En forêt de Guédelon (Yonne), tailleurs de pierre, maçons, charpentiers, forgerons et tuiliers œuvrent, depuis plus de vingt ans, à l'édification d'un château fort avec les matériaux et les techniques employés au Moyen Age (lire « Le Moniteur » n° 6105, p. 66). Ce chantier d'archéologie expérimentale a compté jusqu'à 120 compagnons au plus fort de son activité, avant la pandémie.
Il était temps de leur bâtir un réfectoire, des vestiaires et des sanitaires adéquats. Ces installations, dessinées par l'architecte Christian Nancey et utilisées depuis deux ans, sont implantées au milieu d'une chênaie située à proximité du château. Elles respectent le principe fondateur de Guédelon : exploiter au maximum les gisements de matières disponibles sur place. Ici, le bois. Du robinier issu de forêts avoisinantes a servi à la fabrication des pilotis sur lesquels reposent les trois bâtiments, ainsi que le platelage des cheminements et de la terrasse du réfectoire. Grâce à l'esprit d'expérimentation qui règne sur l'opération, Marie Chrétien, ingénieure chez NGE Fondations, a pu mettre en œuvre la méthode des pieux battus. Fréquente à l'époque médiévale, mais rare de nos jours en l'absence de cadre réglementaire, elle permet de construire durablement sur des sols argileux et vaseux.
Au sein du réfectoire, le matériau bois est omniprésent : du parquet en chêne qui tapisse le sol, au contreplaqué en peuplier qui recouvre murs et plafonds, en passant par les nervures en épicéa qui structurent la charpente. Le bois apparaît également sous sa forme naturelle à travers les baies vitrées latérales et zénithales.
Résistance à l'eau. Les toitures et façades des trois bâtiments sont bardées de tuiles en chêne appelées tavaillons. Ces éléments, longs de 33 cm et de largeurs variables, ont été réalisés en bois fendu. « Le matériau suit la structure de croissance de l'arbre, ce qui lui confère une meilleure résistance à l'eau », indique Christian Nancey. Les tavaillons sont fixés à l'aide de clous en acier Inox ou galvanisé, faute de quoi le tanin les oxyderait. Les « œuvriers » de Guédelon ont participé à leur pose ici et ailleurs sur le site.
Un partenariat a été noué entre Sylvain Charlois, président du Groupe Charlois et fabricant de tonneaux dans la Nièvre, et Maryline Martin, cheffe d'orchestre du chantier. « Ce qui n'est pas d'assez bonne qualité pour faire des merrains devient des tuiles pour nous, à un prix abordable (40 €/m²), apprécie-t-elle. Avant, tout ça brûlait dans des chaudières. »
