donc de manière plus générale, sur le fait qu'une modification du domaine de l'assurance-construction serait susceptible d'entraîner un bouleversement «des responsabilités des intervenants à l'acte de construire», telles qu'elles sont prévues par la loi du 4 janvier 1984.
Mais, ces organismes ne refusent pas totalement une précision du domaine de l'assurance construction (V. p.1 et 2 de la position commune de ces organismes et audition des représentants de la FNPC - et, notamment, de M. Leguay - qui admettent même l'exclusion des locaux industriels) et déclarent ne pas vouloir bloquer les discussions (V. audition, UNFOHLM), même s'il est clair que les promoteurs, notamment, préféreraient que ces questions soient traitées dans le cadre et souhaitent que la Commission technique de l'assurance construction devienne une réalité qui, pour la FNSEM devrait être saisie «avant qu'une décision soit prise sur le domaine de l'obligation».
2/ Les tendances «interventionnistes»
25. Il faut, tout d'abord, signaler la position isolée de l'Institut national de la consommation qui souhaiterai une extension de l'assurance obligatoire. L'INC voudrait, en effet, que «tout soit assuré et par un seul assureur». Cette position se justifie par le désir légitime de la part de cet organisme d'accorder la protection la plus large possible aux consommateurs, mais il est difficile d'y souscrire sans que soit mesuré le coût d'une telle protection qui, par hypothèse, risquerait de se répercuter sur les consommateurs eux-mêmes.
26. C'est pourquoi une seconde tendance très largement majoritaire juge nécessaire d'intervenir sur ce domaine de l'assurance obligatoire mais, au contraire, pour le restreindre. La plupart des professionnels entendus qu'il s'agisse des assureurs, des entrepreneurs du bâtiment ou des travaux publics et des experts, demandent, en effet, une meilleure définition du champ de l'assurance obligatoire.
Cette demande est justifiée par toute une série d'arguments qui peuvent être regroupés autour de trois axes essentiels :
- D'une part, la jurisprudence de la Cour de cassation appliquant l'assurance obligatoire à toutes les «techniques de travaux de bâtiment» est la source d'une grave insécurité juridique.
- D'autre part, cette nouvelle notion ne correspond à aucun «référentiel technique».
- Enfin, rien n'impose de calquer le domaine de l'assurance obligatoire sur celui de la responsabilité décennale.
a) En premier lieu, l'évolution de la jurisprudence est une source d'insécurité juridique
27. Le passage du critère «des travaux de bâtiment» à celui des «techniques de travaux de bâtiment» a pour conséquence que certains travaux, à l'origine exclus du domaine de l'assurance, tels que des travaux de génie civil, peuvent s'y trouver inclus alors que d'autres qui en faisaient partie (VRD privatifs) ne rentrent plus nécessairement dans le champ de l'assurance.
Cette évolution entraîne une extension du domaine de l'assurance non prévue à l'origine car il s'agissait de viser uniquement «le bâtiment», abri de l'homme, or la jurisprudence touche d'autres secteurs : erreurs d'implantation, dommages aux mobiliers...
- Cette incertitude sur les contours de la nouvelle définition de la Cour de cassation est, notamment, dénoncée par les assureurs (V. Document de la FFSA) et par les entrepreneurs de travaux publics qui refusent la définition de la Cour de cassation parce qu'elle est susceptible de soumettre à assurance obligatoire les travaux de génie civil (lettre 17/12/I996).
Pareillement, la Compagnie française des experts construction souhaite la définition la plus précise possible et a transmis aux rapporteurs toute une liste d'ouvrages, pour lesquels se pose la question de la qualification de travaux de bâtiment. Il résulte, notamment, de cette liste que la définition du champ d'application de l'assurance obligatoire pose des problèmes, en ce qui concerne :
- la voirie et les réseaux divers (ouvrages privés de voirie, voies piétonnes, voirie et réseaux divers desservant les emplacements d'un terrain de camping, réseaux enterrés de chauffage et piste d'essais pour véhicules poids lourds)
- des ouvrages divers (murs de soutènement, murs de clôture, clôtures métalliques d'un terrain, courts de tennis, piscine non couverte...)
- et des ouvrages du domaine industriel (radiers supportant un silo, revêtement résine d'un bassin de rétention, cuve enterrée pour récupérer des résidus toxiques, installation de plomberie destinée à alimenter en eau des tours de refroidissement dans une imprimerie...).
- Or ainsi que l'observe la FFSA, il n'est pas certain que ce mouvement faisant évoluer le champ d'application de l'assurance obligatoire soit achevé .
Les assureurs, ajoutent que et, particulièrement dans le domaine de l'assurance construction.
La Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA) fait, en effet, remarquer «qu'en matière d'assurance construction, la problématique est accrue par trois éléments qu'il ne faut jamais perdre de vue :
- la durée de la garantie est longue : 10 ans ;
- la garantie est obligatoire ;
- la garantie est gérée en capitalisation».
Elle ajoute «qu'il faut également souligner que l'assurance obligatoire des travaux du bâtiment vise un domaine important de la branche construction, puisque deux types de garantie sont concernés : d'une part, l'assurance dommages-ouvrages, d'autre part, l'assurance de responsabilité décennale» (V. sur tous ces points Doc. APSAD-Direction construction, «pour une définition des travaux de bâtiment, p. I)».
Bien que les assureurs reconnaissent que leurs pratiques tarifaires ont été pendant longtemps insuffisantes, - la sous-tarification étant évidente - ils démontrent clairement que la détermination des primes est particulièrement délicate dans ce secteur car il faut évaluer le risque de la survenance de sinistres qui peuvent se produire dix années après la fixation des primes. Il est donc impérieux que le type de risque couvert soit très précisément défini à l'avance.
Ils observent, en effet, que les incertitudes actuelles ont un effet «psychologique énorme» et néfaste sur la définition de l'étendue de leur responsabilité et sur la fixation des primes. Les assureurs ne parvenant pas à déterminer rigoureusement le montant de celles-ci et à apprécier les sinistres sont incités soit à les augmenter, soit à se retirer du marché de l'assurance.
b) En second lieu, le concept de «techniques de travaux de bâtiment» est dénoncé comme ne constituant pas un critère retenu par les professionnels de la construction.
28. Ainsi, la FFSA, la FNTP et la CFEC, particulièrement, critiquent le recours à cette notion parce qu'elle n'est pas un critère utilisé en pratique.
La FNTP juge «qu'il n'est, en effet, pas conforme aux dispositions législatives en vigueur et aboutit à soumettre à assurance obligatoire des travaux relevant manifestement du génie civil» (lettre 17/12 1996).
Les représentants de la COPREC ont pu affirmer aussi que la «notion de techniques de travaux de bâtiment n'existe pas».
La CFEC écrit, dans le même sens que : «les experts ont des difficultés à définir ce que sont les techniques de bâtiment et les techniques de génie civil. Il n'existe pas de ligne de partage nette entre ces deux notions. Bien au contraire, on constate qu'un ouvrage de génie civil peut être réalisé selon des techniques employées dans les ouvrages de bâtiment. Inversement, certaines techniques traditionnellement employées dans la construction d'ouvrages de génie civil sont parfois mises en oeuvre dans la construction d'ouvrages de bâtiment».
Le concept de «techniques de travaux de bâtiment», n'est donc pas un critère de distinction, un référent technique. Il en résulte, estiment ces professionnels, que si les juges désignent des experts pour qualifier les travaux et pour déterminer s'ils rentrent dans le champ de l'assurance, ceux-ci (Doc. CFEC, sept. I997, p. l). Les assureurs observent, dans le même sens, que si les magistrats renvoient aux experts pour apprécier cette notion, les experts n'ont pas de documentation technique leur permettant de porter une appréciation objective.
Par conséquent, pour la FNB, il se produit une dérive vers une assurance tous risques, «une sécurité sociale de la construction» (Lettre FNB 71711997) et la CAPEB estime que «l'assurance obligatoire a un effet exponentiel» (audition M. Logez).
c) En troisième lieu, il est fait observer par la FFSA et la SMABTP que le lien entre la responsabilité décennale et l'assurance obligatoire ne s'impose pas.
29. La loi du 4 janvier 1978 n'a pas établi de coïncidence entre les deux et si la garantie décennale couvre tous les dommages visés aux articles 1792 et 1792.2, cela n'implique pas qu'ils relèvent de l'assurance obligatoire concernant les seuls «travaux de bâtiment»..
Ces professionnels de l'immobilier (CAPEB, FFSA, CFEC, AIMCC) souhaitent donc vivement une intervention législative dans un but de sécurité juridique et de prévisibilité des risques, d'autant que la nouvelle notion retenue par la Cour de cassation, selon eux, ne correspond à aucun «référentiel technique». Mais, ils ne s'accordent pas totalement sur les modalités de cette intervention.
B Les modalités de l'intervention sur le domaine de l'assurance obligatoire
30. Des divergences sont apparues à deux égards :
- au fond, quant à la nature de l'intervention
- en la forme, quant à la technique d'intervention.
1/ La nature de l'intervention
31. Selon les personnes entendues, la redéfinition du domaine de l'assurance obligatoire doit se faire à partir des travaux dont certains seraient exclus du champ de l'assurance, ou au contraire, à partir des personnes auxquelles serait imposée cette assurance.
a) La plupart des professionnels envisagent que certains travaux soient dispensés de l'obligation d'assurance.
32. Plusieurs organismes proposent de limiter l'assurance obligatoire aux seuls immeubles à usage principal d'habitation ou d'abri.
C'est le cas de la FNTP et de la CAPEB, de la Fédération nationale du bâtiment qui se réfère à la «finalité d'abri permanent pour l'homme et pour ses biens» ce qui conduit à «intégrer les travaux neufs et ceux réalisés sur les existants et à condition qu'ils constituent des ouvrages de construction à caractère immobilier (en excluant l'entretien, bien entendu), à exclure les ouvrages temporaires, les équipements industriels et ceux qui n'ont pas pour finalité exclusive l'abri permanent de l'homme et de ses biens, le gros génie civil». (lettre 7/7/1997,p.2).
Ainsi, la F.N.T.P., «en se fondant sur l'esprit du législateur de 1978 qui était de protéger le particulier qui fait construire son logement, et sur la situation des autres pays européens où il n'existe pas d'assurance obligatoire après la réception des travaux, et enfin, sur le déficit permanent dont souffre l'assurance construction, propose que ne soient soumis à assurance décennale obligatoire que les travaux relatifs aux «immeubles destinés à titre principal à l'habitation».
33. La plupart, sans limiter l'assurance obligatoire au secteur de la construction à usage d'habitation s'accordent du moins à exclure les travaux de génie civil de son périmètre (FNTP, SMABTP, FNB, CAPEB, FFSA)
La FNTP se déclare très opposée à l'assurance obligatoire des travaux de génie civil car, d'une part, ce type d'ouvrage, à l'origine ne devait pas être obligatoirement assuré, la loi SPINETTA ne soumettant à cette obligation que les «seuls travaux de bâtiment» (V. lettre FNTP 28 fév. 1996) et parce que, d'autre part, les entrepreneurs de travaux publics s'estiment capables d.apprécier l'opportunité de souscrire une police d'assurance décennale (V. lettre FNPC, 21/ 02/1996, mais aussi la position de la SMABTP et de la FFSA). Les entreprises de ce secteur «tiennent beaucoup» selon Madame Baillat-Devilder à conserver leur liberté d'assurance car elles sont responsables de leurs travaux et aptes à les assurer elles-mêmes. La FNTP, à plusieurs reprises par écrit ou au cours des auditions, a réaffirmé (V. Lettre 14 oct. 1997).
34. Beaucoup considèrent qu'il faut aussi exclure les ouvrages industriels comme les travaux de génie civil du champ d'application de l'assurance (En ce sens, notamment, audition FNPC).
b) Plutôt qu'une délimitation du domaine de l'assurance construction par les travaux, il a été aussi suggéré par les entrepreneurs, notamment, de s'attacher à la personne du maître de l .ouvrage.
