Depuis près de dix mois, les travaux d’aménagement du polder du port de Brest sont à l’arrêt. A l’été 2019, la structure métallique du quai EMR, quasiment achevée, s’est anormalement déformée lors des opérations de compactage du terre-plein attenant.
Depuis lors, les expertises de la région Bretagne, maître d’ouvrage, d’Egis, maître d’œuvre, et de l’entreprise Vinci sont engagées pour cerner les raisons du sinistre et les responsabilités, évaluer le surcoût de la solution de renforcement et son financement. Sachant que la collectivité territoriale a déjà investi 50 millions d’euros pour la construction du quai...
A ce jour, les études techniques portant sur la solution de renforcement viennent d’aboutir à une nouvelle intervention sur toute la longueur de l’ouvrage (400 mètres).
« Ce quai se compose d’un terre-plein de 80 mètres de large en remblai qui vient s’appuyer sur cette structure métallique en front de mer de 20 mètres de large », décrit Lucile Héritier, directrice des ports pour la région Bretagne.
Cette structure métallique est constituée de deux murs-rideaux parallèles, distants d’une vingtaine de mètres. Les deux murs-rideaux mixtes alternent palplanches et pieux tubulaires, foncés par battage dans le fond marin sédimentaire à 14 mètres de profondeur. Dans l’intervalle des deux rideaux, le sol vaseux a été renforcé par l’injection de liant avec la technique du « soil mixing ».
Les deux rideaux sont reliés entre eux par des tirants constitués de palplanches assemblées. « Lors du préchargement du terre-plein, les descentes de charge importantes se sont propagées dans le remblai puis dans la structure métallique qui s’est courbée au-delà du seuil de sécurité défini par la modélisation de l’ouvrage. », poursuit-elle. Or, le quai dit "lourd" doit réceptionner des colis de 1000 tonnes (des fondations d’éolienne, notamment) et supporter 10 tonnes par mètre carré.
Ceinture et bretelles
Selon le maître d’ouvrage, les causes de la déformation aujourd’hui établies relèveraient de plusieurs phénomènes. « Etabli par Vinci, sous le contrôle d’Egis, le modèle numérique qui détermine les interactions entre le remblai et l’ouvrage comporterait des défaillances. Par ailleurs, certaines données de calcul qui prennent en compte les paramètres du chantier et les spécificités des fonds marins de la rade, auraient été en partie erronées », décrit Lucile Héritier.
« La solution la plus simple, à savoir reconstruire plutôt que renforcer, n’était pas envisageable vu l’état d’avancement du chantier quasi fini », poursuit le maître d’ouvrage. Il a fallu inventer une solution technique pour intervenir dans l’ouvrage fini afin de le renforcer tout en tenant compte des parties abîmées (certains pieux avant et le renforcement du sol entre les deux rideaux).
Double, la solution prévoit « ceintures et bretelles » pour rééquilibrer les forces. « Ferraillés et remplis de béton, tous les pieux seront ancrés au sol par une racine, une tige en acier forée dans le sol avec du béton. Positionné au-dessus des tirants de palplanches, un tirant supplémentaire entre chaque pieu avant et arrière assurera un second contreventement. A l’arrière de chaque pieu, un écran de paroi moulé de trois mètres de large, du sol rocheux jusqu’en haut du quai (20 mètres de hauteur) va être élevé. Enfin, la structure ainsi consolidée sera reliée par des tirants à un troisième (et nouveau) mur-rideau de 10 mètres de haut positionné 40 mètres en arrière dans le terre-plein. »
Ces travaux de renforcement devraient s’étaler sur une année. Pour l’heure, la région Bretagne table sur une reprise du chantier fin 2020 ou début 2021.
Stratégique pour le développement économique breton, ce site de 14 hectares doit accueillir le chantier d’assemblage du parc éolien marin de Saint-Brieuc en 2021 puis celui de Groix-Belle-Ile en 2022.