Quels financements européens pour les organismes HLM ?

Feder, FSE, Interreg, prêt BEI… plusieurs dispositifs européens ont été sollicités par les bailleurs sociaux français pour cofinancer des réhabilitations thermiques, de nouveaux process d’économie circulaire ou, plus rarement, la construction de logements. Si la complexité des dossiers a posé des difficultés ces dernières années, les dispositifs trouvent peu à peu preneurs.

Réservé aux abonnés
Argent euros
Plusieurs dispositifs européens ont été sollicités par les bailleurs sociaux français pour cofinancer, notamment, des réhabilitations thermiques.

Face à la diminution des financements de l’État au profit du logement social, l’Union européenne peut-elle offrir des solutions ? Environ 140 représentants de bailleurs sociaux se sont penchés sur la question vendredi 5 avril 2019 à Paris, à l’occasion d’une journée professionnelle organisée par l’USH. « Ce n’est pas simple de quitter le régime des subventions, mais les fonds structurels européens sont importants dans un contexte où l’ensemble des contributions financières au logement social baissent, voire disparaissent », estime la vice-présidente de la Fédération nation des associations régionales HLM (Fnar) en charge des questions européennes, Muriel Boumier.

Pour le directeur des affaires européennes de l’USH à Bruxelles Laurent Ghekiere, les bailleurs sociaux peuvent et doivent profiter d’un contexte leur est plus favorable qu’auparavant. Si le logement social n’est pas une compétence européenne, il est en revanche « désormais perçu par la Commission européenne comme un instrument à part entière pour mettre en œuvre les politiques de l’UE en matière de rénovation thermique, de lutte contre le changement climatique, de cohésion et d’inclusion sociale », observe-t-il.

Plus de 600 projets d’organismes HLM accompagnés par le Feder

Cela étant, les bailleurs sociaux peuvent bénéficier depuis plusieurs années déjà d’aides européennes à travers les fonds structurels. « Entre 2007 et 2013, 630 projets portés par des bailleurs sociaux ont reçu un soutien du Fonds européen de développement régional (Feder) pour des projets de rénovation thermique et 500 dossiers sont en cours d’examen pour la période 2012-2020 », chiffre ainsi Carine Puyol, membre de la mission affaires européennes de l’USH. « 25 000 ménages bénéficient aujourd’hui d’un meilleur confort thermique grâce à cette subvention européenne », ajoute-t-elle.

Des organismes français ont aussi fait appel au programme Interreg (financé par le Feder), en partenariat avec des homologues européens. C’est le cas de Paris Habitat, pour son projet « Charm » d’économie circulaire et de réemploi des matériaux de chantier à la caserne de Reuilly dans le XIIe arrondissement, et de Vilogia et ICF Habitat, pour des projets de rénovation énergétique « E=0 ».

Le Fonds social européen (FSE) accompagne aussi des projets de bailleurs sociaux en matière de soutien à l’inclusion sociale via accès au logement des populations marginalisées.

« Pas tout rose »

« Mais le bilan n’est pas tout rose », tempère Carine Puyol. Car les organismes HLM doivent franchir plusieurs obstacles, dès la constitution des dossiers (en anglais), particulièrement compliqués. À tel point que Paris Habitat a dû faire appel à un cabinet extérieur pour monter son dossier Interreg. « Nous n’étions pas capables de prendre en charge ce premier dossier seul », témoigne Bertrand Bret, en charge des questions internationales de l’office parisien. Quelques rares organismes, comme Pas-de-Calais Habitat, ont créé un poste de « chargé de recherche de partenariats financiers ». Mais il reviendra plutôt aux futurs regroupements, comme les SAC (Sociétés anonymes de coordination), d’assurer la recherche de financement, note Laurent Ghekiere.

Autre difficulté au démarrage spécifique au programme Interreg : « par définition il faut trouver des partenaires européens diversifiés de par leur localisation mais aussi leurs missions puisqu’il faut mêler secteurs public et privé, la recherche et la capacité d’industrialisation… », explique Bertrand Bret. Il suggère aux organismes de se rapprocher du réseau EFL (European Federation for Living) pour trouver des collaborateurs étrangers.

