Les parisiens devront patienter jusqu’en septembre pour découvrir, en bord de Seine, la spectaculaire reconversion des entrepôts des Magasins généraux en une Cité de la mode et du design. Déjà, la coque verte fluorescente qui coiffe l’ancienne structure a pris place dans le paysage du 13e arrondissement. Le bâtiment, installé directement sur les berges du fleuve, regroupera des boutiques, des restaurants, un pôle universitaire et des espaces d’expositions. Un équipement qui donne un souffle nouveau au quartier d’Austerlitz, passablement endormi jusque-là..
Site introverti
Longtemps, le site a fait figure d’enclave: «A Paris, la gare d’Austerlitz est la seule à ne pas avoir généré un vrai quartier autour d’elle. La présence de l’hôpital de la Salpêtrière a freiné le développement urbain», explique Jean-Marie Duthilleul, président d’Arep. Les infrastructures lourdes (trains, métros en souterrain et sur viaduc, RER et bus) n’ont pas suffi à instiller une dynamique. Les terrains, détenus en grande partie par la SNCF, sont restés dévolus au fonctionnement ferroviaire, si bien que le territoire a fini par être totalement replié sur lui-même, dépourvu de continuité urbaine avec le centre de Paris.
Depuis quelques années pourtant, avec la réalisation de la ZAC Paris-Rive-Gauche dont la gare constitue la pointe ouest, la volonté s’est affirmée de concevoir un quartier de gare moderne, à la convergence des mobilités et des usages. Pour préciser le contenu de ce secteur de 28 ha, il a fallu définir trois périmètres d’études. Dans un premier temps, Austerlitz-Nord, confié à l’urbaniste Christian Devillers, et Austerlitz-Sud, remporté en 2001 par Bernard Reichen et Philippe Robert, situés de part et d’autre de l’avenue Pierre-Mendès-France, vont avoir pour objectif d’étirer la ZAC construite sur les installations industrielles et les voies ferrées, jusqu’à la halle de la gare.Pour le site même de la gare et son articulation avec la ville historique, l’équipe Ateliers Jean Nouvel/Arep/Desvigne a été désignée lauréate en juin 2007. Le projet, qui n’entrera en phase opérationnelle qu’à partir de 2012, est un autre symbole fort de la reconquête urbaine. L’objectif est de restituer les atouts patrimoniaux du lieu, notamment la façade du xviie siècle de la Salpêtrière, tout en logeant de nouveaux programmes immobiliers et en modernisant le pôle d’échanges, appelé à accueillir le TGV en 2020. «L’opération Austerlitz-Gare sera la porte d’entrée de Paris-Rive-Gauche depuis le centre de Paris», explique Michel Dresch, directeur général de la Semapa, l’aménageur de la ZAC (voir entretien ci-contre). Le projet lauréat fragmente les fonctions (pôle d’échanges, îlot urbain, esplanade de la Salpêtrière), en prenant le viaduc aérien du métro comme fil conducteur.
Fenêtres sur la Seine
Sur le reste du secteur d’Austerlitz, la nouvelle avenue de France, épine dorsale de la ZAC Paris-Rive-Gauche, contournera la halle de la gare et rejoindra le pont Charles-de-Gaulle sur la Seine. D’emprise généreuse, l’avenue réservera une place importante aux mobilités douces: larges trottoirs, disparition du stationnement automobile, transports en commun en site propre, terre-plein central bordé d’arbres… Cette qualité d’espace public trouvera son prolongement à l’intérieur des programmes construits. Le secteur Austerlitz-Nord, quasiment achevé, préfigure les ambiances urbaines: la différence d’altimétrie avec les quais est mise à profit, ménageant depuis l’avenue des «fenêtres» sur la Seine. Des perméabilités multiples sont ainsi assurées entre l’avenue et les berges, qui vont être réaménagées par le port autonome de Paris (voir encadré p.40). Les porosités piétonnes seront aussi de mise de l’autre côté de l’avenue, avec l’opération Austerlitz-Sud, en balcon sur le plateau ferroviaire, où des squares jardinés ponctueront l’architecture en porte-à-faux des nouveaux immeubles.
Autre principe fort, la diversité des usages, soutenue par une programmation variée. Au départ conçue surtout comme un pôle économique et universitaire, l’opération Paris-Rive-Gauche s’est depuis enrichie de nouveaux programmes de commerces, d’activités, de logements… Equipement majeur, la Cité de la mode et du design aura des effets urbains locaux: «Des “boîtes média”, conçues comme des box intégrés aux immeubles mais identifiables, ponctueront le front urbain sud de l’avenue. Elles accueilleront des activités liées à la mode, au design et à la communication», explique Christophe Bayle, architecte chef de projet à la Semapa.
Cette mixité trouve aussi ses limites: seulement quelques centaines de logements seront construitsdans le secteur, où la proximité de la gare favorise surtout le développement des fonctions tertiaires.

