Décryptage

Projets publics : PPP, retour vers le futur

Alors qu'il avait presque disparu, le marché de partenariat pourrait réapparaître pour faire face aux restrictions budgétaires. Mais attention à ne pas tomber dans le piège de l'argent magique.

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Lors de la remise des conclusions de la conférence Ambition France Transports, le 9 juillet, le ministre des Transports Philippe Tabarot a annoncé vouloir mobiliser des capitaux privés via des marchés de partenariat pour la régénération et la modernisation du réseau ferré.

Le marché de partenariat, communément appelé partenariat public-privé (PPP), va-t-il connaître une seconde jeunesse ? Depuis un an, des appels ont émané de toutes parts pour y recourir plus largement. En juillet 2024, un rapport sénatorial le plébiscitait pour la construction de nouvelles gendarmeries. En novembre, c'est le think tank de centre gauche Terra Nova qui le préconisait pour réaliser les investissements nécessaires à la décarbonation des infrastructures publiques. Plus récemment, Vinci y voyait l'outil adéquat pour financer le programme de construction de nouvelles centrales nucléaires. Et c'est finalement dans le domaine du ferroviaire qu'il pourrait réapparaître, le ministre des Transports Philippe Tabarot ayant annoncé le 9 juillet vouloir mobiliser des capitaux privés via des marchés de partenariat pour la régénération et la modernisation du réseau ferré.

Un revirement

Après un pic de PPP conclus juste après la crise financière de 2008 et le lancement par l'Etat de grands projets de construction, notamment d'universités et d'hôpitaux, ce modèle était tombé en désuétude, plombé par une série de rapports au vitriol soulignant ses limites. « Depuis 2011, les PPP se comptent sur les doigts d'une main chaque année », observe ainsi Jean Bensaïd, directeur de la Mission d'appui au financement des infrastructures (Fin Infra) de Bercy, qui doit rendre un avis sur chaque projet de marché de partenariat.

Ce sont les difficultés de trésorerie de l'Etat qui ont remis cet outil sur le devant de la scène. Il permet en effet de faire porter le financement d'un projet public par le titulaire du marché, chargé également de le concevoir, le construire, puis l'entretenir. Le privé pourrait alors pallier la disette budgétaire du secteur public. Pour Jean Bensaïd, « cet argument n'est toutefois pas le meilleur car, en réalité, le financement reste public, les loyers versés à l'entreprise sont consolidés dans les comptes publics et pris en compte dans le déficit », explique-t-il. Un avis que partage Thierry Dallard, ancien président du directoire de la Société du Grand Paris : « Le marché de partenariat ne crée pas d'argent gratuit. Lorsqu'une collectivité en conclut un, elle doit avoir les budgets pour payer les loyers futurs. »

Transfert de la maîtrise d'ouvrage

Les PPP ont tout de même des atouts à faire valoir. En particulier l'externalisation des risques et de la maîtrise d'ouvrage. « Ils apportent une solution aux maîtrises d'ouvrage publiques ne disposant pas de l'expérience et des moyens humains pour gérer des projets complexes », souligne Thierry Dallard. Dans son rapport de novembre 2024, Terra Nova se montre plus radical. Il note que « trop souvent, l'Etat est un mauvais maître d'ouvrage ». Faire appel à l'expertise du privé serait donc nécessaire face à l'inefficacité du secteur public. « Les données empiriques suggèrent une performance supérieure des PPP [par rapport aux projets menés en gestion publique directe, NDLR] en matière de respect des délais, de stabilité budgétaire et de gestion du cycle de vie », confirme Stéphane Saussier, professeur d'économie à l'IAE Paris-Sorbonne où il dirige la Chaire économie des PPP, dans une note publiée en juin 2025.

