Le projet de loi Climat et résilience est actuellement étudié par l’Assemblée nationale. Lors de la séance publique, vous avez été à l’origine de deux amendements adoptés qui ajoutent la dimension sociale à l’achat public durable. Pour quelles raisons ?
Nous estimions qu’en termes d’affichage politique, le signal envoyé par le projet de loi était maladroit. D’une certaine manière, et même si ce n’est sans doute pas l’objectif du gouvernement, le fait de mettre l’environnement au premier plan reléguait tous les autres critères au second plan. Or pour nous, la transition écologique ne sera réussie que si elle est solidaire. Au-delà de ce point, il nous paraît également important de faire progresser le volet social dans la commande publique. Le secteur de l’insertion est en pleine croissance et nous devons le doter d’outils supplémentaires pour accélérer le développement prévu au Pacte d’ambition de l’insertion. En effet, même si le dispositif de la clause sociale est un bon outil, nous estimons qu’il n’est pas suffisant pour atteindre les objectifs fixés, notamment dans le Plan national d’action pour les achats publics durables (PNAAPD).
L'Assemblée nationale a adopté en première lecture deux mesures visant à rosir la commande publique
- Le premier amendement adopté oblige à prendre en compte systématiquement le domaine social et l’emploi dans les conditions d'exécution d'un marché public au même titre que l'environnement.
- Le deuxième amendement adopté prévoit de confier directement ou indirectement à des entreprises solidaires d’utilité sociale une part minimale de 5% de l’exécution d’un marché lorsqu’il poursuit un objectif écologiquement responsable.
Le projet de loi Climat et Résilience est-il le bon véhicule juridique pour adopter ces mesures sociales ?
En tant que Fédération des entreprises d’insertion, notre rôle est de multiplier les tentatives pour faire avancer nos sujets. Nous avons essayé lors de l’étude de la loi « inclusion dans l’emploi par l’activité économique », promulguée en fin d’année dernière, mais sans réussite. Nos amendements ont été qualifiés de cavaliers législatifs. Sur le projet de loi Climat et résilience, à défaut d’avoir convaincu le gouvernement en amont des débats au Parlement, nous avons réussi à persuader des députés de tous bords, ce qui montre leur volonté de rosir le texte. Nous sommes néanmoins conscients du contexte d’adoption de ces amendements, c’est-à-dire dans un hémicycle particulièrement dépeuplé. C’est pourquoi nous travaillons d’arrache-pied pour proposer des dispositions parfaitement sécurisées par des experts pour le passage au Sénat et que nous échangeons avec les différents ministères concernés.
L’un des amendements adoptés par les députés prévoit de confier directement ou indirectement à des entreprises solidaires d’utilité sociale (Esus) une part minimale de 5% de l’exécution d’un marché lorsqu’il poursuit un objectif écologiquement responsable. Pour certains, cette mesure fait beaucoup de bruit pour pas grand-chose, autrement dit, elle n’aura que peu d’impact. Que répondez-vous ?
Faire du bruit, c’est déjà une bonne chose ! Désormais, quel que soit le devenir des deux amendements,le volet social dans le projet de loi ne pourra plus être mis de côté. Nous espérons d’ailleurs que cela deviendra un sujet important de débat lors du passage du texte au Sénat, et éventuellement en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Sur cet amendement en particulier, selon nous, il ne s’agit pas d’un gadget, mais d’un ajout. Nous allons néanmoins le retravailler. L’idée est de l’élargir à l’ensemble des marchés pour avoir un impact plus significatif et pas uniquement aux marchés poursuivant un objectif écologiquement responsable, notion juridique trop floue.
Allez-vous présenter d’autres amendements devant le Sénat ?
En effet, nous allons porter d’autres amendements, par exemple, sur les concessions qui représentent un volume d’achat conséquent souvent laissé de côté. L’idée est de reprendre un dispositif bien connu des PME, en confiant à des Esus une part minimale d’exécution de ces contrats. Nous avons également une proposition un peu plus innovante visant à bonifier les offres qui comportent au moins 50% de part exécutée par des Esus.
Pour justifier son action sur le volet social de la commande publique, le gouvernement met en avant deux outils : le PNAAPD et les nouveaux CCAG qui reprennent le dispositif de la clause sociale. Qu’en pensez-vous ?
Le PNAAPD est un bon outil pédagogique qui installe de bonnes pratiques, mais il s’applique sur un temps long (cinq ans, NDLR) qui ne répond pas nécessairement à notre volonté d’accélérer les choses. En outre, il n’est pas contraignant de sorte que jusqu’à présent les objectifs affichés n’ont jamais été atteints.
Sur les CCAG, le dispositif de la clause sociale est repris tel qu’il existait déjà et systématisé. C’est un bon point, mais nous avons tout de même un regret. Nous proposions d’ajouter une dimension qualitative à cette clause, telle qu’une définition de l’action d’insertion, mais cela n’a pas été retenu.