Avec des pylônes baptisés « Equilibre », dont la forme évoque les mâts d’un navire, Hugh Dutton Associés a remporté, parmi trois équipes présélectionnées, le concours de design qui précède la construction de la future ligne électrique à 400 000 Volts Avelin Gravelle, soit 30 km entre les agglomérations d’Arras et de Lille. « Ces pylônes portés par des haubans suivent une ligne courbe, ce qui évite la lourdeur des traditionnels diagrammes métalliques », commente l’architecte, connu pour la façade du musée de l’Acropole, à Athènes, et pour la passerelle des Jeux Olympiques d’hiver, à Turin. L’infrastructure traverse les zones denses et à forte valeur patrimoniale du bassin minier, les champs de l’Arrageois et des forêts humides habitées par de nombreux oiseaux.
Chaussette verte
La compétition a prolongé un atelier pédagogique régional associant RTE, maître d’ouvrage, et l’Ecole nationale supérieure du paysage de Versailles. « Ce partenariat peut nous aider à valoriser les aspects positifs de nos infrastructures destinées à marquer les sites pendant 60 à 80 ans», justifie Dominique Maillard, président de RTE. Le maître d’ouvrage se soucie d’autant plus de l’acceptabilité sociale des lignes aériennes qu’il s’attend à une densification de son réseau : la transition énergétique génèrera de nouvelles unités de production, souvent éloignées des centres urbains, en particulier les centrales éoliennes off-shore. La mutation culturelle de RTE passe par l’application des techniques de gestion écologique : des fauches tardives créent des refuges pour la faune et la flore et justifient la désignation du bas des pylônes par l’expression « chaussettes vertes ».
Paysagiste médiateur
Le test du Nord-Pas-de-Calais conforte la démarche : « Alors que de nombreux riverains avaient plaidé au départ pour l’enfouissement de la ligne, les pylônes en forme de mâts de navire ont suscité beaucoup d’adhésion », se félicite le président de RTE. Cette expérience a joué un rôle décisif dans le parrainage de la chaire universitaire « Paysage et Energie », lancée le 7 avril à Versailles par Ségolène Royal, dans le cadre de son plan national d’action pour le paysage : le gestionnaire du réseau électrique à haute tension finance les trois premières années du fonctionnement de cette chaire, dont l’activité démarrera à la prochaine rentrée. « La recherche et développement de RTE s’intéressent à la biodiversité, au design et à la sociologie : le paysage intègre toutes ces disciplines », analyse Nathalie Devalder, directrice du développement durable. La réflexion du transporteur d’électricité sur l’acceptabilité sociale s’est également nourrie du projet européen Inspire Grid, lancé en 2013 pour trois ans avec dix partenaires.
Energie positive
L’école de Versailles voit également s’ouvrir de nouveaux horizons, grâce à ce partenariat : « Depuis 1976, la notion d’étude d’impact a campé le paysage dans le rôle de support passif des projets. Au contraire, la chaire Paysage et Energie réunit deux disciplines transversales, qui peuvent s’articuler pour donner naissance aux territoires à énergie positive », s’enthousiasme le paysagiste Bertrand Follea, directeur de la chaire.