Des arguments dont Jérôme Rivalin, associé en charge des affaires publiques au cabinet de conseil Rydge, estime qu'ils servent avant tout à contrebalancer le surcoût des PPP, conséquence des conditions de financement pour les opérateurs privés moins avantageuses que pour les personnes publiques. « Dans les rapports d'évaluation préalable à réaliser avant de recourir à un marché de partenariat, c'est souvent la monétisation du temps qui rend finalement ce montage plus favorable. Cela repose sur le parti pris de considérer que la construction ira plus vite et que l'entretien sera plus efficace. »

Mauvaise réputation

Le PPP souffre toujours d'un déficit d'image, écornée par quelques échecs retentissants, comme la rupture anticipée en mai dernier du contrat du stade de Bordeaux à la suite du risque de faillite de son titulaire, une filiale de Vinci et Fayat. Un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) finalisé en février dernier pourrait contribuer à redorer son blason. Il dresse le bilan des PPP conclus depuis 2004 et les résultats seraient globalement positifs, à en croire les défenseurs de cet outil qui espèrent tous que l'administration rendra publics ces travaux prochainement. Ils s'accordent aussi pour considérer que les futurs contrats devront éviter les écueils de leurs prédécesseurs. Ainsi, Stéphane Saussier plaide pour « refonder les PPP sur des bases plus exigeantes : transparence accrue, équilibre des rôles, incitations mieux calibrées et gouvernance renforcée. Ce repositionnement est essentiel pour refonder leur légitimité ».

Surtout, tous les projets publics ne devront pas faire l'objet de ce type de partenariat. « Il est efficace pour des équipements stables dans le temps, relève ainsi Jean Bensaïd. Il ne fonctionne pas pour les hôpitaux, car leurs besoins évoluent rapidement. Mais il est pertinent pour les lignes à grande vitesse, des infrastructures linéaires qui n'ont pas vocation à changer. Il y a d'ailleurs des exemples de réussite, comme les PPP conclus au début des années 2010 pour la ligne Bretagne-Pays de la Loire et pour le contournement Nîmes-Montpellier », souligne le directeur de Fin Infra.

 « Pour qu'un marché de partenariat fonctionne, il doit être équilibré », Gwenola Chambon, directrice générale et associée fondatrice de Vauban Infrastructure Partners, et vice-présidente de France Invest

« Les PPP sont des contrats grâce auxquels les équipements sont livrés dans les temps et dans les coûts, notamment car ils reposent sur un système de pénalités très élevées. Ils se sont d'ailleurs révélés très chers pour les constructeurs, qui ont supporté des surcoûts importants pour parvenir à tenir les délais. Les opérateurs privés sont désormais beaucoup plus vigilants au moment de s'engager.

Ils ont tiré les leçons des contrats conclus il y a une quinzaine d'années, dans lesquels le secteur public a demandé une grande prise de risque aux entreprises. Celles-ci ont dû, par exemple, s'engager sur des prix fixes et définitifs, sans qu'il soit prévu d'indexation ni d'actualisation pour tenir compte des taux d'intérêt réels de leur emprunt bancaire. Côté public, des demandes nouvelles ont vu le jour, comme des clauses de partage de la valeur en cas de refinancement par le titulaire. »

Un PPP peut en cacher un autre… et en payer un autre

« Au sens large, l'acronyme PPP englobe les concessions », précise le directeur de Fin Infra, Jean Bensaïd. Lesquelles « pourraient résoudre l'impasse budgétaire », selon Thierry Dallard, l'ex-président du directoire de la SGP.

Le concessionnaire perçoit en effet les recettes versées par les usagers du service et aucune contribution publique n'est en principe attendue. Elles ne sont donc pas consolidées dans le budget des personnes publiques. « Dans le domaine des transports, un flux financier des concessions vers les PPP pourrait se mettre en place, imagine Thierry Bodard, président de NGE Concessions. Il est possible de faire des PPP dans le domaine ferroviaire en faisant financer le loyer de l'infrastructure par le péage de la concession autoroutière de la région où elle est réalisée. »

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