La généralisation des concours d’architecture, obligatoires pour les maîtres d’ouvrage publics, est-elle une bonne chose ? Son adaptation pointilleuse aux normes européennes est-elle judicieuse ?
Le principe du concours rémunéré est accepté par la majorité des architectes bien que ne s’adressant, pour chaque consultation, qu’à un nombre restreint de participants (de trois à six environ). Ce nombre limité rend donc illusoire l’anonymat exigé par une décision bureaucratique de la Commission européenne. Un anonymat en revanche parfaitement légitime dans les consultations ouvertes à tous les professionnels, malheureusement supprimées d’une façon tout aussi bureaucratique par l’administration française. Dans ces deux cas, le souci de normaliser, d’harmoniser, risque de devenir rapidement sclérosant, en contradiction avec la diversité enrichissante de pratiques professionnelles bien vivantes.
La présentation orale des projets permettait aux candidats de répondre aux questions du jury. Un projet de concours comporte un grand nombre d’informations, qui n’expliquent pas complètement les intentions des concepteurs, et que le jury, assisté de la commission technique, n’a pas le temps matériel de déchiffrer. L’oral permet donc de lever certaines ambiguïtés apparentes et d’éclairer ainsi le choix du jury.
Sélectionner les meilleursprojets.
Les concours publics sont régis par la loi MOP – il s’agit bien d’une loi et non de simples recommandations. Cette loi définit les différents niveaux d’études (esquisse, avant-projet sommaire), le calcul des indemnités et la composition du jury. Chaque concours est caractérisé par un règlement et un programme qui permettent aux concurrents d’établir leurs projets qui, présentés à un jury, seront évalués et classés, facilitant le choix définitif du maître d’ouvrage. L’objectif étant, dans le cadre budgétaire proposé, de sélectionner le meilleur projet tant sur sa valeur fonctionnelle, que sur sa valeur esthétique.
Pour ce faire quatre conditions sont nécessaires:
1. La rédaction d’un règlement précis, dont chaque mot soit pesé afin d’éviter toute ambiguïté ,
– définissant le budget maximum de l’opération, ou donnant un ordre de grandeur Souvent les budgets sont sous évalués ;
– établissant une adéquation juste entre les prestations demandées et le montant de l’indemnité : ne pas appeler esquisse ce qui est en réalité un avant-projet sommaire ;
– prenant les mesures nécessaires pour éviter que, dans la composition des équipes retenues, un ou plusieurs BET se retrouvent dans plusieurs équipes sélectionnées ;
– veillant à ce que le jury comporte des membres réellement compétents dans le domaine abordé.
A ce propos, le règlement avant rédaction définitive, pourrait être soumis à l’examen des représentants du ministère de tutelle et des architectes, afin de vérifier sa conformité avec la loi MOP, et d’apporter les corrections nécessaires.
2. La rédaction du programme, confiée à un spécialiste, doit se faire en concertation avec les élus, les administratifs, les utilisateurs et les représentants des collectivités territoriales participant au financement, et obtenir après rédaction, l’adhésion de toutes les instances consultées.
3. Le jury doit veiller en premier lieu au respect du règlement et, après analyse des projets, rédiger un procès-verbal justifiant leur classement. Le maître de l’ouvrage, s’il ne suit pas le choix du jury doit justifier son choix.
4. Une exposition publique, par respect pour le travail des concurrents d’une part, et pour la population concernée d’autre part, doit permettre une information démocratique. Les projets seront exposés dans un lieu public avec les appréciations du jury et éventuellement la justification du choix du maître de l’ouvrage.
Ces conditions sont respectées pour les concours organisés par les grands services de l’Etat : Education nationale, Culture, Santé, Justice, Intérieur, Affaires extérieures. Ce n’est malheureusement pas le cas pour ceux organisés par les collectivités territoriales – villes, départements, régions – qui organisent rarement une exposition publique après jugement. Seule exception, la Ville de Paris, qui présente tous les résultats des concours publics au Pavillon de l’Arsenal, structure créée et présidée par Bernard Rocher, adjoint au maire chargé de l’urbanisme en décembre 1988 et dirigée, jusqu’en 2002, par Ann José Arlot. Cet exemple mériterait d’être suivi.
Rétablir l’audition des concurrents par des jurys.
En conclusion, et avec l’accord quasi unanime de la profession, nous souhaitons le rétablissement de l’audition des concurrents par les jurys, le recours à des concours ouverts pour certains petits ou moyens programmes, et l’appel à une compétition internationale ouverte pour certains gros programmes. Et bien sûr, le respect scrupuleux de la loi MOP et l’organisation d’expositions publiques après jugement.