35. Le COPREC a suggéré de dispenser d'assurance certaines entreprises publiques, d'autre part et surtout, certains organismes représentatifs des entrepreneurs considèrent que seuls les travaux commandés par un non professionnel devraient rentrer dans le domaine de l'assurance obligatoire. Il conviendrait d'avoir une «approche globale du problème, de ne pas se limiter à une réduction du domaine de l'obligation quant aux ouvrages, mais d'avoir aussi une approche par le biais des contrats».
Mais, cette opinion qui va dans le sens général de la distinction du sort des professionnels et des non-professionnels est contestée car une délimitation du champ d'application de l'assurance construction à partir de la qualité du maître de l'ouvrage serait génératrice d'incertitudes.
La Fédération nationale des travaux publics, dans un courrier du 14 octobre 1997, relève, en effet, que la proposition serait une source de difficultés.
2/ La technique d'intervention
36. Là encore, des hésitations sont apparues relativement aux voies de l'intervention et au procédé de rédaction à utiliser.
a) Les voies de l'intervention
37. Le sentiment général qui se dégage des auditions est celui d'une certaine méfiance à l'égard de l'intervention du Parlement. La plupart ne veulent pas, en effet, que les débats puissent aboutir à une remise en cause du domaine de la responsabilité décennale et du système de l'assurance construction dans son ensemble.
Aussi, certains professionnels sont-ils partisans d'une loi d'habilitation permettant une réglementation par décrets, voire d'un simple recours à des circulaires.
Ainsi la CFEC déclare opter «très clairement pour la voie réglementaire : habilitation législative permettant au pouvoir réglementaire de lister les travaux relevant de l'assurance obligatoire».
La CFEC avance deux raisons à l'appui de ce choix :
- tout d'abord, le fait que le recours à la voie législative risquerait de remettre en cause certains acquis de la loi du 4 janvier 1978, comme par exemple le champ des responsabilités et des garanties ou la durée des garanties,
- et l'affirmation que la voie réglementaire est mieux adaptée à l'établissement d'une liste positive qui pourrait évoluer par de simples modifications réglementaires. La CFEC d'ailleurs, estime que la voie réglementaire n'est pas incompatible avec une définition positive.
D'autres admettent que l'intervention législative parlementaire peut être la meilleure formule dans la mesure où sa force serait incontestable. C'est notamment la position prise par la FFSA.
Outre une hésitation sur la technique juridique permettant de restreindre le champ de l'assurance, les personnes qui ont été écoutées par les auteurs du présent rapport s'opposent également sur le procédé de rédaction le meilleur.
b) La technique rédactionnelle
38. C'est peut-être à cet égard que le clivage est le plus tranché entre ceux qui proposent que soit dressée une liste des exclusions des travaux ne relevant pas de l'assurance obligatoire et ceux qui préfèrent une définition abstraite et positive.
1 - Plusieurs organismes souhaitent, en effet, que, dans l'hypothèse où le domaine de l'assurance serait redéfini, il soit procédé par énumération et que soit dressée une liste précise des exclusions, la FNPC suggérant que cette liste soit établie après concertation de la commission technique de l'assurance construction.
2 - D'autres, au contraire, défendent l'idée d'une définition abstraite et positive, faisant observer qu'une liste d'exclusions serait nécessairement incomplète et risquerait de ne pas englober toutes les situations possibles.
C'est ainsi que la F.N.T.P. suggère d'introduire dans la loi une définition précise de la notion de «travaux de bâtiment» qui pourrait s'appuyer sur celle qui était contenue dans l'arrêté du 17 novembre 1978, à savoir «constructions élevées sur le sol à l'intérieur desquelles l'homme est appelé à se mouvoir, et qui offrent une protection au moins partielle contre les agressions des éléments naturels extérieurs».
Ainsi que le rappelle la Fédération, ce texte a été annulé par le Conseil d'Etat, mais l'annulation était fondée sur le fait que la notion retenue aurait englobé les travaux de génie civil alors que la loi SPINETTA ne concerne que «les travaux de bâtiment».
Cette Fédération s'appuie aussi sur la circulaire no 79-38 du 5 avril 1979 du ministre de l'Environnement et du cadre de vie qui comporte une énumération de ces travaux de génie civil qui permettrait de les faire échapper à l'obligation d'assurance.
Dans le même sens, la Fédération nationale du bâtiment propose une redéfinition qui se référerait «à la finalité d'abri pour l'homme et ses biens» et qui exclurait les équipements industriels ainsi que les travaux de génie civil.
Quant à la FFSA, elle propose la définition suivante : «on entend par travaux de bâtiment au sens des articles L 241-1 et L 242-1 du Code des assurances, les travaux dont l'objet est de réaliser ou de modifier les ouvrages terrestres durables à caractère immobilier, ayant pour fonction principale d'ouvrir un abri pour l'homme et ses biens contre les éléments naturels extérieurs.
Les travaux dont l'objet est de réaliser ou de modifier les éléments d'équipement destinés à l'habitabilité desdits ouvrages, à l'exclusion de tous les autres, sont également des travaux de bâtiment».
La CFEC, tout en souhaitant que, déclare pouvoir adhérer à cette définition positive proposée par la FFSA, sous réserve que les ouvrages accessoires indissociables des ouvrages de bâtiment soient inclus dans le champ des travaux de bâtiment. C'est pourquoi elle propose d'ajouter à la définition précédente, la phrase suivante :
«Les travaux dont l'objet est de réaliser ou de modifier les ouvrages qui constituent l'accessoire indispensable d'un ouvrage de bâtiment, sont également considérés comme des travaux de bâtiment».
De manière générale, la CFEC considère que, pour le moins, la définition doit comprendre «les travaux de réalisation ou de modification des ouvrages terrestres
- à caractère immobilier non temporaires offrant un abri pour l'homme et ses biens contre les éléments naturels extérieurs
- des ouvrages constituant l'accessoire indissociable d'un ouvrage de bâtiment : ouvrages de voirie et de réseaux divers dont l'usage est la desserte privative du bâtiment ou du groupe de bâtiments d'une même opération, galeries techniques, murs de soutènement.
Des éléments d'équipement destinés à l'habitabilité des ouvrages de bâtiment. Seraient donc exclus les ouvrages de génie civil ne constituant pas l'accessoire indispensable d'un ouvrage de bâtiment et les équipements ayant une fonction purement industrielle».
Il résulte donc de l'ensemble des auditions qu'il existe pratiquement un consensus pour l'exclusion du domaine de l'assurance obligatoire des travaux de génie civil et, dans une moindre mesure, des ouvrages industriels. Le même consensus porte sur la nécessité de maintenir l'assurance obligatoire des bâtiments à usage d'habitation.
Ces deux éléments de présentation, que sont l'état du droit positif et les positions des professionnels intéressés, montrent la complexité du problème et son caractère conflictuel. Ils appellent une réflexion préalable à d'éventuelles propositions.
DEUXIEME PARTIE
ELEMENTS DE REFLEXION
39. Le système de responsabilité des constructeurs, connu du grand public sous le terme de décennale, est un élément important du paysage juridique français. Même si la responsabilité décennale s'est profondément modifiée, au fil des ans, cette règle dont on trouve déjà des applications dans l'ancien droit, s'avère très profondément ancrée dans la mentalité collective.
L'assurance construction obligatoire est plus récente. Mais son efficacité, pour les maîtres d'ouvrage, l'a rendue très populaire. Cet élément psychologique ne peut être méconnu, même si la réflexion doit être essentiellement menée au regard des aspects économiques et juridiques de la question.
I - ASPECTS ECONOMIQUES DU PROBLEME
40. L'impact économique du champ d'application de l'assurance construction est, d'évidence, une question centrale. Il est, en effet, au coeur de la demande de clarification présentée. Il apparaît cependant variable selon les acteurs concernés.
A impact économique pour les maîtres d'ouvrage
41. Pour les maîtres d'ouvrage, le champ d'application de l'assurance obligatoire a un double impact portant tant sur l'obligation d'assurance que sur les dommages couverts par l'assurance souscrite.
Au regard de l'obligation d'assurance, les maîtres d'ouvrage pourraient être tentés, économiquement, par une limitation du champ de l'assurance dommages ouvrage dans la mesure où celle-ci représente, pour eux, un coût. Ils adoptent cependant une position inverse en se montrant favorables à une large extension de son champ d'application. Ils apprécient, en effet, la sécurité que cet accroissement leur confère et ne souhaitent pas que certains ouvrages, qui relèvent actuellement de cette assurance, en soient exclus. Même s'ils regrettent la hausse des tarifs pratiqués, ils considèrent donc, implicitement, que le bilan coût-avantage de l'assurance construction leur est favorable.
Cette opinion est d'autant plus justifiée que l'extension progressive du champ d'application de l'assurance construction par la jurisprudence a abouti à ce que, dans un certain nombre d'hypothèses, la garantie se soit trouvée, de fait, étendue, entre le moment du paiement de la prime et celui de la réalisation du risque. Les maîtres d'ouvrage ont profité, de ce fait, d'un certain avantage économique dans la mesure où des primes, calculées pour tenir compte d'un risque donné ont conduit, plusieurs années plus tard, à la couverture d'un risque plus étendu. Une réduction ou même un recadrage du champ d'application de l'assurance construction obligatoire constituerait donc, pour eux, un recul économique par rapport à la situation actuelle.
Est-ce à dire, pour autant, que les maîtres d'ouvrage défendent l'universalité d'un système de sécurité sociale du bâtiment dont ils abuseraient ? Le reproche leur est souvent implicitement fait de transférer, sur l'assurance, le coût de la construction, en acceptant des marchés à prix anormalement bas et en faisant prendre en charge les malfaçons inévitables par le système d'assurance obligatoire. La vérification des qualités professionnelles des intervenants et de la pertinence de leur coût d'intervention serait ainsi parfois sommaire, le maître d'ouvrage sachant que tout désordre trouvera une solution rapide dans la mise en oeuvre de l'assurance dommages ouvrage.
Aucune étude précise sur la question ne permet, malheureusement, de quantifier le phénomène. De tels comportements, qu'il faut bien qualifier d'économiquement pervers, existent cependant, même s'ils semblent être très minoritaires.
Une restriction du champ d'application de l'assurance obligatoire ne serait cependant pas de nature à moraliser la situation. La dérive dénoncée résulte en effet moins de la notion de travaux de bâtiment que du fonctionnement global du système d'assurance obligatoire lui-même.
L'indemnisation systématique des désordres de nature décennale, même tout à fait prévisibles, résultant du caractère très strict des exclusions de garantie dans les clauses types joue, sans doute, en la matière, un rôle déterminant.
B Impact économique pour les constructeurs
42. Une extension du champ d'application de l'assurance construction obligatoire offre, aux constructeurs, l'avantage d'une couverture étendue à l'ensemble des désordres de nature décennale susceptibles de découler des travaux qu'ils réalisent. Elle constitue cependant, également, une charge financière d'autant plus lourde que les risques couverts augmentent. De ce point de vue, les augmentations de tarif intervenues dans les années récentes ont été durement ressenties. De plus, malgré ces hausses, certains constructeurs, notamment les petits entrepreneurs et constructeurs de maisons individuelles, ont parfois des difficultés à trouver un assureur acceptant de les couvrir d'où une saisine beaucoup plus fréquente du bureau central de tarification.
A cet égard, les constructeurs ne peuvent que profiter d'une clarification du champ d'application de l'assurance construction susceptible d'éviter une dérive des primes et de conforter un système d'assurance obligatoire auquel ils semblent attachés. Toutefois, le souhait implicite de certains d'entre eux serait d'aboutir à une réduction significative du champ de leur responsabilité décennale qui aboutirait à reposer sous un angle nouveau le problème de leur assurance.
