Dans cet îlot des années 1970, construit selon l’idéal moderniste où tout devait être propre, net et bien réglé, notre approche a été celle d’un “bricolage idéal” du déjà-là, un processus qui, bien qu’hypertechnique, en est très éloigné, explique en riant Vladimir Doray, architecte associé de l’agence Litotes, aux manettes de la réhabilitation-extension du conservatoire Frédéric-Chopin à Paris (XVe ). Un bâtiment qui souffrait du fonctionnalisme qui l’a enfanté, pris dans le tourbillon de l’énorme chantier de rénovation urbaine Maine-Montparnasse, et rattrapé par l’échec de l’urbanisme sur dalle.
Cette dalle, qui sectionnait le bâtiment en deux blocs superposés, a été démolie, en prélude à la réhabilitation du conservatoire. Ce qui a permis de dégager l’édifice sur toute sa hauteur, accessible désormais de plain-pied depuis la ville. L’intérieur, largement restructuré, abrite, au rez-de-chaussée, le studio de danse et la salle de claquettes qui, avec le hall et un patio, forment une séquence spatiale continue. Aux deux niveaux supérieurs, on trouve des salles de cours (dont deux en extension), des bureaux, l’auditorium et un nouveau volume conçu pour les répétitions d’orchestre, dont le porte-à-faux signale l’entrée de l’établissement.
Précieux déchets. L’opération a été accompagnée de nombreuses réunions de concertation avec les usagers de l’équipement. « Lors de l’une d’elles, j’ai expliqué qu’il était nécessaire de faire évoluer notre rapport au neuf et, tout à coup, je me suis senti parfaitement seul, regardé par tous comme un bobo », s’amuse encore l’architecte. Divine surprise pour Litotes : au pied de l’édifice, un imposant stock de pavés autobloquants en béton, déchets du chantier de requalification des espaces extérieurs, n’attendait que d’être réemployé en bardage sur les façades de l’auditorium. Ces éléments, conçus pour résister au passage de camions, se confondent, par leur texture, leur calepinage et leur teinte, avec des briques de terre cuite.
« Pour la pose en bardage nous avions, de notre propre chef, effectué des tests concluants, confirmés ensuite par ceux conduits en laboratoire », poursuit Vladimir Doray. En parement, des pierres calcaires agrafées, récupérées sur le chantier de réhabilitation d’un immeuble tertiaire à Marseille, referment les façades de la salle de répétition pour orchestre. « La réhabilitation thermique d’innombrables immeubles de bureaux revêtus de ce même matériau représente un gisement potentiel immense », souligne l’architecte.
Une déception, tout de même : les dalles de faux plafond existantes, déposées et toutes prêtes à être reposées, ont disparu du chantier, remplacées à neuf par l’entreprise… « Comme il n’est jamais certain qu’on disposera d’un matériau en réemploi au moment voulu, l’option du neuf doit toujours être chiffrée, avec pour conséquence de laisser la possibilité à une entreprise de faire machine arrière », remarque Vladimir Doray.
Tel un inventaire à la Prévert de l’univers du réemploi, 30 000 pavés autobloquants, 162 m² de pierre calcaire, 109 m² de brise-soleil, 110 m² de dalles sur plots, 230 m² d’isolant, 50 baffles acoustiques, 52 portes intérieures en bois, 32 mètres linéaires de garde-corps, 11 équipements sanitaires et 25 radiateurs ont trouvé ici une seconde vie.
Informations techniques
Maîtrise d'ouvrage : Ville de Paris.
AMO : Akéa Energies.
Maîtrise d'œuvre : Litotes (architecte).
BET : Biotope (TCE), Pratec (structure), Tribu (environnement), Art acoustique (acoustique), Barthès Bois (ossature bois), Sémofi (géotechnique), Batisafe (SSI), Projectio (coordination SPS).
Bureau de contrôle : Apave.
Principales entreprises : CBC Service (entreprise générale), Raedificare (réemploi), Ateliers du Carrousel (nichoirs).
Surface : 1 560 m² SP.
Montant des travaux : 5,4 M€ HT.






