En annonçant à la mi-juin un plan de renaturation doté de 500 millions d'euros, le gouvernement a mis un coup de projecteur sur un levier majeur d'adaptation des villes au changement climatique : la végétalisation, qui permet de créer des îlots de fraîcheur et limite ainsi l'effet des canicules.
Moins de goudron, plus d'arbres, la recette paraît simple. Mais en pratique, développer la présence du végétal dans l'espace urbain pose des questions de faisabilité et d'acceptabilité. « La ville s'est largement construite en opposition à la nature, pour lutter contre les désagréments du monde sauvage. Le retour de la pleine terre en lieu et place du bitume n'a donc rien d'évident, rappelle le paysagiste Jean-Marc Bouillon. Végétaliser impose d'établir un diagnostic suffisamment clair et pragmatique pour qu'il soit partagé par l'ensemble des acteurs, à commencer par les usagers et les services techniques. »

Réduire les besoins en arrosage. Copilote avec l'Ademe et la Caisse des dépôts du plan de renaturation, le Cerema mène déjà de nombreuses missions d'accompagnement auprès de collectivités désireuses de verdir leurs espaces publics. « Végétaliser implique de sortir de l'aménagement de la ville tel qu'on le conçoit depuis quelques décennies. La première condition, c'est de dés imperméabiliser les sols pour permettre l'infiltration en surface des eaux de pluie, et donner aux plants l'espace nécessaire pour se développer », résume Karine Maubert-Sbile, responsable d'études développement des territoires au Cerema. D'autres mesures peuvent aider à la croissance des végétaux, comme l'implantation de noues ou la réorientation des gouttières vers des mini-fosses plutôt que vers les réseaux d'assainissement. Autant de solutions qui visent à réduire les besoins en arrosage et les risques de stress hydrique, face aux effets déjà sensibles du changement climatique sur la ressource en eau et les températures subies par les plants.
Le choix des formes de végétation est lui aussi décisif. Il doit tenir compte à la fois des possibilités du sol - notamment en centre-ville où parkings et réseaux limitent le potentiel de développement racinaire - et des contraintes d'usages. Varier les formes de végétation (arbustes, arbres) et les essences permet à la fois de limiter les risques allergiques et d'améliorer la résilience globale de l'écosystème. Fin 2020, le Cerema a publié un guide, Sésame, pour accompagner les collectivités dans le choix des arbres, en comparant leurs services écosystémiques (régulation du climat, fixation des particules fines, accueil de la biodiversité…) et leur capacité d'adaptation au milieu urbain. L'introduction d'essences nouvelles doit aussi permettre d'anticiper les évolutions attendues des climats locaux.

Créer des îlots verts. Reste une question centrale : où planter ? Une première approche s'appuie sur la trame verte et bleue pour créer des continuités végétales, par ailleurs favorables à la biodiversité. « Cette démarche permet de relier la renaturation de la ville à d'autres enjeux d'usages. Par exemple, un alignement d'arbres va créer du confort d'été pour les mobilités actives (marche, vélo), en limitant la place de la voiture le cas échéant », souligne Karine Maubert-Sbile du Cerema.
Une autre approche est celle des oasis, ces îlots verts qui visent à apporter une source de fraîcheur aux populations les plus exposées aux canicules. « En travaillant sur l'agglomération de Blois (Loir-et-Cher), nous avons calculé qu'en végétalisant seulement 2 % du territoire, on pouvait avoir un impact positif pour 16 % de la population, indique le paysagiste Jean-Marc Bouillon. Les sites les plus propices sont souvent situés dans l'espace privé : parkings de centres commerciaux, parcs de copropriétés, jardins individuels… » Dans tous les cas, quelle que soit l'approche choisie, l'objectif de végétaliser impose en premier lieu de définir une stratégie globale de transformation du paysage, en cohérence avec les autres outils de planification de la ville.