La restriction du seul champ d'application de l'assurance obligatoire apparaît d'ailleurs, pour certains constructeurs, comme un risque plutôt que comme une chance. Les architectes et, dans une moindre mesure, les contrôleurs techniques, craignent un transfert de responsabilité sur leur tête en cas de réduction du champ de l'assurance obligatoire. Cette crainte n'apparaît pas sans fondement. Les architectes étant, de droit, systématiquement assurés pour l'ensemble de leur activité et les contrôleurs techniques l'étant de fait, la tendance naturelle des juges du fond de rechercher un responsable solvable pourrait les conduire à placer davantage encore en première ligne l'architecte et le contrôleur technique, faute de pouvoir atteindre les assureurs d'autres constructeurs. Cette crainte serait d'autant plus fondée que la limitation du champ d'application de l'assurance construction serait forte.
En toute hypothèse, une telle réduction ne semble pas de nature à pouvoir générer, en l'état actuel des choses, une baisse significative des primes demandées aux constructeurs. Tout au plus pourrait-elle éviter l'accroissement de leur hausse et aboutir à une lente décrue à moyen ou long terme si des conditions économiques favorables le permettaient.
Cependant, le recadrage du champ d'application de l'assurance construction présenterait le mérite de conduire à une meilleure détermination des hypothèses dans lesquelles les constructeurs sont astreints à s'assurer. Certes, la grande extension du champ de l'assurance obligatoire découlant de l'application du critère des travaux faisant appel aux techniques de travaux de bâtiment limite l'ampleur du problème. Mais la frontière des travaux de bâtiment et de génie civil demeure imprécise et génère une incertitude évidente pour les entreprises travaillant dans ce secteur. La même remarque pourrait être faite pour les fabricants d'éléments d'équipement.
C Impact économique pour les assureurs.
43. Les assureurs ont subi les conséquences économiques de l'extension du champ d'application de l'assurance construction obligatoire.
L'interprétation évolutive, adoptée par les tribunaux, des articles 1792 et suivants et le recours à la notion de techniques de travaux de bâtiment, a conduit, indiscutablement, à la prise en charge, par le système d'assurance obligatoire de désordres que les assureurs pouvaient légitimement penser en être exclus, compte tenu des travaux préparatoires et de l'interprétation généralement faite de la loi de 1978 à son origine. Or, dans le système de capitalisation, aujourd'hui en vigueur, la modification du risque garanti en cours de contrat, qui ne peut donner lieu à aucune contrepartie, est, d'évidence, pénalisante pour les assureurs.
L'impact économique de l'évolution jurisprudentielle défavorable aux assureurs est cependant difficile à mesurer avec précision. Les assureurs reconnaissent d'ailleurs, avec objectivité, que l'extension du champ d'application de l'assurance obligatoire ne constitue pas la cause première du déficit du système. Aucun chiffre n'étant fourni, aucune certitude n'est, en la matière, de mise, ni sur le coût de l'extension du champ d'application obligatoire, ni sur l'impact de cette extension sur le retrait d'un certain nombre d'assureurs, dont le nombre n'est d'ailleurs pas précisé. Aucun retrait, au sens juridique du terme, ne semble d'ailleurs s'être produit. Le désengagement se manifeste, en fait, par une très grande prudence de certains assureurs dans l'acceptation de nouvelles prises de risque. Elle se concrétise, par exemple, par la réticence à assurer les constructeurs de maisons individuelles, comme l'a montré l'audition de leurs représentants ou par la saisine, beaucoup plus fréquente, du bureau central de tarification.
Par ailleurs, même si les chiffres d'accroissement des désordres générés par l'extension du champ d'application de l'assurance ne sont pas disponibles, un accroissement particulièrement fort du nombre des sinistres déclarés se produit à partir de 1990, puisque l'on passe d'un peu plus de 60 200 sinistres déclarés, au titre des polices de chantier, en 1990, à 133 200 en 1996.
Les déclarations ont été multipliées par plus de 2 en 6 ans. Même si la mauvaise qualité des constructions justifient, sans doute, pour l'essentiel, cette augmentation vertigineuse, on ne peut exclure que l'évolution jurisprudentielle extensive ait également joué un rôle. Certains désordres qui n'auraient pas été déclarés au vu d'une conception stricte de la loi Spinetta, ont pu l'être compte tenu de l'évolution du champ de l'assurance construction obligatoire. Un argument en ce sens, tient d'ailleurs au fait que la fin des années 80 et le début des années 90 correspondent à la période où la jurisprudence de la Cour de Cassation a entériné certaines conceptions extensives des juges du fond. Une certitude en ce domaine ne pourrait cependant être fournie que par une analyse très fine des déclarations de sinistres intervenus d'une part dans les années 80 et, d'autre part, dans les années 90, elle seule permettant de voir si certains types de sinistres, qui n'étaient pas déclarés dans la première période, l'ont été dans la seconde.
Il n'en demeure pas moins que, même si elle n'est pas chiffrable, et même si elle n'est pas la cause principale du déficit actuel, l'extension du champ d'application de l'assurance construction obligatoire a crée une situation économiquement défavorable pour les assureurs construction.
S'est ainsi développé, chez les assureurs, un fort sentiment de malaise face à l'évolution actuelle de l'assurance construction. Toute une profession est profondément marquée par les dérives du système et le déficit important de ce secteur. Les assureurs ont, en effet, été manifestement surpris par l'évolution jurisprudentielle du champ de l'assurance construction. Quel que soit le bien fondé de cette dernière, ils ne pouvaient pas prévoir que des travaux et des désordres qui paraissaient, au début des années 80, totalement exclus du champ de l'assurance construction obligatoire s'y retrouveraient 10 ans plus tard. La jurisprudence en assimilant, en 1991, les travaux faisant appel aux techniques de travaux de bâtiment aux travaux de bâtiment puis, en 1996, en refusant de faire une différence entre la destination du bâtiment selon qu'il est à usage d'habitation ou industriel, a créé un traumatisme que l'on ne peut ignorer.
44. Reste à déterminer si ces inconvénients ne seraient pas, finalement conjoncturels et s'ils n'appartiendraient déjà pas au passé. La détermination ferme, par la jurisprudence, d'un champ d'application précis de l'assurance construction, fut-il différent de celui prévu à l'origine, n'empêcherait pas, en effet, les assureurs de tenir compte de ce champ élargi pour calculer, dans leurs nouveaux contrats, leurs primes de façon à rendre le système globalement rentable. Dans cette hypothèse, l'extension progressive du champ d'application de l'assurance construction et les déséquilibres économiques qui en ont résulté n'apparaîtraient que comme des phénomènes passagers, comparables, à certains égards, aux inconvénients du passage de la répartition à la capitalisation.
Cette analyse n'apparaît pas, en l'état, pleinement satisfaisante. Les assureurs ont besoin de certitudes juridiques sur lesquelles peuvent être appuyés leurs calculs économiques. Seule une stabilisation jurisprudentielle, sur une longue période, du champ d'application de l'assurance obligatoire pourrait leur permettre de fonder efficacement leurs convictions économiques et, par voie de conséquence, le choix de leurs tarifs. Elle ne s'est pas encore produite, la dernière évolution importante datant de 1996. Les assureurs peuvent, de ce fait, avoir le sentiment légitime que cette extension du champ d'application de l'assurance construction n'est pas terminée. Ils peuvent, ainsi, craindre que le calcul des risques fait au regard de la jurisprudence de 1997 ne soit plus valable en 2005 ou 2007. Ils ont donc un besoin très compréhensible d'être confortés sur l'évolution future du champ d'application de l'assurance construction.
II - ASPECTS JURIDIQUES DU PROBLEME
45. L'étendue du champ d'application du système d'assurance construction obligatoire pose, d'un point de vue juridique, deux questions : le système juridique est-il actuellement satisfaisant ? Une réforme de ce champ d'application serait-elle juridiquement dangereuse ?
A L'actuel champ d'application de l'assurance construction suscite-t-il des problèmes d .ordre juridique ?
46. La réponse à une telle question ne peut être que très mesurée. Aucun problème spécifique n'apparaît, mais un besoin de clarification se manifeste toutefois.
47. Les difficultés que l'on rencontre en matière de délimitation du champ d'application de l'assurance obligatoire et de la responsabilité des constructeurs se retrouvent dans bien d'autres domaines juridiques. Elles sont inhérentes à toute interprétation d'une loi nouvelle par la jurisprudence.
Cette dernière, qui constitue l'une des sources du droit, ne peut éviter, dans son travail normal d'interprétation des textes, de faire oeuvre créatrice. Les termes de dérive jurisprudentielle, parfois utilisés, sont, de ce point de vue, abusifs. Le champ d'application de l'assurance construction n'est, d'ailleurs, pas le seul domaine dans lequel la Cour de Cassation ait fait évoluer la loi dé 1978. Le maintien d'une réception tacite, malgré les termes de l'article 1792-6, est de ce point de vue révélatrice. Les articles L 241-1 et L 242-1 du Code des assurances ne suscitent donc pas de problèmes d'interprétation fondamentalement différents de ceux générés par tout texte législatif.
48. La non spécificité de ces difficultés d'interprétation ne minore cependant pas les inconvénients qui en résultent pour la sécurité juridique. La jurisprudence doit être aidée, dans son interprétation par des textes aussi clairs que possible. Or, tel n'est pas le cas.
En premier lieu, si tant est que l'on ait voulu distinguer clairement le champ d'application de la responsabilité et de l'assurance construction, cette volonté ne s'est pas traduite, de manière totale, dans les travaux préparatoires de la loi. ni le rapport Spinetta, ni le contenu du projet de loi ni les rapports faits tant à l'Assemblée Nationale qu'au Sénat, ni même les discussions parlementaires n'insistent vraiment sur cette distinction entre le bâtiment et l'ouvrage.
Un débat eut cependant lieu, à la deuxième séance du 19 décembre 1977 (JOAN p 8997), à propos d'un amendement no 98 de M. Mésmin qui voulait supprimer dans le premier alinéa de l'article L 241-1, les termes «à propos des travaux de bâtiment». M. Mésmin souhaitait, en effet, que soient inclus, dans le champ d'application de l'assurance, les travaux de génie civil industriel ou agricole. La réponse de M. Foyer, président de la commission des lois, fut la suivante : Sur le fond des choses, il n'a jamais été dans la philosophie de ce texte de faire coïncider l .obligation d'assurance avec la responsabilité de l'article 1792 du code civil. L'objet du texte est d'accorder une garantie maximale à une catégorie de personnes qui traitent avec un constructeur au sens large, c'est-à-dire à tous ceux qui se font construire un logement. Lorsqu'il s'agit de la construction d'un bâtiment industriel ou à usage économique, de génie civil, la construction n'a plus le même caractère social, les malfaçons n'entraînent plus les mêmes problèmes humains, ne déclenchent plus les mêmes réactions politiques. Il devient donc véritablement excessif de généraliser à tel point l'obligation d'assurance car tout ce à quoi vous réussirez, c'est alors à faire gagner de l'argent aux compagnies d'assurance et augmenter le coût de la construction sans véritable profit pour l'économie générale et sans qu'il soit nécessaire de défendre de la même manière des clients qui, pour ces catégories de travaux, ont beaucoup plus de défenses que celui qui est à la recherche d'un logement pour sa famille. Par conséquent, cet amendement ne me paraît pas bon. Il me semble même économiquement tout à fait inopportun. L'assemblée serait bien inspirée de ne pas l'adopter. Monsieur Barrot, Secrétaire d'Etat, rajoute de son côté que le gouvernement est très hostile à cet amendement qui traite les ouvrages de génie civil de la même manière que les logements. S'il y a obligation d .assurance, c'est pour les usagers des seconds et non pas des premiers. De même, dans le rapport fait à l'Assemblée par M. Richomme (rapport no 3368. 1re session ordinaire de 1978-1979 p 47) il est dit dans l'esprit même à la réforme, dont le but essentiel est de protéger l'usager en matière d'habitat.. la commission suivant son rapporteur, a adopté un amendement excluant de l'obligation d .assurance les bâtiments industriels et les bâtiments d'exploitation agricole.
49. La volonté du législateur s'avère donc ambiguë. La lecture des travaux préparatoires, ci-dessus mentionnés, montre en effet que si les termes de la loi paraissent cantonner l'assurance obligatoire aux travaux de bâtiment, dans l'esprit du gouvernement et des parlementaires qui ont discuté de la loi du 3 janvier 1978, ce sont essentiellement les bâtiments d'habitation qui devaient bénéficier de l'assurance obligatoire. L'assurance construction était considérée comme une institution protectrice du logement. Il n'est donc pas surprenant que la jurisprudence, confrontée à cette équivoque et au vide textuel découlant de l'annulation de l'arrêté du 17 nov. 1978, ait élaboré sa propre définition. Les choses se sont d'ailleurs compliquées dans la mesure où les jurisprudences de la première et de la troisième chambre civile n'ont pas toujours été concordantes. La première chambre civile a, en effet, adopté, comme le montre la jurisprudence décrite dans la première partie, une conception extensive du champ d'application de l'assurance obligatoire, et a entraîne, dans son sillage, une troisième chambre civile plus réticente.
De plus, certains arrêts ont fait entrer, dans le champ d'application obligatoire de l'assurance construction, des ouvrages de génie civil alors que, parallèlement, la Cour de Cassation se ralliait au critère de techniques de travaux de bâtiment lequel, sauf à refuser aux mots leurs sens, commande d'exclure les travaux de génie civil. Un certain trouble provient d'ailleurs du fait que la première chambre civile après avoir utilisé sa fameuse formule relative aux techniques des travaux de bâtiment dans l'arrêt du 26 février 1991 (Bull nos 75 p 49) décidait le 9 avril 1991 (Bull I no 133 p 89) qu'une station de métro entrait dans le champ d'application de l'assurance obligatoire. Or, une telle station de métro fait appel pour le moins autant aux techniques de génie civil qu'aux travaux de bâtiment.
Des confusions évidentes s'installent, en conséquence, dans l'esprit des juges du fond. Une utilisation souvent indifférenciée des notions d'ouvrage, de bâtiment et de travaux de bâtiments se produit. L'obligation d'assurance tend à découler, pour certaines juridictions, de la simple réalisation d'un ouvrage.
Une clarification apparaît donc nécessaire.
B Une modification des textes génèrerait-elle une insécurité juridique ?
50. Deux craintes se manifestent qui tiennent aux conditions d'élaboration et d'interprétation d'un texte nouveau.
51. Les conséquences du passage au parlement d'un texte nouveau sont, en premier lieu, redoutées. Beaucoup craignent que le parlement, à l'occasion d'amendements successifs, ne transforme profondément le texte, et n'aboutisse à modifier, d'une manière imprévue, le système actuel. De tels risques ne peuvent être négligés. Les avatars malheureux de la loi du 31 décembre 1989 ont, de ce point de vue, profondément marqué les esprits.
L'incertitude qui pèse, en la matière, sur les débats parlementaires n'est cependant pas supérieure à celle qui est inhérente à tout cheminement législatif. Même s'il apparaît très sensible, ce qui est normal, à chacun des différents acteurs impliqués dans sa mise en oeuvre, le système actuel de responsabilité et d'assurance construction, n'est pas un des sujets de société les plus conflictuels que pourrait avoir à traiter le parlement.
Le risque est d'ailleurs à géométrie variable. Il peut être plus ou moins important selon la formulation du projet de loi, le nombre d'articles modifiés et l'ampleur des modifications proposées. Mais il existe incontestablement, un vote bloqué sur un tel sujet, étant difficilement imaginable. Le gouvernement n'a pas de raisons majeures de vouloir éviter un débat qui demeurera, en toute hypothèse, beaucoup plus technique que politique et qui consistera, pour les parlementaires à arbitrer entre les différents groupes d'intérêt défendant légitimement leurs points de vue respectifs.
52. Une fois un texte nouveau adopté, se poserait le problème de son interprétation par les tribunaux générant une nouvelle période d'incertitude.
Cependant, là encore, le risque est d'inégale ampleur. Face à un texte entièrement nouveau, une incertitude jurisprudentielle se manifeste que l'on peut estimer, comme le montre l'interprétation de la loi de 1978, s'étendre sur plus de 20 ans. Les problèmes d'application du texte qui se manifestent doivent, en effet, remonter la hiérarchie des différentes juridictions pour aboutir à une jurisprudence ferme de la Cour de Cassation ou du Conseil d'Etat.
Toutefois, le risque jurisprudentiel est plus faible en matière de textes interprétatifs puisque, de par leur but même, ces derniers ne sont pas destinés à créer des normes nouvelles mais à aider la jurisprudence à interpréter des textes anciens qui ont fait difficulté.
D'un point de vue général, d'ailleurs, refuser une réforme en raison des risques parlementaires de son adoption et des risques jurisprudentiels de son interprétation aboutirait à figer définitivement le droit textuel et à ne reconnaître un pouvoir créateur qu'à la jurisprudence, ce qui n'est pas dans l'esprit du système français. Pour prendre un exemple récent de droit de la construction, la garantie de paiement offerte aux constructeurs par l'article 1799-1 du code civil constituait un sujet au moins aussi sensible que celui de l'assurance construction. Fallait-il renoncer à la réforme parce que le parlement pouvait adopter un texte différent de celui qui était initialement prévu ou parce que cet article nouveau met en jeu des notions qui devront être progressivement interprétées et crée donc, notamment pour les maîtres d'ouvrage, une incertitude évidente ?
Toute modification du droit existant ne peut donc être, a priori, rejetée au regard des risques éventuels d'insécurité juridique qu'elle pourrait faire subir. Elle doit, cependant, s'efforcer de limiter au maximum de tels risques. De ce point de vue, une réforme importante du système de 1978, qui n'a d'ailleurs pas été demandée s'avère totalement exclue.
TROISIEME PARTIE
ELEMENTS DE PROPOSITIONS
53. Les rédacteurs de ce rapport disposent, dans le cadre de leur mission, d'une totale liberté quant au contenu de leurs propositions. Ils estiment cependant nécessaire de tenir compte d'un certain nombre d'éléments qu'ils considèrent comme essentiels.
- Tout d'abord, il leur a paru important de ne pas modifier profondément un système qui, comme on l'a vu, peut être considéré, même dans ses développements actuels, comme globalement satisfaisant. Le rapprochement des domaines de l'assurance construction et de la responsabilité des constructeurs, non prévu à l'origine, présente des avantages, qui ne peuvent être méconnus, de simplicité juridique et de garantie étendue pour les maîtres d'ouvrage. Un bouleversement de l'équilibre jurisprudentiel actuel conduirait à des interrogations graves quant à l'impact économique du nouveau système et générerait une nouvelle période d'incertitude juridique, qui irait à l'encontre du but recherché. Toute réforme ne peut donc être que très prudente sous peine de heurter un attachement réel au système actuel et d'accroître les inévitables peurs face à tout changement.
- Ensuite, les droits de ceux que l'on peut appeler, par commodité de langage, les consommateurs immobiliers, ne doivent pas être atteints. Le législateur a fait, depuis 1967, des efforts considérables pour accroître constamment la protection de ceux qui font construire ou acquièrent un logement pour se loger. Toucher, directement ou indirectement, aux droits successivement offerts, par la loi et par la jurisprudence, aux consommateurs immobiliers serait donc considéré comme un pas en arrière, ce dernier ne serait conforme ni à l'évolution du droit tant national que communautaire, ni même à l'esprit incontestable de la loi de 1978, comme le montrent les extraits des travaux parlementaires mentionnés plus haut. Remettre en cause la protection du logement, et plus généralement, du secteur d'habitation serait une démarche psychologiquement incomprise et économiquement injustifiée.
- Il parait également nécessaire de faire des propositions qui, sans supprimer le libre pouvoir de débat des parlementaires, tiennent compte de la nécessité de ne pas reprendre la discussion sur l'ensemble de la loi de 1978 et soient donc de nature à circonscrire clairement le champ d'une éventuelle réforme.
- De plus, les propositions retenues doivent tendre, en tenant compte des arguments avancés par chacun, à s'inscrire dans les voies d'un certain consensus, tout en respectant l'intérêt général qui, en cette matière comme dans d'autres, ne se résume pas à la somme ou au plus petit dénominateur commun des intérêts particuliers.
- Enfin, au regard de la nécessaire efficacité du droit et de sa facilité d'utilisation, les propositions doivent aboutir à un système dont la simplicité et l'impact économique soient le plus lisible possible, tout en répondant aux nécessités du moment.
Une éventuelle clarification du champ d'application de l'assurance construction obligatoire doit donc tenir compte de ces contraintes. Son domaine sera étudié avant que ne soient examinés sa méthode et son contenu précis.
I. DOMAINE D'UNE EVENTUELLE CLARIFICATION DU CHAMP
DE L'ASSURANCE CONSTRUCTION OBLIGATOIRE
54. L'une des critiques les plus constantes des professionnels est relative au champ d'application non pas de l'assurance construction obligatoire mais de la responsabilité décennale elle-même. Elle tient au caractère éminemment imprécis et à l'extension fréquemment dénoncée de la notion d'impropriété de destination figurant à l'article 1792.
Les auteurs du présent rapport, tout en reconnaissant que cette notion donne effectivement lieu, parfois, à des applications surprenantes, se refusent néanmoins à proposer son encadrement. L'impropriété de destination est une notion de fait, appréciée souverainement, selon une jurisprudence constante, par les juges du fond (La Cour de cassation vérifie simplement la constatation effective, par les juges du fond, d'une telle impropriété : Cass 3e civ, 31 mai 1995 RGAT 1995 618 note d'Hauteville, 9 juil. 1997 Jurisdata nos 003314 ; Cette impropriété de destination doit s'apprécier par rapport à l'ensemble de l'ouvrage : Cass 3e civ, 7 déc 1978, Bull III nos 174, 23 jan 1991 Bull III nos 30 ; 28 fév 1996 Bull III nos 57, RGAT 1996 p 658 note Karila). Elle s'avère, dès lors, impossible à réglementer, sauf à vouloir rentrer dans une casuistique incompatible avec la rigueur législative. Elle est, de surcroît, fréquemment utilisée pour protéger le maître d'ouvrage consommateur immobilier. Vouloir l'encadrer conduirait donc, indirectement mais nécessairement, à remettre en cause les droits acquis du consommateur immobilier ce qui poserait des problèmes évidents au regard de l'orientation actuelle de la législation.
55. Il parait, en revanche, aisé et utile de donner satisfaction à ceux qui craignent, légitimement, que la mauvaise rédaction de l'article L 241-1 du Code des assurances, qui s'applique à toute personne dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants ne fasse entrer dans le champ de l'assurance de responsabilité obligatoire, la responsabilité biennale. La modification de ce texte ne pose, en effet, pas de difficulté. Elle conduirait à ajouter, à l'alinéa 1er du texte, après le mot responsabilité, le terme de décennale
Les difficultés essentielles sont, toutefois, ailleurs.
Les assureurs construction, demandeurs d'une clarification du champ d'application de l'assurance construction et, en toute hypothèse, premiers intéressés à une telle modification, n'insistent d'ailleurs pas sur ces difficultés tenant à l'impropriété de destination. Ils formulent des demandes précises mais, somme toutes, assez limitées.
Dans les Propositions pour l'amélioration du dispositif de l'assurance construction faites, en avril 1996, par la Fédération Française des Sociétés d'Assurance (p 21) on lit sous l'intitulé «mesure souhaitée» (au singulier) les lignes suivantes : » la notion de travaux de bâtiment n'est certes pas aisée à cerner, mais là encore, si l'on se réfère aux objectifs de la loi de 1978, l'idée première était d'assurer une protection pour l'homme. Cette idée est d'ailleurs confortée par les dérogations d'assurance dommages ouvrage, ces dérogations ne portant pas sur les constructions à usage d .habitation. C'est donc bien la destination première de l .ouvrage qui doit être prise en compte. Partant de cette idée, les ouvrages de génie civil et les équipements qui ont une fonction exclusivement d'exploitation, n'ont pas lieu d'être intégrés dans l'assurance obligatoire. On retrouve les mêmes termes, à peu de chose près, dans le document de l'APSAD Direction construction intitulé «pour une définition des travaux de bâtiment». De même, dans sa note au groupe de travail, le 7 juillet 1997, le Fédération du Bâtiment demande que la redéfinition des travaux exclut les équipements industriels et le gros génie civil. Cette exclusion du génie civil étant également souhaitée par la Fédération Nationale des Travaux Publics, un certain consensus des demandeurs se manifeste sur deux points : l'exclusion de tels ouvrages d'une part, l'exclusion des éléments d'équipement professionnel d'autre part.
A Les ouvrages de génie civil
57. Les ouvrages de génie civil, au moins s'ils sont autonomes et non annexes à un autre ouvrage, présentent d'évidentes spécificités qui permettent d'en faire une catégorie à part.
Ils sont tout d'abord commandés par des maîtres d'ouvrage disposant d'un poids économique certain, qu'il s'agisse de maîtres d'ouvrages publics ou de maîtres d'ouvrages privés très importants. Ils sont ensuite souvent réalisés suivant des techniques différentes de celles des travaux de bâtiment, même si ce critère est loin d'être absolu, et par des professionnels différents, regroupés d'ailleurs au sein d'une fédération professionnelle distincte, la FNTP. Enfin, le risque qu'ils présentent, sans doute moins fréquent qu'en matière de bâtiment, peut s'avérer nettement plus coûteux. Il parait donc, compte tenu de ces différences, possible de les isoler et de les sortir du champ d'application de l'assurance construction obligatoire. Cette dernière n'a pas été conçue pour eux. La rédaction des clauses types montre que ces dernières ont été pensées pour assurer une indemnisation rapide et complète du consommateur immobilier. Les délais très brefs retenus en matière de dommages ouvrage, les dispositions relatives aux franchises et la jurisprudence relative aux plafonds de garantie en assurance de responsabilité civile perdent une partie de leur pertinence si on les applique à des ouvrages de génie civil. Ces éléments sont de nature à justifier l'exclusion formelle de tels ouvrages du champ d'application de l'assurance construction obligatoire
Cette option permet de donner satisfaction à la F.N.B, à la F.N.T.P, à la F.F.S.A. Elle présente également l'avantage de lever l'incertitude qui pèse sur le champ d'application de l'assurance de responsabilité obligatoire des constructeurs. Ces derniers se trouvent, en effet, comme nous l'avons vu plus haut, dans une situation délicate ne sachant pas s'ils doivent ou non souscrire l'assurance obligatoire alors que leur abstention fautive est constitutive, au moins en droit, d'une infraction pénale. Une clarification s'avère donc nécessaire, même si elle ne concerne qu'une catégorie somme toute très réduite d'ouvrages.
58. Elle ne parait d'ailleurs pas de nature à porter atteinte aux intérêts des autres groupes concernés. Peu de maîtres d'ouvrages commandent des ouvrages autonomes de génie civil. Ceux qui le font, qui ne sont jamais des consommateurs immobiliers, sont suffisamment avertis pour prendre une assurance facultative de dommages ouvrage. Ils sont également suffisamment puissants, d'un point de vue économique, pour exiger de leurs cocontractants la souscription d'une assurance de responsabilité civile couvrant les travaux de réalisation de l'ouvrage.
D'ailleurs, l'obligation de souscrire une assurance dommages ouvrage ne s'applique déjà pas, en vertu de l'article L 242-1 alinéa 2 du Code des assurances aux personnes morales de droit public. Il en va de même pour les personnes morales de droit privé exerçant une activité dont l'importance dépasse les seuils mentionnés au dernier alinéa de l'article L 111-6 du même code lorsque ces personnes font réaliser, pour leur compte, des travaux de bâtiment pour un usage autre que d'habitation, c'est-à-dire lorsqu'elles remplissent deux des trois conditions suivantes : total du dernier bilan supérieur à 6,2 millions d'euros ; montant du chiffre d'affaire du dernier exercice supérieur à 12,8 millions d'euros ; nombre de personnes employées en moyenne au cours du dernier exercice supérieur à 250 (article L 111-6 et R 111-1 du Code des assurances). Les ouvrages autonomes de génie civil, commandés, dans la grande majorité des cas, par des personnes privées ou publiques non soumises, rationne personne, à l'assurance de dommages obligatoire échappent donc, déjà, de fait, au champ d'application de cette assurance.
Les architectes pourraient, de leur coté, craindre que les entrepreneurs, n'étant plus, en la matière, soumis à une assurance obligatoire ne s'abstiennent d'en souscrire une, ce qui conduirait leur propre assurance à devoir dédommager, seule, les troubles constatés. Ils n'interviennent, cependant pas toujours dans ce type d'opération et peuvent, dans le cas contraire, éviter un tel transfert de charges en privilégiant le choix d'entreprises dûment assurées. Ils sont en effet déjà responsables, vis à vis du maître d'ouvrage, du choix d'une entreprise non assurée (CA Toulouse, 18 fév. 1992, RD Imm 1992 528 obs Leguay ; CA Pau 10 jan. 1996 JCP 1996 IV nos 1452. La mission complète de l'architecte inclut, en effet, la sélection des entreprises devant être retenues par le maître d'ouvrage et sa responsabilité peut être engagée en cas de carence en ce domaine : Cass 3e civ., 21 mai 1980 JCP, 1980, IV, 287 ; 8 oct. 1980, JCP, 1980 IV 416, RD lmm, 1981, p. 76, obs.Malinvaud et Boubli ; CA Versailles 20 nov. 1987, Gaz Pal 5-6 f. 1988, p.11, RD Imm, 1988, p. 211, obs. Malinvaud et Boubli).
B Les éléments d'équipement professionnel
59. L'Arrêt de la première chambre civile de la Cour de Cassation du 26 mars 1996 (Bull III no 149 p 104), indiquant qu'aucune distinction ne devait être faite, au regard de l'assurance obligatoire, selon que les techniques d de travaux de bâtiment mises en oeuvre concernent un local d'habitation ou un local industriel ou commercial, a ouvert un débat sur le champ d'application de l'assurance construction obligatoire aux équipements professionnels et créé une inquiétude certaine chez les fabricants de tels éléments d'équipement et surtout chez les assureurs. Même si l'arrêt ne dit pas que de tels éléments d'équipement entrent dans le champ d'application de l'assurance construction obligatoire, sa formule est suffisamment large pour pouvoir, le cas échéant, générer des solutions plus extrêmes de la part des juges du fond, voire, dans l'avenir une nouvelle évolution de la Cour de cassation.
Le souhait des assureurs et des constructeurs de voir écartés du champ d'application de l'assurance construction de tels équipements professionnels paraît légitime, non seulement au regard de leur besoin de sécurité juridique, mais encore de la philosophie profonde de la loi de 1978. En effet, sans qu'il soit même besoin de se référer aux travaux préparatoires de la loi, de tels éléments d'équipement professionnel, fussent-ils installés dans un bâtiment à usage professionnel, n'ont aucun lien, si ce n'est leur lieu d'installation, avec la construction. Les entreprises les fabriquant ne sont pas des entreprises de construction, pas d'ailleurs davantage, la plupart du temps que celles qui les installent sur le site. Les désordres de tels matériels relèvent donc, sauf exception, du droit de la vente, et éventuellement, s'ils ont fait l'objet d'une commande spécifique, du louage d'ouvrage. Mais s'ils sont alors locateurs d'ouvrages, leurs fabricants ne deviennent pas, pour autant, constructeurs. Tout autre raisonnement conduirait inéluctablement, à terme, à considérer comme élément d'équipement d'un bâtiment tout bien dont la fonction normale est de s'y trouver.
60. Une définition de l'élément d'équipement du bâtiment s'avère donc nécessaire, pour distinguer ce qui ressort du droit de la construction, au sens large du terme, et ce qui lui est étranger. Une telle démarche ne devrait pas soulever d'objection de la part des consommateurs dans la mesure où elle ne concerne que des éléments d'équipement liés à une activité industrielle, commerciale ou plus généralement professionnelle. Les maîtres d'ouvrage ne sont pas davantage affectés dans la mesure où, actuellement, la jurisprudence n'a pas dit que de tels éléments d'équipements industriels entraient dans le champ d'application de l'assurance construction. Ils ne semblent d'ailleurs pas souhaiter les y voir entrer.
L'exclusion des éléments d'équipement professionnel du seul champ d'application de l'assurance construction obligatoire pourrait toutefois générer une difficulté. Elle pourrait faire penser qu'ils entrent, a contrario, dans le champ de la responsabilité des constructeurs. Tel n'est pas le cas. Les éléments d'équipement industriel, et plus généralement professionnel, sont extérieurs au champ d'application du droit de la construction. Leur exclusion du champ d'application de l'assurance obligatoire n'est donc que la conséquence de leur extériorité par rapport au champ d'application de la garantie décennale de l'article 1792. On ne peut donc ici éviter de préciser le champ d'application de la responsabilité des constructeurs et non celui de la seule assurance construction.
61. Les rédacteurs de ce rapport proposent donc, compte tenu des éléments développés plus haut :
- d'exclure clairement du champ d'application de l'assurance construction les ouvrages de génie civil autonomes ;
- d'affirmer expressément l'exclusion du champ d'application de la responsabilité spécifique des constructeurs, des éléments d'équipement professionnels d'un bâtiment ou d'un ouvrage.
II. METHODE D'UNE EVENTUELLE CLARIFICATION DU CHAMP DE L'ASSURANCE CONSTRUCTION OBLIGATOIRE
62. D'un point de vue technique, trois mécanismes de modification du champ d'application de l'assurance construction sont envisageables : un décret, une loi d'habilitation, une loi simple.
Le recours à un décret est exclu pour des raisons juridiques. Le champ d'application de l'assurance construction étant fixé par la loi, seule celle-ci peut le modifier, d'autant qu'il détermine l'un des éléments constitutifs d'une infraction pénale.
Le véritable choix se situe donc entre la loi d'habilitation et la loi ordinaire. Trois arguments militent en faveur de cette dernière.
En premier lieu, le recours à une loi d'habilitation paraît constitutionnellement délicat. La jurisprudence du Conseil constitutionnel dite de l'incompétence négative, oblige le législateur à exercer la plénitude de ses compétences lorsque la question en cause entre dans le champ d'application de article 34 de la Constitution, ce qui est le cas. Le transfert de pouvoir n'est alors admis que s'il est strictement encadré par le législateur, ce qui réduit considérablement la marge de manoeuvre de l'exécutif (cf. C Const 19-20 juil 12983 Rec p 49 ; 1S jan 1992 JO 18 jan 1992 p 883 ; 21 fév 1992 JO 29 fév 1992 p 3122 ; 28 juil 1993 rec p 533-5 ; 13 jan 1994 JO 15 jan 1994 p 829 ; 30 déc 1995 JO 31 déc 1995 p 19111).
En second lieu, une telle loi d'habilitation, en la supposant possible, placerait le pouvoir réglementaire en situation délicate. En effet, compte tenu du caractère opposé, voire conflictuel des positions en cause, de fortes pressions seraient exercées sur le gouvernement, rendant son travail difficile.