Embouteillages à la région

Globalement, en ce qui concerne le Feder, l’instruction des dossiers par les régions peut être laborieuse. Depuis le transfert de compétences, les conseils régionaux ont dû internaliser cette activité, un vrai challenge pour ces collectivités qui ont eu du mal à former ou recruter des personnes qualifiées, d’autant plus sous « budget contraint », note Pascal Gruselle, conseiller affaires européennes de l’ARF. Le processus a aussi été compliqué par la réforme de la carte régionale.

Résultat : les dossiers à instruire ont pris du retard, provoquant des « embouteillages », explique Philippe Cichowlaz, responsable des affaires européennes aux CGET. « 50 % de la programmation [2014-2020] s’est faite en deux ans et demi, entre mars 2016 et décembre 2018 », indique Philippe Cichowlaz, soulignant « des potentiels de consommation » encore à mobiliser.

Améliorer la collaboration entre bailleurs sociaux et région

Selon Sylvie Ruin, directrice de l’AR HLM des Hauts-de-France, bailleurs sociaux et région doivent élaborer en « étroite collaboration » l’analyse des besoins en Feder, « pour bien calibrer la stratégie financière et déterminer des critères de performance ». À l’avenir, elle appelle à « trouver un juste équilibre entre la recherche de l’exemplarité et l’hyperperformance et celle de la massification, en fixant des indicateurs de performance moins ambitieux, mais plus atteignables ».

Selon les régions, les AR HLM, se sont plus ou moins investies pour faire l’interface, poursuit-elle, observant un « suivi précis des processus d’instruction » en Auvergne ou encore une formation auprès des bailleurs sociaux en Bretagne pour expliquer le processus d’instruction Feder. « Il faut faire preuve de patience mutuelle », reconnaît Florence Levy, en charge de ces dossiers à la région Grand Est Champagne Ardennes, « mais il y a eu une vraie montée en puissance et appropriation des outils ».

Les organismes et les régions doivent en outre mettre en place un suivi rigoureux pour montrer que les objectifs ont été atteints (l’UE n’autorise un taux d’erreur que de 2 %) et surtout démontrer que le programme ne fait pas l’objet de surcompensation. Un « casse-tête » en l’absence d’outils de suivi fournis par l’UE, que les parties prenantes tentent de résoudre en partenariat avec le Commissaire général à l’égalité des territoires (CGET), via l’élaboration d’une grille nationale d’indicateurs.

Financements du côté du plan Juncker

Des financements sont aussi à aller chercher du côté du Plan Juncker, relayé en France par la Caisse des dépôts. À noter à cet égard que si le réseau d’office Canopée a réussi en janvier 2019 à décrocher un prêt directement auprès de la BEI (lire ci-dessous), cette dernière n’a pas l’intention de renouveler l’opération, comptant plutôt s’appuyer sur la CDC comme intermédiaire.

107 M€ de la BEI au réseau Canopée : une fois mais pas deux

L’exemple du réseau Canopée, qui a obtenu 107 millions d’euros de prêts à taux fixe sur 25 ans directement auprès de la Banque européenne d’investissement (BEI) a fait rêver plus d’un bailleur social. Avec ce prêt, le GIE de quatre OPH a pu compléter des financements traditionnels pour construire des logements sociaux (1 000) et intermédiaires (200) et réhabiliter 4 200 logements. « Mais la BEI n’a ni les moyens ni l’envie de répliquer l’opération », souligne la déléguée générale de Canopée, Pauline Dumontier. Elle rappelle que ce prêt a été accordé dans un contexte particulier, juste après les annonces de la LFI 2018, et que la BEI travaille maintenant avec la Banque des territoires sur une nouvelle offre de prêts à taux fixe.

Outre ces aides obtenues par les organismes auprès de l’UE, trois dispositifs nourris de financements européens sont distribués par la CDC, qui « sert d’intermédiaire entre l’Union et les bailleurs sociaux selon un principe d’universalité », rappelle le responsable du développement à la direction des prêts de la Banque des territoires, Pierre Laurent.

500 millions d’euros ont ainsi été mobilisés par l’UE entre 2016 et 2018 sous forme de prêts à taux fixe pour des « projets d’intérêt général », essentiellement tournés vers de réhabilitation thermique. Ils ont permis de financer, en complément de l’éco-prêt, plus de 520 « petites » opérations (77 % d’entre elles avaient un budget de moins d’un million d’euros) sur l’ensemble du territoire.