L'idée de confier à la Commission technique de l'assurance construction l'élaboration d'un texte, séduisante a priori, parait donc incompatible avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel mentionnée plus haut. Elle risquerait fort, de plus, de conduire à une impasse. La composition de cette commission est, en effet, très proche de celle des groupes de travail qui se sont réunis au cours de l'année 1996, et en particulier du groupe de travail no 3, qui n'a pu se mettre d'accord sur une redéfinition du champ d'application de l'assurance construction. Il s'avère donc peu probable que les mêmes personnes, représentant les mêmes intérêts, puissent trouver, en 1998, un accord qui leur avait été impossible en 1996.
Enfin, la fixation du champ d'application de l'assurance construction obligatoire par décret, fut-ce sur le fondement d'une loi d'habilitation présente un dernier inconvénient. Les textes réglementaires se modifient plus facilement que les lois dans la mesure où la procédure s'avère moins lourde. On ne peut donc exclure un risque de pression constante sur les gouvernements successifs en vue d'une modification du texte générant, de ce point de vue une grande insécurité juridique pour le futur.
63. En définitive, le recours à une loi ordinaire est la seule solution utilisable, même si elle ne peut présenter une sécurité absolue. Députés et sénateurs peuvent, parfois contre l'avis du gouvernement, modifier les projets qui leur sont présentés. Une certaine limitation des risques s'avère cependant possible, en cantonnant l'objet de la discussion.
De ce point de vue, il n'est pas certain, en dépit des apparences, qu'une définition très détaillée des types d'ouvrage inclus ou exclus du champ d'application de l'assurance construction soit moins génératrice de risques qu'une définition globale, plus courte car s'attachant à des catégories plus larges. L'insertion d'une liste relativement longue dans la loi s'avère peu conforme à la tradition législative française. Certes, des codes comme le Code de l'urbanisme, le code général des impôts, celui de la construction ou du travail, nous ont habitués à des articles longs et détaillés. Cependant, la qualité rédactionnelle de ces recueils législatifs est trop critiquée pour qu'ils puissent servir d'exemple. Il est, de ce fait, exclu de transposer, dans un article de loi, la liste d'ouvrages, de surcroît indicative, de la circulaire no 79 du S avril 1979 qui occupait 3 pages dactylographiées. De plus, chaque mot, même bien choisi, étant vecteur d'incertitude et source d'interprétation pour les tribunaux, une loi courte est souvent plus sécurisante qu'une loi longue.
III. CONTENU D'UNE EVENTUELLE CLARIFICATION DU CHAMP DE L'ASSURANCE CONSTRUCTION OBLIGATOIRE
64. Nous verrons successivement les modalités proposées pour formaliser la mise à l'écart, du champ de la responsabilité des constructeurs, des éléments d'équipement professionnel, et pour exclure les ouvrages de génie civil du champ d'application de l'assurance construction obligatoire.
A Les modalités d'exclusion des éléments d'équipement professionnel.
La nécessité d'exclure ces éléments d'équipement professionnel du champ d'application de la responsabilité des constructeurs, ou plus précisément d'en préciser l'exclusion qui a toujours été considérée, jusqu'à présent, comme évidente, nécessite de modifier le code civil. Il n'est pas, techniquement, envisageable de reprendre un à un les différents articles du code faisant référence à des éléments d'équipement du bâtiment. Les rédacteurs du présent rapport suggèrent donc la création d'un article nouveau qui pourrait prendre la dénomination de 1792-7 et serait ainsi libellé :
Sont considérés comme des éléments d .équipement d'un ouvrage, au sens des articles 1792 et 1792-4, ou comme des éléments d'équipement d'un bâtiment au sens des articles 1792-2 et 1792-3, les seuls éléments d'équipement nécessaires à la destination immobilière de cet ouvrage ou de ce bâtiment à l'exclusion de ceux qui sont spécifiques à l'activité économique devant y être exercée.
Cette définition vise à distinguer, aussi clairement que possible, ce qui ressort du droit de la construction et ce qui lui est étranger. Elle n'est pas très éloignée des idées de base ayant présidé aux conclusions du rapport Spinetta de 1975 qui renvoyait dans le droit commun tout ce qui s'avérait, étranger, dans l'ouvrage, à la fonction construction (cf Rapport Spinetta § 4. 23 qui considérait d'ailleurs que cette responsabilité de droit commun devait être maintenue au moins pendant deux ans, d'où l'origine de garantie biennale).
65. Ainsi, un immeuble destiné à recevoir un service informatique ne sera propre à cette destination que si les câblages nécessaires à cette activité ont été parfaitement posés et que si la climatisation nécessaire à l'exigence d'une température constante a été installée et fonctionne normalement. Tous ces éléments sont donc nécessaire pour permettre l'accueil de cette activité économique. En revanche, il n'en va pas de même du matériel informatique lui-même dont le non fonctionnement peut pourtant porter atteinte à la destination de l'immeuble, au sens large du terme.
De même, en matière industrielle, entrent dans la destination immobilière du bâtiment tous les éléments nécessaires à recevoir les machines prévues. En revanche, ces machines elles-mêmes, spécifiques à l'activité devant être exercée dans les lieux, et étrangères au secteur de la construction, ne peuvent être couvertes par la garantie décennale. Ainsi, un socle de béton nécessaire à l'installation d'une machine, les particularités de la structure du bâtiment nécessaire à l'accrochage ou à la fixation des machines entrent dans la destination immobilière du bâtiment, pas les machines elles-mêmes. Les friteuses d'une installation de restauration rapide sont extérieures au droit de la construction, au contraire du plan de travail destiné à les recevoir. Il en va de même d'une chaîne de montage ou d'un système de tuyauterie purement industriel, même s'il traverse les murs ou s'y trouve fixé. La solution est identique, en matière agricole, pour des trayeuses ou d'autres matériels spécifiques à cette activité.
Bien entendu, les chaudières d'un bâtiment, et plus généralement les dispositifs de chauffage ou de climatisation, ou encore d'éclairage ou de déplacement, comme les ascenseurs, les dispositifs d'aération entrent dans les éléments d'équipement soumis aux articles 1792 et suivants.
66. Par ailleurs, l'élément d'équipement industriel, s'il fait appel, au moins pour partie à des techniques de construction, et s'il est suffisamment important est susceptible d'être considéré comme un ouvrage en lui-même, soumis, à ce titre aux règles de la responsabilité des constructeurs et, en particulier à la décennale (cf Cass 3e civ. 18 nov 1992, Bull III nos 298 p 184, RD Imm 1993 81 obs Malinvaud et Boubli, pour une chaudière équipée d'un brûleur et une pompe à chaleur dont l'évaporateur était associé à une pompe de 20 m3). Il en ira différemment s'il est simplement posé sur le sol. S'appliquera alors à lui la jurisprudence refusant l'application de l'article 1792 à un mobil home (Cass 3e civ. 28 avril 1993 Bull III nos 56 p 36,JCP 1993 22103 note H Perinet-Marquet, RD Imn1 1993 379 obs Malinvaud et Boubli, RGAT 1993 846, Detrenois 1994 423 obs Dubois, AJPI 1994 377 obs Karila).
La définition proposée exclut du champ d'application de la responsabilité décennale et biennale les éléments d'équipement spécifiques à l'activité économique susceptible d'être exercée dans le bâtiment ou dans l'ouvrage. L'adjectif «spécifique» vise à limiter au maximum les problèmes de frontières entre ce qui ressort de la destination immobilière d'une part, et de la destination professionnelle d'autre part. Tout élément d'équipement qui n'est pas spécifique à l'activité économique devant être exercée dans l'ouvrage entre donc dans le champ d'application des responsabilités biennales, décennales et, pour ces dernières, de l'assurance construction obligatoire.
Le texte de cet éventuel article 1792-7, pourrait donc offrir une frontière suffisamment claire pour que la jurisprudence puisse la préciser sans trop de difficultés. Sans remettre en cause la plupart des solutions admises, la définition qu'il retient aboutirait à éviter les risques d'une nouvelle extension du champ d'application de la responsabilité des constructeurs et de l'assurance construction, émanant, notamment, de juges du fond troublés par la définition de la première chambre civile de 1996.
B Les modalités d'exclusion des ouvrages de génie civil.
67. Les ouvrages de génie civil, comme tous les ouvrages, entrent indiscutablement dans le champ d'application de la garantie décennale de l'article 1792. En revanche, compte tenu de leur particularisme, et de la volonté, incontestable, sur ce point, du législateur, ils peuvent être expressément exclus du champ de l'assurance obligatoire.
La confirmation de cette exclusion suppose, toutefois, de distinguer clairement ces ouvrages de génie civil des autres ouvrages. De ce point de vue, deux voies techniques sont envisageables : une définition positive ou la détermination d'exclusions
1/ Exclusion par une définition positive
68. Les difficultés soulevées par les définitions jusque-là envisagées ont conduit à la recherche de solutions nouvelles.
a) Inconvénients des définitions présentées
69. La Fédération Française des Sociétés d'Assurance a proposé la définition positive suivante :
On entend par travaux de bâtiments, au sens des articles L 241-1 et L 242-1 du Code des assurances, les travaux dont l'objet est de réaliser ou de modifier des ouvrages terrestres durables à caractère immobilier ayant pour fonction principale d'offrir un abri pour l'homme et ses biens contre les éléments naturels extérieurs.
Les travaux dont l'objet est de réaliser ou de modifier les éléments d'équipement destinés à l'habitabilité desdits ouvrages, à l'exclusion de tous les autres sont également des travaux de bâtiment.
Un texte très proche a été proposé, par la Fédération Nationale du Bâtiment.
Rédigées dans un style parfaitement juridique, ces contributions présentent l'avantage de préciser, de manière assez brève, la notion de travaux de bâtiment. Elles suscitent, cependant, un certain nombre de difficultés.
70. La notion d'ouvrage durable ou non temporaire pose un problème de définition délicat. Sauf à entrer dans un débat difficile de non application de la garantie décennale à des ouvrages destinés à avoir une durée de vie inférieure à dix ans, l'exclusion du champ de l'assurance obligatoire doit être limitée à des ouvrages temporaires en raison de leur destination, comme par exemple des baraques de chantier. Cependant, la référence à un caractère non temporaire dans une définition du champ d'application de l'assurance construction n'apparaît pas, pour autant, opportune. D'une part, en effet, aucun problème jurisprudentiel ne semble s'être posé en la matière. Le bon sens poussant à l'exclusion a donc prévalu. D'autre part, exclure expressément des ouvrages immobiliers non durables du champ d'application de l'assurance construction, pourrait, a contrario, laisser entendre qu'ils ne seraient pas exclus du champ d'application de la responsabilité décennale. Or, l'exclusion de tels ouvrages de l'assurance obligatoire ne se justifierait que s'ils étaient inclus dans le champ de la responsabilité des constructeurs, ce qui n'est pas le cas.
71. De même, la référence au caractère terrestre de l'ouvrage ne paraît pas utile. Elle est, en grande partie, redondante avec celle faite à la nature immobilière de l'ouvrage. Des meubles, fussent-ils devenus immeubles par destination, sont clairement exclus du champ d'application de la décennale, comme le montre la jurisprudence relative au mobil home, citée plus haut. Un jugement récent a adopté la même solution pour des travaux réalisés sur une péniche (TGI Nanterre, 21 juin 1996 RD Imm 1996 575 obs Malinvaud).
72. Mais le problème principal de la définition proposée tient à sa notion centrale d'abri pour l'homme et ses biens.
Cette référence, juridiquement peu parlante, présente, tout d'abord, l'inconvénient, compte tenu du caractère strict de sa formulation, d'exclure, du champ d'application de l'assurance obligatoire, de nombreux ouvrages que la jurisprudence y a fait entrer. Ainsi, un mur d'enceinte, des V.R.D, un tennis, une piscine entourant un bâtiment se trouveraient exclus. Un certain nombre de ces difficultés peuvent, toutefois, se trouver résolues par une adjonction maintenant, en toute hypothèse, dans le champ de l'assurance obligatoire, les ouvrages annexes à des bâtiments, ce qui ne fait que formaliser la théorie de l'accessoire, déjà retenue par la jurisprudence.
Cependant des incertitudes et des exclusions choquantes demeurent. Ainsi un tennis implanté sur le terrain d'une maison d'habitation serait considéré comme son annexe et donc, à ce titre, entrerait dans le champ d'application de l'assurance obligatoire. Il en irait différemment s'il était réalisé indépendamment de tout bâtiment ou s'il se trouvait, par exemple, de l'autre côté d'une route par rapport aux bâtiments d'habitation (serait-il alors considéré comme une annexe des bâtiments ?). De même, le problème du stade n'est pas vraiment réglé. Est-il raisonnable de faire une différence au regard de l'obligation d'assurance, entre le stade dont les tribunes sont couvertes, ne sont que partiellement couvertes ou ne le sont pas du tout ? Peut-on admettre que les différentes parties du même stade soient soumises à des régimes différents ? De même encore, la station de métro dont l'APSAD souhaite dans ses notes de février 1997 à la Direction du Trésor, qu'elle soit expressément exclue du champ de l'assurance construction ne le serait pas forcément au regard de la définition retenue. Ne pourrait-on pas considérer, par exemple, qu'une station de métro aérien a pour fonction principale d'offrir un abri pour l'homme dans la mesure où, dans le cas contraire, elle pourrait très bien ne pas être recouverte. De même, dans une gare, serait-il raisonnable de soumettre à l'assurance construction obligatoire les quais couverts, ou plus exactement, les portions de quais couvertes et d'en exclure celles qui ne le seraient pas, alors que souvent ils font l'objet d'un même marché ? Le passage piéton souterrain doit-il être exclu parce qu'il n'a pas pour fonction principale d'offrir un abri mais d'être un lieu de passage alors qu'une passerelle entre deux immeubles, par exemple entre deux grands magasins, entrerait dans le champ d'application de l'assurance obligatoire parce qu'elle a le mérite d'être un passage couvert alors que la couverture n'y est pas obligatoire ?
Ces différents exemples montrent bien la difficulté de recourir, en la matière, à un critère comme l'abri par rapport aux éléments naturels extérieurs, qui indépendamment même de tout problème de couverture peut encore susciter des difficultés. A titre d'exemple, les centrales électriques offrent un abri à ceux qui y travaillent. Les jetées qui réalisent un port artificiel constituent, pour les bateaux, un abri contre les éléments naturels extérieurs. Les unes et les autres sont pourtant considérées comme d'incontestables travaux de génie civil.
b) Recherche de définitions nouvelles
73. On pourrait alors penser à substituer la notion de volume à celle d'abri, le champ d'application de l'assurance construction étant alors subordonné à la création, dans l'ouvrage, d'un volume intérieur utilisable par l'homme ou pour les biens. Ce critère évite certains des problèmes qui viennent d'être évoqués, mais, malheureusement, en génère d'autres. Un hangar, des tribunes de stades couvertes génèrent-elles un volume intérieur ? Qu'en est il pour le caisson d'un pont qui offre le passage à des canalisations conséquentes ?
74. Pas d'avantage satisfaisant serait le recours à la notion d'habitation. En effet, même en y incluant des annexes, limiter le champ d'application de l'assurance construction aux seuls immeubles d'habitation conduirait à en exclure les travaux de bâtiment afférents à des commerces ou des bureaux, dont les maîtres d'ouvrage, ne disposant pas de compétences particulières, méritent une protection au titre de l'assurance construction. De surcroît, l'utilisation d'un immeuble peut varier dans le temps, y compris au cours de la période décennale. Que se passerait-il si un immeuble de bureaux, invendu, se retrouvait utilisé pour l'habitation ?
75. La notion de génie civil, en elle-même, n'est pas davantage utilisable dans la mesure où, depuis 1978, de nombreuses circulaires se sont essayées sans succès réel à la cerner de manière indiscutable (celle du 5 avril 1979 indique d'ailleurs que le terme génie civil, communément utilisé par les maîtres d'ouvrage par référence à la destination des ouvrages plus qu'à des techniques particulières de construction recouvre des travaux appartenant au domaine infrastructure et industrie). Elle est, en effet, une notion fonctionnelle et non juridique sur laquelle les techniciens semblent d'ailleurs, eux-mêmes, en désaccord. L'un des critères les plus exacts, en la matière, serait, sans doute, de prendre en compte l'affiliation respective des entreprises réalisant les travaux, à la Fédération des Travaux Publics et celle du Bâtiment mais d'évidence un tel critère est trop aléatoire pour pouvoir être juridiquement pris en compte.
76. Une définition positive des travaux de bâtiment n'est pas, pour autant, impossible. Il s'avère en effet envisageable d'utiliser des termes plus neutres que ceux d'abri ou de volume mais, néanmoins juridiquement significatifs.
En ce sens, pourrait être proposée la formule suivante qui s'insérerait dans un nouvel article L 243-9 du Code des assurances :
Sont considérés comme des travaux de bâtiment, au sens des articles L 241-1 et L 242-1 du Code des assurances, les travaux relatifs à un ouvrage immobilier destiné à titre principal à être occupé par des personnes ou à contenir des biens, ainsi qu'à ses annexes.
Au sens de l'alinéa précédent, sont considérés comme des annexes, les ouvrages accessoires à un ouvrage immobilier, réalisés soit dans le cadre de la même opération immobilière, soit, postérieurement, mais sur la même unité foncière.
La définition des ouvrages annexes, indispensable pour éviter toute ambiguïté, s'appuie sur la notion d'unité foncière, différente de celle de parcelle cadastrale, que le droit des lotissements utilise, sans difficultés majeures, au travers de l'article R 315-1 du Code de l'urbanisme. Au sens de ce texte, constitue une unité foncière, toute parcelle ou ensemble de parcelles présentant une unité géographique d'un seul tenant, c'est-à-dire n'étant pas séparée par une voie publique ou privée, sauf si la voie privée sépare deux parcelles appartenant au même propriétaire.
La définition proposée présente l'avantage de résoudre un certain nombre des difficultés mentionnées plus haut. Elle évite, notamment, les ambiguïtés inhérentes aux notions de volume ou d'abri. Cependant, elle aboutit à faire entrer dans le champ d'application de l'assurance construction des ouvrages que beaucoup considèrent comme de pur génie civil, par exemple, tous les stades, et tous les ouvrages industriels, lesquels soit sont occupés par des personnes soit contiennent des biens. En fait, cette définition positive conduit à n'exclure véritablement de l'assurance construction obligatoire que les ouvrages d'infrastructure au sens strict du terme, ce qui pourra paraître trop restrictif.
Mais, une autre possibilité consiste à déterminer les exclusions possibles
2) Exclusion par une définition négative
77. Dresser une liste d'exclusions revient à faire coïncider, par principe, les domaines respectifs de la responsabilité des constructeurs et de l'assurance construction.
a) Coïncidence de principe des domaines respectifs de la responsabilité des constructeurs et de l'assurance construction
78. Etablir une liste d'exclusion aboutit, a contrario, à inclure implicitement dans le champ d'application de l'assurance construction tous les ouvrages n'y étant pas expressément mentionnés. Cette logique du Tout sauf conduit à faire très largement coïncider le domaine de la responsabilité décennale et celui de l'obligation d'assurance, ce qui ne respecte sans doute pas la volonté initiale du législateur mais aboutit à un système simple et fiable, que la jurisprudence a d'ailleurs, déjà consacré dans les faits. Certains juges du fond utilisent, ainsi, la notion d'ouvrage comme seul critère d'application de l'assurance construction obligatoire. De même, les articles 1792-2, 1792-3 sont appliqués, sans états d'âme, aux éléments d'équipement d'un ouvrage comme à ceux d'un bâtiment (cf par exemple CA Versailles 23 septembre 1987 jurisdata no 040892 pour l'application de l'article 1792-2 à une installation électrique défectueuse d'un court de tennis ; CA Aix 24 fév 1994 jurisdata nos 042123 pour son application au revêtement de cuves de vinification ; CA Rouen 20 mai 1986 jurisdata no 41140 pour la soumission à la garantie biennale du revêtement mural d'une piscine).
Dans cette approche, pour assurer une parfaite harmonie entre le fait et le droit et pour simplifier le droit applicable, les notions de bâtiment et de travaux de bâtiment pourraient être exclues de la loi de 1978 et remplacées par celle, unique, d'ouvrage. Un article d'un éventuel projet pourrait donc venir préciser que :
- Dans les articles 1792-2 et 1792-3, le mot bâtiment est remplacé par le mot ouvrage
- Dans l'intitulé du titre IV du livre 11 du Code des assurances, les termes «des travaux de bâtiments» sont remplacés par ceux de «construction obligatoire»
- Dans l'article L 241-I les termes «à propos de bâtiment» sont supprimés
- Dans l'article L 242-1 les termes «des travaux de bâtiment» sont remplacés par «un ouvrage».
Les termes de l'article 1792-7 dont la création a été suggérée plus haut seraient modifiés en conséquence pour devenir alors :
Sont considérés comme des éléments d .équipement d'un ouvrage, au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3, et 1792-4, les seuls éléments d'équipement nécessaires à la destination immobilière de cet ouvrage, à l'exclusion de ceux qui sont spécifiques à l'activité économique devant y être exercée.
Les ouvrages exclus du champ d'application de l'obligation d'assurance devraient, ensuite, être déterminés.
b) détermination des ouvrages exclus du champ d'application de l'assurance obligatoire
79. Deux catégories d'ouvrages, bien différents, sont habituellement rassemblées sous le terme «génie civil», comme le montrent la circulaire de 1979 et le projet de liste de 1996 : les ouvrages d'infrastructure et les autres.
80. Les ouvrages d'infrastructure ne posent pas de difficultés majeures quant au principe de leur exclusion. Leur détermination précise est cependant nécessaire. Elle pourrait s'appuyer sur une définition déjà existante dans la législation française. En effet, de tels ouvrages sont exclus du champ d'application du permis de construire. A ce titre, ils sont définis à l'article R 421-1 1° et 2° du Code de l'urbanisme. Il ne saurait s'agir, cependant, de reprendre à l'identique la définition donnée par ce texte qui a un objet différent, ni a fortiori, d'y renvoyer. Cette dernière technique serait d'ailleurs dangereuse dans la mesure où un tel article, de nature réglementaire, peut être sujet à modifications et pourrait d'ailleurs être revu à l'occasion d'une future réforme du permis de construire, annoncée en 1996 et bloquée par le changement de législature en 1997.
81. Les autres ouvrages de génie civil constituent un ensemble plus disparate, regroupant le génie civil industriel comme les centrales électriques, les unités de stockage, les stades et les piscines non couvertes. Toute approche catégorielle est, à leur égard, insatisfaisante. Les méthodes de réalisation et les problèmes techniques n'ont rien de commun entre le petit stade rural et le grand stade de France, entre le pateaugeoir d'un jardin public et la piscine olympique, entre une centrale nucléaire et une micro centrale hydraulique.
Il ne parait donc pas opportun de soumettre au même régime des ouvrages portant le même nom mais de nature, en fait, différente. Seule l'importance de l'ouvrage peut être un critère satisfaisant d'exclusion en la matière. Cette quantification étant, elle-même, délicate, le plus simple serait de n'exclure du champ de l'assurance construction que des ouvrages d'un coût supérieur à un chiffre donné. Ce chiffre pourrait être fixé par décret pris après avis de la commission technique de l'assurance.
82. En s'inspirant ainsi de ces éléments, il serait envisageable de créer un article L 243-9 du Code des assurances qui serait ainsi libellé :
Ne sont pas des ouvrages soumis aux assurances obligatoires régies par les articles L 241-1 et L 242-1 du Code des assurances,
- les canalisations, lignes ou câbles ainsi que leurs supports ;
- les aménagements maritimes, lacustres ou fluviaux ainsi que les ouvrages d'infrastructure ferroviaire, routière piétonnière ou aéroportuaire ;
- les installations industrielles ou sportives d'un coût supérieur à un seuil fixé par un décret pris après avis de la commission technique de l'assurance construction.
Sont néanmoins soumis aux assurances obligatoires régies par les articles L 241-1 et L 242-1 du Code des assurances, les ouvrages, mentionnés à l'alinéa précédent, qui, accessoires à un ouvrage soumis lui-même à l'obligation d'assurance, sont réalisés soit dans le cadre de la même opération immobilière soit, postérieurement, mais sur la même unité foncière.
83. Le deuxième alinéa du texte proposé est d'une grande importance. Il vise à maintenir, en toute hypothèse, dans le champ d'application de l'assurance obligatoire, tous les ouvrages annexes à un ouvrage entrant dans le champ d'application de l'assurance construction. Ainsi les V.R.D. afférents à un ouvrage, ses routes et trottoirs d'accès demeurent soumis à l'obligation d'assurance.
Cette limite, conforme à la jurisprudence actuelle, est logique dans la mesure où de tels ouvrages doivent suivre le même régime que l'ouvrage qu'ils sont destinés à desservir. La référence à une même opération immobilière permet, par exemple, de ne pas exclure du champ de l'assurance obligatoire la voirie des lotissements. Ces éléments conditionnent, en effet, souvent l'habitabilité future des maisons construites dans le lotissement et constituent, de ce fait, avec la garantie d'achèvement offerte par les articles R 315-33 et suivants du Code de l'urbanisme, un élément essentiel de la protection juridique des colotis.
84. La première exclusion, directement inspirée de l'article R 421-1 1° du Code de l'urbanisme, concerne les canalisations, lignes ou câbles ainsi que leurs supports. Elle vise à exclure du champ d'application de l'assurance obligatoire tous les travaux relatifs à des canalisations, pipe-lines, oléoducs, installations électriques ou téléphoniques, téléphériques, télésièges, remontes pente, la notion de lignes ou câbles étant de ce point de vue suffisamment vaste pour pouvoir être interprétée largement. Dans un certain nombre de cas, un ouvrage soumis à l'obligation d'assurance (bâtiment technique de régulation de l'installation électrique, caisse ou local technique du remonte pente ou du téléphérique...) se trouve proche de l'ouvrage de génie civil dont l'exclusion de ce champ d'application est proposée. Cette présence ne devrait pas aboutir, au regard de la définition retenue, à faire entrer ces diverses installations dans le champ d'application de l'assurance construction obligatoire. De telles installations ne sont, en effet, pas accessoires à l'ouvrage soumis à l'obligation d'assurance, le bon sens commandant de considérer que c'est l'ouvrage qui est l'annexe de l'installation. La caisse du téléphérique ou le bâtiment de sectionnement électrique, ouvrage accessoire, demeurerait donc soumis à l'assurance obligatoire sans que cette obligation ne s'étende à l'installation elle-même, ouvrage principal.
85. La deuxième exclusion est extrapolée de l'article R 421 2° du Code de l'urbanisme. Elle vise l'aménagement maritime lacustre ou fluvial ainsi que les ouvrages d'infrastructure ferroviaire, routière, piétonnière ou aéroportuaire.
Les termes de travaux d'aménagements maritime lacustre ou fluvial ont été préférés à ceux d'ouvrages portuaires ou d'infrastructures fluviales dans la mesure où ils sont plus généraux. L'exclusion des travaux d'aménagement fluvial peut ainsi englober tous les travaux réalisés dans ou sur un cours d'eau qu'il s'agisse d'écluses, de quais, de barrages, de digues. De même, les termes de travaux d'aménagement maritime permettent d'exclure du champ de l'assurance construction obligatoire, non seulement les travaux d'infrastructure portuaire proprement dits, mais également ceux de protection de la côte et ceux d'aménagement du littoral, même s'ils sont extérieurs aux ports eux-mêmes. Le même raisonnement peut être fait pour des aménagements lacustres.
Sont en revanche repris quasiment mot à mot de l'article 421-1 2° les termes relatifs aux ouvrages d'infrastructure routière, piétonnière, aéroportuaire ou ferroviaire. Le génie civil relatif à la réalisation de voies de communication se trouve ainsi exclu, ce qui est souhaité par quasiment tous les professionnels. Le sort des ponts, routes ou tunnels se trouve ainsi réglé. Certaines précisions doivent cependant être apportées en ce qui concerne des ouvrages particuliers comme les parkings, les stations de métro ou les quais de gare.
En ce qui concerne les parkings, une distinction doit tout d'abord être faite entre les parkings à étages qu'ils soient aériens ou souterrains et les parkings à l'air libre. Les premiers peuvent difficilement être considérés comme de simples ouvrages d'infrastructure routière. Ils demeureraient donc dans le champ d'application de l'assurance obligatoire. Les parkings réalisés sur le sol seraient eux, en revanche, a priori, exclus de ce champ d'application sauf s'ils étaient l'accessoire d'un ouvrage soumis à l'assurance obligatoire, selon les critères indiqués plus haut.
Les tunnels de métro constituent indéniablement, dans la conception retenue, des ouvrages exclus. En revanche, la station elle-même n'est pas un ouvrage d'infrastructure mais plutôt de superstructure (au moins par rapport au niveau de la voie). Il parait donc normal que son aménagement continue d'être soumis à l'assurance obligatoire. Il n'y a d'ailleurs pas de différences fondamentales entre une station de métro et un parking souterrain. Le même raisonnement peut parfaitement s'appliquer à une gare ferroviaire.
86. La dernière catégorie d'exclusions vise deux types d'ouvrages considérés par la circulaire de 1979 comme étant de génie civil : les installations industrielles et sportives, qu'elles soient ou non couvertes. Le seuil d'application, dont la raison d'être a été expliquée plus haut (cf supra nos 81), doit être suffisamment haut pour que seuls des maîtres d'ouvrage d'une puissance économique certaine soient exclus du champ d'application de l'assurance obligatoire. Il ne doit, néanmoins, pas être trop élevé pour ne pas priver l'exception proposée de toute portée réelle. La Commission technique de l'assurance construction pourrait choisir un seuil spécifique ou, par mesure de simplicité, reprendre l'un des seuils existant déjà dans la législation, notamment l'un de ceux relatifs aux marchés publics, le chiffre s'appliquant, en notre matière aussi bien aux marchés publics que privés. Cette méthode de choix serait d'ailleurs d'autant plus intéressante, en pratique, que la plupart des marchés de génie civil sont des marchés publics. Le seuil retenu évoluerait, de surcroît, automatiquement. Sa pertinence technique est, cependant, laissée à l'appréciation des professionnels concernés.
87. La définition retenue permet donc, en des termes relativement brefs, d'exclure la grande majorité des ouvrages considérés par les professionnels comme étant de génie civil, du champ d'application de l'assurance construction. Même si les termes peuvent générer quelques inévitables difficultés d'interprétation, les auteurs du présent rapport tiennent à signaler que des termes quasi identiques à ceux utilisés pour les deux premières exclusions figurent dans le Code de l'urbanisme depuis 1986 et que ces termes n'ont donné lieu, en près de douze ans, à aucun contentieux significatif. Or, la construction sans permis est une infraction pénale strictement sanctionnée, qui, à ce titre, donne lieu à un important contentieux tant du Conseil d'Etat que de la Chambre criminelle de la Cour de cassation. L'absence de toute difficulté en ce domaine, au regard du permis de construire, montre bien que les termes utilisés par le pouvoir exécutif, en 1986, avaient été bien choisis. Leur transposition dans le secteur de l'assurance construction ne devrait donc pas générer de difficultés majeures.
RECAPITULATIF DES PROPOSITIONS FORMULEES
Les auteurs du présent rapport suggèrent, pour clarifier le champ d'application de l'assurance construction, l'adoption de l'une des deux propositions alternatives suivantes :
PREMIERE PROPOSITION
Art. 1. - Dans l'article L 241-1 alinéa 1er du Code des assurances, après les mots «la responsabilité», est ajouté le terme «décennale».
Art. 2. - Est créé, dans le Code des assurances, un article L 243-9 ainsi libellé :
Sont considérés comme des travaux de bâtiment, au sens des articles L 241-1 et L 242-1 du Code des assurances, les travaux relatifs à un ouvrage immobilier destiné, à titre principal, à être occupé par des personnes ou à contenir des biens, ainsi qu'à ses annexes.
Au sens de l'alinéa précédent, sont considérés comme des annexes, les ouvrages, accessoires à un ouvrage immobilier, réalisés soit dans le cadre de la même opération immobilière, soit, postérieurement, mais sur la même unité foncière.
- Est inséré dans le code civil un article 1792-7 ainsi libellé :
Sont considérés comme des éléments d'équipement d'un ouvrage, au sens des articles 1792 et 1792-4, ou comme des éléments d'équipement d'un bâtiment au sens des articles 1792-2 et 1792-3, les seuls éléments d'équipement nécessaires à la destination immobilière de cet ouvrage ou de ce bâtiment, à l'exclusion de ceux qui sont spécifiques à l'activité économique devant y être exercée.
DEUXIEME PROPOSITION
Art. 1. - Dans les articles 1792-2 et 1792-3, le mot «bâtiment» est remplacé par le mot «ouvrage».
- Dans l.intitulé du titre IV du livre ll du Code des assurances, les termes «des travaux de bâtiments» sont remplacés par ceux de «construction obligatoire»
- Dans l'article L 241-1, les termes «à propos de bâtiment» sont supprimés et, après les mots «la responsabilité», est ajouté le terme «décennale».
- Dans l'article L 242-1, les termes sont remplacés par les mots «un ouvrage».
Art. 2. - Est créé dans le Code des assurances un article L 2 4 3 - 9 ainsi libellé :
Ne sont pas des ouvrages soumis aux assurances obligatoires régies par les articles L 241-1 et L 242-1 du Code des assurances;
- les canalisations, lignes ou câbles ainsi que leurs supports ;
- les aménagements maritimes, lacustres ou fluviaux ainsi que les ouvrages d'infrastructure ferroviaire, routière piétonnière ou aéroportuaire ;
- les installations industrielles ou sportives d'un coût supérieur à un seuil fixé par un décret pris après avis de la Commission technique de l'assurance construction.
Sont néanmoins soumis aux assurances obligatoires régies par les articles L 241-1 et L 242-1 du Code des assurances les ouvrages mentionnés à l'alinéa précédent qui, accessoires à un ouvrage soumis lui-même à l'obligation d'assurance, sont réalisés soit dans le cadre de la même opération immobilière soit, postérieurement, mais sur la même unité foncière.
- Est inséré dans le code civil un article 1792-7, ainsi libellé :
Sont considérés comme des éléments d'équipement d'un ouvrage, au sens des articles 1792, 1792-2 et 1792-3, et 1792-4, les seuls éléments d'équipement nécessaires à la destination immobilière de cet ouvrage à l'exclusion de ceux qui sont spécifiques à l'activité économique devant y être exercée.
CONCLUSION
Les modifications proposées par les rédacteurs de ce rapport, s'avèrent donc, somme toute limitées et, néanmoins de nature à résoudre les deux difficultés, actuelles aussi bien que futures, que suscite le champ d'application de l'assurance construction obligatoire. Ces propositions, si elles étaient suivies, ne seraient pas à elles seules de nature à restaurer l'équilibre de l'assurance construction. Elles pourraient cependant rétablir la confiance des assureurs en la sécurité juridique du système, simplifier la tâche des constructeurs, et en particulier, de ceux réalisant des ouvrages de génie civil sans toucher, de manière significative, à la situation actuelle des maîtres d'ouvrage et des maîtres d'oeuvre. Elles constituent un point d'équilibre entre les positions tranchées des uns et des autres et n'ont d'autres ambitions que de rapprocher les points de vue et de susciter un débat sur leur contenu qui puisse conduire par la suite, sur les voies d'un consensus.