Le représentant de la Banque des territoires rappelle aussi que la Banque européenne d’investissement (BEI) a financé la moitié des ressources de la première enveloppe des Prêts de haut de bilan bonifiés (PHBB) proposés par l’ex-CDC, à hauteur d’1 milliard d’euros.

Enfin, un dispositif mis en place avec la Banque du développement du Conseil de l’Europe (CEB) dédié à « l’habitat spécifique » (jeunes, personnes âgées, migrants), toujours en cours, peut servir notamment à rénover des foyers de jeunes travailleurs, financer des Ephad et des logements étudiants. Deux prêts, de 100 millions d’euros chacun, ont par exemple permis à Adoma (CDC Habitat) de rénover des foyers de travailleurs migrants et de transformer des hôtels Formule 1 en hébergements d’urgence.

Garanties de prêts d’Invest UE

À partir de 2021, l’ensemble des instruments d’investissement du plan Juncker (et éventuellement une partie des fonds structurels) seront regroupés dans un fonds « InvestEU ». Ce fonds devrait être doté d’un total de 38 milliards d’euros de garantis de prêts, pour financer des actions en matière d’infrastructure durable (11,5 milliards) - dont la rénovation thermique fait partie - ; de recherche, innovation et numérisation (11,25 milliards) ; les PME (11,25 milliards) et les investissements sociaux - comprenant le logement social - (4 milliards d’euros).

La Commission a proposé qu’un nouvel objectif stratégique soit été ajouté, pour « Une Europe plus proche des citoyens ». Il pourrait inclure des projets portés par de petites collectivités locales (et non les régions) en faveur des quartiers sensibles, des zones rurales, désindustrialisées ou en déclin. Ce cinquième objectif doit encore être discuté par le Conseil européen et les futurs eurodéputés.

Globalement les priorités changent peu et c’est sur la rénovation des bâtiments et la lutte contre le réchauffement climatique que les bailleurs sociaux pourront aller chercher le plus de financements, indique le délégué général à la politique régionale et urbaine de la Commission européenne, Alain Van Raek. Mais plusieurs intervenants ont appelé les bailleurs sociaux à tenter leurs chances sur d’autres types d’actions, comme l’innovation et la recherche.

CEB et appels à projets : des pistes sous-exploitées par les HLM français

Autre source de financement sous-sollicitée selon Laurent Ghekiere : la CEB ou Banque de développement du Conseil de l’Europe, qui compte 41 États membres, dont la France (qui finance à hauteur de 17 %). Cette banque propose des prêts et garanties pour financer des projets de cohésion économique, sociale et territoriale dans de multiples secteurs, dont le logement social.

Or la CEB souhaite financer davantage de « projets innovants et ciblés sur les populations les plus vulnérables à travers des prêts directs ou intermédiés (via des banques publiques comme la Banque des territoires ou commerciales) », indique Elif Timur, responsable pays. Elle entend aussi promouvoir des projets axés sur la « cohésion sociale et le développement du logement social dans l’UE ». « 8 milliards d’euros ont été décaissés par la CEB dans le secteur du logement social ces dernières années, tous pays membres confondus, soit environ 20 % de notre enveloppe totale », poursuit-elle. Elle note de grosses différences entre pays : « la France nous sollicite beaucoup moins que la Belgique ou les Pays-Bas ».

Il existe enfin des appels à projets européens par secteur d’activité sur lesquels les Français, et en particulier les bailleurs sociaux ne sont pas encore très présents. Par exemple l’Opac 38 à Grenoble a obtenu 3,57 millions d’euros dans le cadre de l’appel à projet sur la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (qui s’appellera « Horizon Europe » à partir de 2021) pour aménager un quartier à consommation d’énergie quasi nulle en lien avec d’autres pays européens. Le programme « Life » qui s’adresse notamment à la qualité de vie est aussi à étudier.

Abonnés
Baromètre de la construction
Retrouvez au même endroit tous les chiffres pour appréhender le marché de la construction d’aujourd'hui
Je découvreOpens in new window
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !